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Interview avec Cyrielle RAINGOU, réalisatrice du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Documentaire, 75 minutes, Cameroun, 2022.
entretien
rédigé par Yolande Welimoum A Zintsem
publié le 26/02/2024
Cyrielle RAINGOU, réalisatrice, scénariste, directrice photo et productrice camerounaise
Cyrielle RAINGOU, réalisatrice, scénariste, directrice photo et productrice camerounaise
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Scène du film LE SPECTRE DE BOKO HARAM
Cyrielle Raingou, réalisatrice
Cyrielle Raingou, réalisatrice
La cinéaste camerounaise Cyrielle Raingou, au Festival des 3 Continents (Nantes - France) avec son trophée : la Montgolfière d'argent 2023
La cinéaste camerounaise Cyrielle Raingou, au Festival des 3 Continents (Nantes - France) avec son trophée : la Montgolfière d'argent 2023
Yolande WELIMOUM, Rédactrice (Yaoundé) à AFRICINÉ MAGAZINE
Yolande WELIMOUM, Rédactrice (Yaoundé) à AFRICINÉ MAGAZINE

"Représenter la vie des gens, leur résilience et leur résistance face aux attaques de Boko Haram. Tel est le postulat sur lequel est construit la réalisation du film documentaire le Spectre de Boko Haram".

Qu'est ce qui a inspiré le titre et le sujet du film ?

C'est le terrain qui a inspiré le titre du film et ceci s'est fait pendant le tournage. Pour le sujet, ayant travaillé longtemps avec le Cinéma Numérique Ambulant dans cette région et ayant parcouru plus de 50 villages, j'ai été témoin du début de ces attaques terroristes de Boko Haram au Cameroun.
J'ai été intriguée du fait que la majeure partie de la population soit restée dans les villages refusant de fuir ses attaques, parce que les gens estimaient être chez eux. C'est cette résilience qui a inspiré la réalisation de ce film et le choix du sujet.

Pourquoi le choix des enfants comme protagonistes du film ?

Mon film au départ était centré sur les adultes, mais c'est pendant mes recherches sur le terrain que la rencontre de ces deux frères s'est immédiatement imposée à moi. Au fond de moi, j'ai su que c'est avec eux que je devais faire le film. Ils étaient très indépendants, avec une force naturelle et psychologique incroyable. Leur histoire, leur vécu, résumait exactement la situation de cette zone où l'on pouvait pleurer un moment et l'instant d'après lancer des fous rires de joies.

Pourquoi Le spectre de Boko Haram ?

Quand je prenais les images sur le terrain, la terreur était palpable dans les regards des communautés. Au point où, même en absence des attaques, le quotidien des villageois était transformé. Tout tournait autour des terroristes de Boko Haram. Ce qui plongeait la population dans une hantise perpétuelle. C'est pourquoi à la fin j'ai opté pour le titre Le Spectre de Boko Haram.




Parlant du tournage, nous avons visionné le film et il ressort un certain naturel dans l'expression des enfants qui sont les principaux protagonistes du film. Dites-nous comment s'est passé le tournage sur le terrain ?

Le film m'a pris six années de ma vie pour le résultat que vous avez vu à l'écran. Les trois premières années de tournage, je travaillais avec les adultes comme je l'ai dit au début de notre entretien. Les adultes étaient le point de départ de ce film. C'est à la fin de la troisième année de travail que je fais la rencontre de ces deux jeunes frères qui ont fui un camp terroriste pour se réfugier dans ce village-là. Ils sont devenus mon coup de cœur et j'ai su que je tenais le fil conducteur de mon film. J'ai dû tout changer, ce qui n'était pas évident parce que le projet initial, avec pour protagonistes des adultes, était déjà pitché dans plusieurs commissions de financement notamment l'OIF [la Francophonie, ndlr]. J'ai dû convaincre tout le monde, avec le soutien de mes deux producteurs dont ALAKA Dieudonné.
Pour moi, raconter l'histoire de Boko Haram selon le point de vue des enfants avait une meilleure portée émotionnelle et psychologique. Entre 2019 et 2020 je décide de passer derrière la caméra pour les prises de vue, ceci pour mieux entrer en complicité avec les enfants et permettre qu'ils s'expriment facilement. C'est avec cette méthodologie que j'ai pu capter les images et les émotions que vous avez vues dans le film. Je suis allée vers les enfants comme un enfant. Cette spontanéité avec eux a permis qu'ils s'ouvrent à moi avec sincérité. Je n'ai pas eu recours à un protocole d'interview. J'ai juste posé ma caméra qui s'est faite "invisible" et des simples échanges entre nous ont suffi pour avoir l'essentiel du film.

