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MÉ EL AÏN (WHERE DO I BELONG TO?), premier long métrage de Meryem Joobeur
Un thriller dans le nord de la Tunisie rurale
critique
rédigé par Djia Mambu
publié le 04/03/2024
Meryem JOOBEUR, réalisatrice et scénariste tunisienne
Meryem JOOBEUR, réalisatrice et scénariste tunisienne
Scène du film MÉ EL AÏN (WHERE DO I BELONG TO?)
Scène du film MÉ EL AÏN (WHERE DO I BELONG TO?)
Scène du film MÉ EL AÏN (WHERE DO I BELONG TO?)
Scène du film MÉ EL AÏN (WHERE DO I BELONG TO?)
Scène du film MÉ EL AÏN (WHERE DO I BELONG TO?)
Scène du film MÉ EL AÏN (WHERE DO I BELONG TO?)
Scène du film MÉ EL AÏN (WHERE DO I BELONG TO?)
Scène du film MÉ EL AÏN (WHERE DO I BELONG TO?)
Scène du film MÉ EL AÏN (WHERE DO I BELONG TO?)
Scène du film MÉ EL AÏN (WHERE DO I BELONG TO?)
Djia MAMBU, Rédactrice (Bruxelles) à AFRICINÉ MAGAZINE
Djia MAMBU, Rédactrice (Bruxelles) à AFRICINÉ MAGAZINE

Faisant suite à Brotherhood (Ikhwène), son court métrage multiprimé en 2018, Meryem Joobeur signe un premier long métrage fiction sur une tentative de réconciliation familiale après le retour d'un fils de Syrie, dans un contexte post révolutionnaire en Tunisie. Brillant.

Mé el Aïn (Là d'où on vient) met en scène une famille déchirée par le départ de deux fils qui ont rejoint l'État islamique et dont l'un d'entre eux n'en reviendra jamais. L'autre, Mehdi l'aîné (Malek Merchergui) revient sans mot dire sur cette absence soudaine et encore moins sur la disparition de son frère cadet Amine (Chaker Merchergui). Cependant, il revient avec Reem, mystérieuse syrienne, enceinte vêtue d'un long niqab noir imposant de la tête au pied, ne laissant paraître que d'immenses yeux bleus perçants (Dea Liane).

Avec ce long métrage, la réalisatrice a apporté une perspective davantage féminine en abordant frontalement les thématiques de la maternité, de la violence faites aux femmes, et surtout en développant plus en profondeur les personnages féminins qui figuraient plutôt en second plan dans Brotherhood. Aïcha, la mère (majestueuse Salha Nasraoui) est prise entre l'attitude de rejet de son mari Brahim (Mohamed Hassine Grayaa) face au retour de Mehdi et, son amour maternel inconditionnel pour ce fils prodige, tout en veillant à préserver son troisième fils Adam (Rayen Merchergui). Aussi, elle n'est pas moins insensible au ventre rond de Reem, la Syrienne. Le silence de celle-ci pèse lourdement sur le cercle familial et rend très vite la situation inconfortable. Comme dans le court métrage, les interactions entre les membres de la famille ont lieu de façon indirecte : le niqab dont Reem ne se sépare jamais irrite fortement Brahim qui le perçoit comme instrument de radicalisation. Mais c'est Mehdi, rongé par les remords qui s'en défend avec ferveur sous le regard surveillant de sa mère Aïsha. Reem qui ne semble pas plus attachée à son foulard pour des motifs religieux que pour se cacher d'un vécu douloureux, intrigue le petit cadet Adam qui s'en court interpeller Bilal, l'agent du village (interprété par Adam Bessa). 

Divisé en trois parties, le film conserve une image dominée par la couleur rouge qui marque une violence généralisée : la tension qui illustre l'expérience en Syrie, la dureté du père envers son fils, le quotidien rural ou encore le traumatisme que cache la Syrienne. 

C'est en se rendant pour la première fois dans le Nord de la Tunisie il y a plusieurs années que Meryem Joobeur (basée à Montréal) a été interpellée par les traits assez particuliers de deux jeunes garçons au bord de la route accompagnés de leurs moutons : roux, tâches de rousseur, c'est peu commun dans la région. Ce sont les deux frères Merchergui. Elle découvrira que cette même région où ils vivent enregistre un taux élevé de départ en Syrie des jeunes résidents alors que nombre de familles luttent économiquement et n'ont pas accès à de l'eau courante.

Après la chute du régime Ben Ali, on constate une augmentation du terrorisme des groupes rebelles rejoignent la Syrie, Lybie, Iraq où l'organisation opère, mais aussi beaucoup de jeunes tunisiens s'en vont pour combattre auprès de l'EI. La Tunisie a un des taux le plus élevé des combattants étrangers malgré qu'elle a toujours été perçue comme étant est un des pays musulmans les plus tolérants. 

Un phénomène qui préoccupe les Tunisiens, même sur grand écran (Weldi de Mohamed Ben Attia, 2018). Ici, l'auteure se questionne sur comment s'opère la réinsertion des déserteurs dans la famille, dans la société, comme Aïsha qui veut avant tout récupérer son fils. Parviendra-elle à le réintégrer dans le cercle familial ? Comment réagirons-nous si l'un de nos fils partait pour la Syrie ?

Djia MAMBU 
(à Berlin)

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