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GARDERIE NOCTURNE. Dans l'intimité de trois travailleuses du sexe et mères
Film documentaire burkinabè de Moumouni Sanou dit "Le chat"
critique
rédigé par Marc Zombré
publié le 10/01/2023
Moumouni SANOU, réalisateur du film documentaire Garderie nocturne, avec son Etalon 2021.
Moumouni SANOU, réalisateur du film documentaire Garderie nocturne, avec son Etalon 2021.
Scène du film
Scène du film
Scène du film, avec Maman Coda
Scène du film, avec Maman Coda
Scène du film
Scène du film

Le documentaire Garderie nocturne (2021) est réalisé par le Burkinabè Moumouni Sanou, surnommé "Le chat". D'une durée de 66 minutes, ce film a été tourné en langue dioula et sous-titré en français. Garderie nocturne (en anglais Night Nursery) a remporté l'Étalon d'or du Meilleur film documentaire à la 27e édition du FESPACO qui s'est déroulée du 16 au 23 octobre 2021 à Ouagadougou. Il s'agit d'une véritable incursion dans l'intimité professionnelle de trois travailleuses du sexe, toutes mères de nourrissons.
Le réalisateur tire son inspiration de l'œuvre de l'écrivain burkinabè Patrick G. Ilboudo intitulée Les Carnets secrets d'une fille de joie dont le personnage principal est "Fatou Zalme".
Garderie nocturne a été, aussi, sélectionné et distingué en France, en Russie, en Suisse, en Allemagne. Le film continue de séduire de nombreux cinéphiles par son propos très profond.

Dans un quartier populaire de Bobo-Dioulasso, chaque soir, Maman Coda accueille chez elle les enfants des prostituées. Ces prostituées déambulent ensuite au "Black", une ruelle très animée du centre-ville, jusqu'au lever du jour, puis elles viennent récupérer leurs enfants. Mais Maman Coda, qui a plus de quatre-vingt ans, commence à être fatiguée.



Cette œuvre est originale en ce sens qu'elle aborde avec respect et pudeur une expérience inédite du vécu des professionnelles du sexe dans les pratiques nocturnes de la ville de Bobo Dioulasso avec ses enjeux sociaux, économiques et de gouvernance. Située à l'Ouest du Burkina Faso, Bobo Dioulasso ou la cité de Sya est la deuxième ville importante du pays des hommes intègres et est à environ 356 kilomètres de Ouagadougou, la capitale.

Garderie nocturne déconstruit l'assimilation systématique de la nuit à un temps inactif validant l'idée que pendant la nuit il n'y a pas d'activité. Si faire le marché de la prostitution en contexte urbain nocturne rapporte de l'argent, cela n'est pas sans poser des questions. Des enfants peuvent en naître, avec un avenir incertain. Et que faire dans ce cas ? Le réalisateur en appelle à l'inventivité individuelle et collective pour agir en compétence et avec pertinence pour la survie des enfants dans une parentalité responsable.

Dans cette œuvre, l'histoire est racontée de façon poignante à travers une bonne alternance de choses et de leurs contraires. Il y a par exemple, le jour et la nuit (obscurité et lumière), la richesse et la misère (argent et habitat précaire), le religieux et le libéral (habit religieux, croix, voix de muezzin et alliance de mariage), le marié et le célibataire (alliance et absence d'alliance au doigt), l'ambiance de la ville et le calme de la maison), la tragédie et l'humour, la personne du troisième âge et l'enfant dans ses premiers moments de vie, le féminin et le masculin…

Sur le plan technique, le film, à travers de nombreux plans rapprochés, fait découvrir un travail bien construit grâce à un montage alterné. Il montre à visage découvert des jeunes femmes associées aux activités festives de la ville et leurs enfants confiés à l'éducation des personnes avancées en âge à la garderie.

Quelques séquences métaphoriques y apparaissent. On peut citer celles de la poule et ses poussins picorant leur pitance au lever du jour et celles des jeunes femmes allaitant leurs enfants de retour de la ville au même moment. Il n'y a pas de vie autour de la garderie qui est sans voisinage au sein du quartier et cela semble être irréaliste ; une limite qui n'entache en rien la qualité de l'œuvre.

En définitive, le film présente avec pertinence et sous un angle novateur, le thème de l'éducation des enfants nés de la prostitution en milieu périphérique urbain. Censés être les dirigeants de nos sociétés de demain, ces enfants interpellent toutes les couches sociales afin de faire quelque chose en faveur de l'hygiène de vie des personnes vulnérables mais battantes dans les quartiers populaires des villes du Burkina Faso. Ces espaces publics ne sont pas neutres car ils véhiculent parfois des imaginaires d'absence de repères.

Tous autant que nous sommes, au cours de notre vie, nous avons droit à une bonne éducation pour la construction d'une société plus humanisée, attentive, à l'écoute active des uns et des autres et engagée dans l'empathie et une solidarité concrète. Cette donne permettrait aux plus faibles de s'appuyer sur les plus forts pour avancer en eau profonde du développement humain intégral durable.

Garderie nocturne reste d'actualité et pourrait permettre des avancées importantes dans le processus des réformes du foncier et du système de santé engagé par les autorités politico-administratives pour l'amélioration des conditions de vie des citoyens en proie à la spoliation des terres et au gain facile dans un contexte de crise sanitaire et sécuritaire inédite de l'histoire du Burkina Faso.

Marc ZOMBRÉ (Burkina Faso / ASCRIC-B)

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