Cette technique, je l'ai optée depuis mes précédents films. Je travaille en amont pour des recherches en passant énormément de temps avec les personnes que je filme et pendant le tournage je laisse libre expression aux protagonistes qui ne sont pas opprimés par un questionnaire strict. Le documentaire étant une transcription de la réalité, il est donc important de laisser faire les choses naturellement afin de transmettre cette réalité à l'écran.

Votre film fait écho dans le monde entier, avec des sélections à certains festivals de classe A et des prix à son actif. Pouvez-vous nous donner le parcours de ce film à ce jour ?

Son parcours est étonnant, même pour moi qui ai réalisé ce film. Je suis agréablement surprise de son parcours actuellement. Le spectre de Boko Haram a le parcours d'un film de fiction bien qu'étant un documentaire. Je l'ai considéré comme mon premier ; j'y ai mis toute mon énergie et même pendant la préparation et son écriture. J'ai dû prendre un moment pour aller me former en réalisation documentaire en m'inscrivant dans un programme de master d'Erasmus dénommé DocNomads JointMaster program afin de m'outiller davantage des techniques de réalisation documentaire. J'avais la rage de réussir ce film et montrer aux yeux du monde cette réalité du traumatisme de Boko Haram subi par ces enfants et cette population. C'est donc avec le premier cut [montage brut, ndlr] que le festival de Rotterdam s'intéresse au film. Je parviens à finaliser la post production et j'envoie le film. Il y ressort avec " le Tigre d'or ", Prix Paul Robson. Au Fespaco, il obtient le prix de la meilleure première œuvre, le prix Dok Horizonte à Dokfestmunchen (Allemagne, ndlr], le prix ethnomatograph à Millenium docs againstgravity, prix du meilleur film africain réalisé par une femme à Encounters South Africa, prix du meilleur documentaire africain à Durban International film festival [Afrique du Sud, ndlr] et prix Call to action pour une réalisatrice en Afrique centrale. Actuellement il est en lice dans la compétition documentaire au festival Ecrans Noirs au Cameroun et nominé au best documentary at Africa movies Academy Awards à Lagos.

Et si on parlait de la sélection en 2023 du Spectre de Boko Haram au festival Ecrans Noirs qui est un festival de votre pays ? Quelles sont vos attentes ?

Ecrans Noirs c'est notre festival, nous avons tous commencé dans le cinéma au Cameroun en espérant un jour une sélection aux Ecrans Noirs. On en rêvait. Et ce rêve pour la jeune cinéaste camerounaise que je suis était d'y être un jour. C'est donc un honneur pour moi d'y être et l'accueil du film par le public lors de sa diffusion a été une satisfaction pour moi, car j'ai fait une salle comble pour un film documentaire sachant bien que notre public n'a pas la culture du documentaire. Vivre cela et les interactions du public en fin de projection était simplement mémorable. Je dis un grand merci aux Ecrans Noirs.

Je n'ai pas d'expectation pour un prix, mais je me dis pourquoi pas sortir du festival avec un Écran d'or ? De toute façon j'espère y remporter un prix. Je suis consciente que les autres films en compétition dans ma catégorie sont de bonnes qualités techniques et peu importe le résultat je serai heureuse pour le film qui remportera le prix, mais encore plus heureuse si c'est Le Spectre de Boko Haram qui le remporte.

Entretien rédigé par Yolande WELIMOUM, critique de cinéma

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