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Un pas en avant. Les dessous de la corruption
Progression d'un citoyen du Bénin
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 08/11/2011
Michel Amarger
Michel Amarger
Sylvestre Amoussou, acteur et réalisateur
Sylvestre Amoussou, acteur et réalisateur

LM Fiction de Sylvestre Amoussou, France / Bénin / Maroc, 2010
Sortie France : 9 novembre 2011

Le désir de faire avancer le cinéma persiste à l'heure où la production de longs-métrages est rare en Afrique de l'Ouest. Alors que les images africaines circulent surtout sur les télés, l'objectif d'atteindre les salles demeure prioritaire pour certains. Loin des coproductions ambitieuses et des considérations esthétiques universalistes qui ont pu animer leurs aînés, les réalisateurs s'orientent vers des films à petits budgets, glanés en participation dans leurs pays avec quelques fonds européens, pour composer un spectacle populaire à message. Cette ambition anime Sylvestre Amoussou. Le Béninois qui réside depuis 30 ans en France où il fait l'acteur, a souffert de la caricature des rôles qu'il décrochait. Il réalise pour se mettre en scène plus favorablement, suivant un chemin défriché par le Camerounais Daniel Kamwa et le Guinéen Cheik Doukouré. Son premier long-métrage, Africa Paradis, 2006, est une comédie imaginant que l'émigration a changé de camp. Les Occidentaux fuient en Afrique pour échapper au désordre économique, se retrouvant maltraités comme le sont les Africains en Europe. Le propos prometteur est altéré par une mise en scène schématique et des défauts techniques.



On mesure le chemin parcouru avec Un pas en avant, 2010. Les péripéties d'un épicier africain servent de trame à un survol des milieux de la corruption. Il cherche son frère jumeau, disparu après avoir réceptionné des médicaments donnés par les Occidentaux, pour les livrer à un hôpital. Au fil des démarches, l'épicier s'aperçoit que le cinquième de la cargaison est arrivé à destination. Il débusque les conditions du détournement pour retrouver son frère, prenant peu à peu une assurance et une conscience civique qu'il n'avait pas. Au-dessus de la mêlée, l'homme d'affaires qui gère les dons internationaux a scellé un pacte avec le ministre de l'intérieur pour s'enrichir grâce aux aides étrangères. Leur alliance, sous l'aval du premier ministre, est troublée par les démarches de l'épicier obstiné qui réussit à faire surgir des preuves du détournement, relayé par la presse.

L'action évolue autour de l'épicier candide, joué par Sylvestre Amoussou. Mais le prix d'interprétation masculine qu'il a reçu au Fespaco 2011, semble surtout encourager son endurance comme cela avait été le cas avec Cheik Doukouré pour Paris selon Moussa, en 2003. Leur approche d'un naïf, trouble-fête de la société, révèle des parentés même si le jeu d'Amoussou est plus monolithique. Cette caractéristique se retrouve chez les comédiens de couleurs variées qui composent son casting. La plupart travaillent en Europe comme Thierry Desroses, Dieudonné Kabongo, Mariam Kaba, Fatou N'Diaye, mais quelques vedettes africaines apparaissent comme Sidiki Bakaba. La production est montée depuis la France où vit Sylvestre Amoussou, avec le soutien du Fonds d'Aide à la Culture du Bénin et la Mairie de Cotonou. L'engagement du Centre du Cinéma Marocain a permis d'assurer la post-production à moindre coût et d'appuyer la visibilité du réalisateur béninois.

La comédie politique de Sylvestre Amoussou dénonce directement le détournement des aides internationales par les dirigeants africains. Il épingle la complaisance de l'État français, le laxisme des organisations humanitaires. Mais Un pas en avant est d'abord un film de personnages. Il se concentre sur des puissants trop surs d'eux et un couple d'épiciers modestes qui se soude dans l'enquête. L'appui de policiers honnêtes qui sont surtout des femmes, permet de faire triompher la justice. Ainsi Sylvestre Amoussou peut rassurer le public. En s'appuyant sur un découpage linéaire, hormis un flash-back inutile sur le sort du disparu, le film fonctionne grâce à des dialogues simples. La parole guide l'action sur un rythme régulier, sans accentuer les moments dramatiques. C'est la musique de Wasis Diop qui souligne, souvent lourdement, le suspens supposé ou l'émotion des scènes. Malgré ces artifices, Un pas en avant trace son chemin en incitant les citoyens à s'affirmer à une époque où les votes sont dévalorisés. Un engagement qui marque les pas mesurés de Sylvestre Amoussou dans la réalisation.

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / RFI / Médias France)

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