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Un amour d'enfant de Ben Diogaye Bèye
Et si on parlait à la lune ?
critique
rédigé par Massamba Mbaye
publié le 28/05/2011

Après une traversée du désert, le cinéaste sénégalais Ben Diogaye Bèye a sorti un long métrage en compétition à la 20e session Journées cinématographiques de Carthage (JCC): Un amour d'enfant. Regard sur un film faussement naïf.

Si vous voyez un jour un enfant parler sérieusement à la lune, ne le prenez pas pour un trop bien luné : il a encore des histoires à raconter à son amour. Image poétique qui confine au cocasse mais tellement charmante.
Avec Un amour d'enfant, Ben Diogaye Bèye nous introduit dans l'univers d'une bande d'enfants à l'école primaire qui, par un jeu qui les dépasse un peu, se trouvent des atomes crochus. Deux couples se profilent ainsi à côté du troisième larron : Demba garçon qui ne brille pas trop par ses réflexions.

Le premier couple (Layti et Ngoné) semble relativement stable. Les liens sont entretenus sans trop d'équivoque et avec régulièrement de petites gâteries alimentaires. Par contre, le second couple (Yacine et Oumar) semble moins bien assis entre un dilettantisme momentané et, comme répondant, un sourire malicieux derrière un regard devenu encore plus mystérieux avec des lunettes de correction épaisses.
Demba, lui, est le trublion de première qui a un amour caché. Il est poète à sa manière et échange des regards intenses avec la fille d'une mendiante.

À l'école, à la maison, dans des cercles de jeu ou dans des situations moins agréables comme celle d'une prise en étau au cours d'une manifestation de travailleurs licenciés, la bande se déploie avec ses joies, ses peines. Des peines qu'efface facilement la fraîcheur infantile non encore corrompue par le temps et qui fait réaliser, avec un brin de désinvolture, qu'il est difficile de parler d'Amour dans une langue imposée. Ce qui, pour d'autres regards, peut sembler léger devient chez Ben Diogaye Bèye une histoire bien étoffée qui trouve en rappel un monde des adultes très troublant. Un personnage a un père à l'emploi compromis et un autre assiste, sans en prendre une vraie conscience, au bouleversement de son foyer parce que son père a trouvé des prétextes pour avoir une deuxième épouse.

Ce principe de réalité fonctionne ainsi avec des gamins qui parlent du Sida comme d'un lieu commun, une précarité économique et sociale en pointillé, une survivance de pratiques aux antipodes des capacités financières des ménages voire...
Avec une attention certaine sur les détails, des clins d'œil sur ses transitions et un déroulé qui en ménage peu au hasard, le réalisateur signe une ouvre sympathique confirmée par son casting et sa direction d'acteurs. Ce dernier aspect est aidé par un naturel dans le jeu des enfants qui trahit le manque d'emphase, par moments, d'acteurs majeurs confirmés. Peut-être bien qu'ils s'humilient ainsi devant un tel naturel, rehaussé par certains cadres approchés au plus près ? Sympathique dirions-nous car ce film entretient une part d'enfance qui sommeille en chaque adulte et ne nous dispense pas de nous poser des questions sur nos modestes devenirs. Aussi comprendrions-nous bien : si vous voyez un enfant un jour, parlez sérieusement.

Massamba MBAYE
Le Matin (Dakar)

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