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Un regard sur les courts métrages d'Amina Saadi
critique
rédigé par Amina Barakat
publié le 10/11/2012

Les courts métrages de la réalisatrice Amina Saadi, ont un point commun, c'est le sentiment de complicité entre femmes. Cette jeune réalisatrice franco-marocaine a dans son cœur l'amour du royaume chérifien, conjugué à celui porté au cinéma.

Avec un bac scientifique en 2005, elle intègre l'École Internationale de la Création Audiovisuelle et la Réalisation (EICAR) de Paris, pour décrocher son diplôme en 2008. Juste après, elle s'est mise derrière la caméra, pour raconter des histoires d'une manière qui traduit son professionnalisme.
À son effectif, on compte sept courts métrages : Le Quai du Destin (2012), Sara (2011), Pour quelques paillettes de plus (2010), Le P.P. (2007), Le Goût du bonheur (2006), Sur un banc (2005).
Ces courts métrages annoncent l'arrivée d'une talentueuse réalisatrice qui se joint à ses collègues qui ont déjà fait leur preuve, dans un domaine très longtemps monopolisé par les hommes, alors que les femmes faisaient leurs pas devant la caméra.



Sur une simple histoire de chaussure, Amina a su comment accrocher le public de son court pour déchiffrer ce "P.P." qui n'est en fin de compte que le permis de port que l'acheteur doit avoir afin de pouvoir s'approprier une paire de magnifiques chaussures, pas comme les autres. L'envie de Julia de les avoir requiert qu'elle passe un examen, en écrit et en pratique. Pour décrocher ce fameux document, elle devra résister aux provocations de l'animatrice du concours. La narration est fluide, sans provoquer aucun ennui, malgré l'exagération du concept de ce PP.
La direction d'acteurs est bien menée par la réalisatrice. Elle a l'art de concevoir des films magnifiques et bien ficelés. Elle a su conjuguer les personnages aux paysages, d'une telle manière à ce que l'on s'imagine faire partie du décor. Le P.P. est donc un court métrage qui dégage le parfum du cinéma, mêlé à la sensualité de ses héroïnes très gracieuses.
Quant à Sara, c'est l'histoire d'une jeune femme qui respire la liberté ; une liberté traduite par ses escapades, seule, avec comme bagage une petite valise jaune qu'elle trimbale le long de ses évasions. Elle va vers la vie à bras ouvert, sans promesse ni adresse, refusant tout attache. La sacrée Sara - rôle campé par Fadwa Taleb - s'approprie le monde entier ; là où elle va c'est chez elle.Malek et Lilia quant à eux racontent leur brève rencontre avec Sara disparait sur un coup de tête, sans laisser de trace. L'amertume et la nostalgie laissent les deux personnages hallucinés.
La réalisatrice a fait de sa globetrotteuse une femme sans attache qui a soif des rencontres hasardeuses et d'un monde nu, qu'elle respire comme l'air. Elle est partout et nulle part, seule la lumière du jour nous laisse voir nettement sa petite valise jaune trainée nerveusement et ses pieds aux sandales plates qui gambadent en vitesse, dans les rues à la recherche de quelqu'un, ou quelque chose, sans se soucier de ce que peut lui cacher le hasard.

Arrêtons brièvement sur Pour quelques paillettes de plus, dans lequel Amina Saadi a encore une fois joué sur les émotions de son héroïn, incarnée par Sylvie Degryse. Marla est une muse quinquagénaire qui use de son pouvoir pour donner un coup de pouce aux artistes, mal dans leur peau, qui cherchent désespérément le goût de la réussite. Avec ses paillettes, elle leur souffle l'inspiration qui leur permet de créer, quels qu'ils soient, peintre, écrivain, ou encore pianiste ; jusqu'au jour où elle se trouve devant un problème majeur. Son patron la trouve alors has been (dépassée) à son goût, il la remercie d'une manière arrogante parce qu'elle a déçu ses attentes. La réalisatrice réussit à faire ressortir le désespoir de Marla, par un jeu d'acteur subtil. Lors de sa descente vers l'enfer de l'alcool, une nouvelle muse apparait, lui tend la main qu'elle refuse au début. Là encore, Amina Saadi traduit la relève, juste avec quelques paillettes restées collées aux doigts. Elle concrétise l'idée que les talents ne s'arrêtent pas avec l'âge.

Dans chacun de ces courts métrages, on retrouve un clin d'œil qui nous rappelle les attaches marocaines de la réalisatrice. À chaque fois, il est signalé d'une manière intelligente : une phrase en dialecte marocain, une beurette brune, un écrivain marocain…. Bref, un travail qui annonce une réalisatrice qui marche sur les bons rails. Il reste à l'attendre dans un long métrage.

par Amina Barakat, Rabat

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