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Quelques jours de répit
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critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 23/04/2011
Michel Amarger
Michel Amarger
Amor Hakkar, acteur et réalisateur
Amor Hakkar, acteur et réalisateur
Amor Hakkar (Moshen)
Amor Hakkar (Moshen)
Amor Hakkar (Moshen) & Samir Guesmi (Hassan)
Amor Hakkar (Moshen) & Samir Guesmi (Hassan)
Marina Vlady (Yolande) & Amor Hakkar (Moshen)
Marina Vlady (Yolande) & Amor Hakkar (Moshen)
Scène de tournage
Scène de tournage
Samir Guesmi (Hassan)
Samir Guesmi (Hassan)
Marina Vlady (Yolande) & Amor Hakkar (Moshen), avec Samir Guesmi (Hassan)
Marina Vlady (Yolande) & Amor Hakkar (Moshen), avec Samir Guesmi (Hassan)
Amor Hakkar (Moshen)
Amor Hakkar (Moshen)
Marina Vlady (Yolande)
Marina Vlady (Yolande)
Samir Guesmi (Hassan)
Samir Guesmi (Hassan)
Marina Vlady (Yolande)
Marina Vlady (Yolande)

LM Fiction de Amor Hakkar, France / Algérie, 2010
Sortie France : 27 avril 2011

L'image de la France comme une terre d'asile semble s'estomper. Les films récents le soulignent notamment lorsqu'ils sont conçus par des auteurs venus d'ailleurs. C'est le cas de Amor Hakkar, né en Algérie avant l'indépendance, élevé à Besançon où ses parents ont émigré. Après un court-métrage, Apprends-moi à compter jusqu'à l'infini, 1990, il s'y oriente vers le film de genre avec son premier long-métrage, Sale temps pour un voyou, 1992, avant de s'éloigner des écrans. Son retour se fait dans les Aurès, à l'occasion de la mort de son père. Il y tourne un documentaire, Timgad, la vie au cœur des Aurès, 2002, puis une fiction appréciée dans les festivals, La maison jaune, 2007. Amor Hakkar y interprète lui-même un père en deuil, convoyant le cercueil de son fils. La prestation souligne son talent de comédien, précédant son apparition dans un autre registre pour Quelques jours de répit, 2010, où la Franche-Comté sert de transit à deux hommes en exil.

Ils sont homosexuels et fuient l'Iran où leur amour est condamné. Moshen, professeur de français à l'Université de Téhéran, voyage avec Hassan, un photographe plus jeune. La tension de la fuite s'ajoute au trouble de ce dernier, inquiet de savoir que si leur train n'avait pas eu du retard, son compagnon, pressé d'échapper à la répression contre les homosexuels, ne l'aurait pas attendu pour partir. Les marches en forêts, le voyage en train vers Paris sont interrompus par une escale prolongée à Saint-Claude. Moshen qui fait mine de voyager seul, est remarqué par une Française solitaire, qu'il aide à porter ses sacs. Elle est âgée mais séduisante, en manque de désir depuis la mort du mari. Moshen accepte de rafraîchir ses peintures pour un peu d'argent. Hassan à l'écart, perçoit leur attirance. Une relation s'ébauche sans que les sentiments des deux hommes les séparent. C'est la police qui les divise en arrêtant Mosché lors d'un contrôle. La femme découvre alors les contours de sa personnalité, Hassan la force de ses sentiments.

Quelques jours de répit se déroule comme un temps précaire. Les deux Iraniens vivent un répit fugace, loin des préjugés qui plombent leur vie au pays. Mais la tension qui se glisse dans leur relation les rend écorchés, à fleur de peu, économes de paroles. De son côté, la Française qui a perçu la situation de Moshen, est vulnérable par sa solitude, sa jeunesse enfuie. La rencontre avec cet étranger réveille ses sens, ses audaces, sa soif de vivre. Et ce sont ses rêves que sanctionne le scénario. Car l'amour de Moshen est dévolu à son jeune compagnon, et son expulsion consentie s'offre comme une expiation.

En cadrant ses personnages avec sobriété, Amor Hakkar les inscrit dans les paysages de Franche-Comté qu'il connaît bien. Les rails qui serpentent dans les forêts, les rues désertes de Saint-Claude sont baignés d'une lumière claire et froide où les personnages tracent leur route en silence. La pénombre des intérieurs accroche les émotions, les gestes. La mise en scène de Amor Hakkar s'appuie sur la qualité du casting. Il endosse le rôle du professeur homosexuel avec retenue, Samir Guesmi campe avec sobriété son ami. Cet acteur qui mène une carrière sans tapage dans le cinéma français, figure dans plus de 50 films divers, de Jaune revolver d'Oliver Langlois, 1987, à Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, 2010, en passant par Andalucia d'Alain Gomis, 2006.

La belle surprise vient de la présence de Marina Vlady. La comédienne qui aligne plus de 60 ans et 100 films, est rare au cinéma depuis Splendor de Ettore Scola, 1989. Héroïne pour Robert Hossein (Les salauds vont en enfer, 1956), Jean Delannoy (La Princesse de Clèves, 1960), Marco Ferreri (Le lit conjugal, 1963), Jean-Luc Godard (Deux ou trois choses que je sais d'elle, 1967), elle traverse les époques de cinéma avec grâce et irradie dans le rôle d'une provinciale, prise dans les filets du désir.
En valorisant la circulation des sentiments, cernés par l'oppression, les fractures, Amor Hakkar signe une fiction sensible. La production étayée par la Région de Franche-Comté, est complétée par un apport du Fonds d'Aide algérien. Attentif au décalage des cultures et des êtres, le cinéaste s'investit dans Quelques jours de répit, en projetant dans l'humanité de ses héros, les déchirures d'un temps menaçant.

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / RFI / Médias France)

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