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Entretien avec Mahamat Saleh Haroun, cinéaste tchadien
"Je n'aime pas le cinéma bavard"
critique
rédigé par Martial Ebenezer Nguéa
publié le 14/07/2011
Martial E. Nguéa
Martial E. Nguéa
Mahamat Saleh Haroun
Mahamat Saleh Haroun
Fespaco 2011
Fespaco 2011
Youssouf Djaoro (Adam) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) et Djénéba Koné (Djénéba) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) et Djénéba Koné (Djénéba) dans Un homme qui crie
Le cinéaste Mahamat-Saleh Haroun sur le tournage d'Un homme qui crie
Le cinéaste Mahamat-Saleh Haroun sur le tournage d'Un homme qui crie
Mahamat-Saleh HAROUN, réalisateur tchadien © Africiné /Ph: Belinda van de Graaf, Cannes 2010
Mahamat-Saleh HAROUN, réalisateur tchadien © Africiné /Ph: Belinda van de Graaf, Cannes 2010
Ecrans Noirs 2011
Ecrans Noirs 2011
Daratt de M-S Haroun : Ali Bacha BARKAÏ (Atim), Youssouf DJAORO (Nassara, en rouge)
Daratt de M-S Haroun : Ali Bacha BARKAÏ (Atim), Youssouf DJAORO (Nassara, en rouge)
Mahamat-Saleh Haroun entouré des acteurs Diouc Koma et Youssouf Djaoro, pour le film Un homme qui crie, sur la Croisette, Cannes 2010
Mahamat-Saleh Haroun entouré des acteurs Diouc Koma et Youssouf Djaoro, pour le film Un homme qui crie, sur la Croisette, Cannes 2010
Abouna, de Mahamat-Saleh Haroun
Abouna, de Mahamat-Saleh Haroun

Le réalisateur tchadien parle de son film Un homme qui crie et se prononce sur son cinéma.
Né en 1961 à Abéché au Tchad, Mahamat Saleh Haroun a réalisé son premier long-métrage, Bye Bye Africa, en 1999. En 2001, il réalise Letter from New york City, un court-métrage qui obtient la même année le Prix de la meilleure vidéo au 11e Festival du cinéma africain de Milan. Le second long métrage, Abouna, en 2002, a remporté le prix de la meilleure image au FESPACO. En 2007, Daratt y remporte l'étalon de bronze de Yennenga, ainsi que le Prix de la meilleure image. Son film Un homme qui crie, sélectionné en compétition officielle lors du Festival de Cannes 2010, remporte le Prix du Jury et étalon d'argent à la 22ième édition du Fespaco.

Qu'est-ce qu'on devrait comprendre dans votre dernier film intitulé Un homme qui crie ?

C'est tiré d'un poème d'Aimé Césaire. Normalement, c'est tiré de la phrase, Un homme qui crie n'est pas un ours qui danse. Je pense que Césaire dans cette phrase veut parler de la responsabilité que doit avoir tout un chacune de l'attention en fait des gens qui vivent autour de nous. En fait, le drame ou alors la tragédie du film survient en fait parce que le père ne voit pas que son fils a grandi, qu'il est devenu un homme qu'il a sa propre vie. Dans une famille musulmane, on vous cache les choses mais en réalité dont il veut aussi s'exprimer quelque part. Donc d'une part, on veut exister, on veut vivre. D'autre part, le fils ne voit pas que son père est humilié, qu'il souffre et c'est cette dégradation. Cette phrase de l'homme qui crie est l'homme qui fait ce silence.
Mais si vous faites le tour de l'Afrique pas - seulement celui de Tchad - il y a beaucoup de gens qui trouvent qu'il ne sert à rien de crier haut et fort parce qu'il y a des gens qui sont insensibles dans ce continent à la souffrance des autres.




Ce film vient apparemment clore le chapitre de la trilogie que vous avez entamée depuis Abouna votre premier film.

Absolument, j'ai essayé de travailler sur la relation père et fils. Après cette exploration, je vais passer à autre chose. Le prochain film s'intitulera African Fiasco. Ce sera une sorte de thriller complètement différent de ce qui a mené mes films actuels. C'est aussi tiré d'une histoire vraie, celle d'un bateau qui était déversée des déchets pétroliers sur plusieurs côtes africaines et qui se sont avérés toxiques à Abidjan. Cela a fait une pollution, des gens sont tombés malades.
En fait, je passe un peu à autre chose pour ce qui est connu jusque-là de mes films. Ce qui court vraiment dans tous mes films, c'est la responsabilité des Africains par rapport aux problèmes qui se posent. C'est vrai que souvent on n'aime pas attaquer les choses. On l'a encore vu récemment avec les problèmes survenus en Afrique, comment l'Union Africaine (UA) a pris le temps pour ce qui est de la Côte d'Ivoire. Il me semble que cette question de la responsabilité est très prégnante en Afrique. Par ce qu‘il y a souvent dans certaines sociétés africaines où les gens n'arrivent même pas à dire non. Culturellement et traditionnellement, on n'ose pas dire à quelqu'un non. Par ce que même lorsqu'on va dire "oui", on verra plus tard que ce n'est toujours pas fait. Le cinéma que j'aime, ce n'est pas le cinéma bavard. Parce qu'en Afrique, la parole est souvent mensongère. Mon cinéma est souvent le cinéma du non-dit et non de la parole.



Lors que vous avez reçu votre prix Etalon d'argent de la 22ième édition du Fespaco, vous avez crié avec des propos qui n'ont pas plu à bien de professionnels du continent. Cette réaction renvoyait à quoi précisément ?

Je compte sur les médias pour rectifier cela. Je n'ai pas parlé après le palmarès.
J'ai parlé le lundi. Le Fespaco a commencé samedi. En fait, ce qui m'a fait parler, c'est parce que je trouve qu'il y a un bordel impardonnable au Fespaco depuis plusieurs années. A plus de 40 ans d'existence, on sait ce qu'il y a lieu de faire. Je ne comprends pas qu'après toutes ces années, ces expériences, un festival qui nous représente nous humilie et nous manque de respect à ce point. Je refuse de cautionner cela. Qui est-ce qui a dit que nous africains, nous ne pouvons pas bien faire les choses comme les autres ? Ceux qui le pensent, je les embête !


Quel est votre regard posez-vous sur l'état de la production cinématographique actuelle en Afrique ?

Quand on voit l'histoire du cinéma, il y a deux choses : soit il y a des moyens privés qui permettent à un moment donné, l'éclosion de l'industrie cinématographique. Soit, c'est les pouvoirs publics qui mettent en place un cadre qui favorise l'épanouissement du cinéaste. Il est évident qu'il y a une faillite des Etats. Un film comme Un homme qui crie a besoin d'être vu et doit valablement représenter l'Afrique. Les gouvernants africains ont le devoir de créer un cadre pour les cinéastes africains s'épanouissent. Ce cadre signifie une politique et des moyens financiers pour qu'ils puissent produire des films de qualité.

Quel accueil a été réservé à votre film dans votre pays, le Tchad ?

Il a été très bien accueilli, il a créé un formidable coup d'accélérateur. Le gouvernement a réhabilité une salle : le Normandie entièrement rénové et équipé à hauteur de 1 milliard deux cents millions de FCFA. On a créé un fonds pour la création cinématographique. En plus de cela, le gouvernement m'a chargé de créer une école de cinéma qui va sans doute ouvrir les portes en 2013. On pourra accueillir les étudiants de la sous région.

Propos recueillis par
Martial E. Nguea

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