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Rengaine
Résistance dans le melting-pot parisien
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 13/11/2012
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Rachid Djaïdani, réalisateur
Rachid Djaïdani, réalisateur
Rengaine, les deux amoureux.
Rengaine, les deux amoureux.
Le réalisateur Zéka Laplaine devant l'affiche de (Paris : xy)
Le réalisateur Zéka Laplaine devant l'affiche de (Paris : xy)
Alain Gomis, Réalisateur
Alain Gomis, Réalisateur
Djinn Carrénard, réalisateur
Djinn Carrénard, réalisateur
Slimane Dazi, dans Rengaine
Slimane Dazi, dans Rengaine
Stéphane Soo Mongo (Dorcy) dans Rengaine
Stéphane Soo Mongo (Dorcy) dans Rengaine
Rengaine
Rengaine
Stéphane Soo Mongo (Dorcy) dans Rengaine
Stéphane Soo Mongo (Dorcy) dans Rengaine
Rengaine
Rengaine
Rengaine
Rengaine
Rengaine
Rengaine
Slimane Dazi (Slimane) dans Rengaine
Slimane Dazi (Slimane) dans Rengaine
Scène Tournage de Rengaine
Scène Tournage de Rengaine
Sabrina Hamida (Sabrina) et Stéphane Soo Mongo (Dorcy) dans Rengaine
Sabrina Hamida (Sabrina) et Stéphane Soo Mongo (Dorcy) dans Rengaine
Scène tournage de Rengaine
Scène tournage de Rengaine

LM Fiction de Rachid Djaïdani, France, 2012
Sortie France : 14 novembre 2012
Dist : Haut et Court

Le métissage de la capitale française et ses environs rend fiévreux les réalisateurs de la diaspora africaine. Ils y signent des histoires d'amour et de conquêtes identitaires débridées comme Paris XY, 2001, de Zeka Laplaine, aux origines congolaises, ou L'Afrance de Alain Gomis, Franco-Sénégalais. Aujourd'hui, la nouvelle génération investit la région parisienne pour y tourner des films indépendants, à moindre coût. Jean-Pascal Zadi, de parents ivoiriens, s'appuie sur un petit budget pour Sans pudeur ni morale, 2011, commercialisé directement en DVD. Djinn Carrénard, né en Haïti, se targue d'avoir tourné Donoma, 2011, à partir de 150 euros, poussant avantageusement son film dans les salles nationales. Dans la même lignée, Rachid Djaïjdani produit lui-même Rengaine, 2012, bénéficiant de la participation de son entourage.

L'histoire se joue dans les ruelles, les cafés, les gares du nord de Paris. Dorcy, un jeune Noir chrétien et décontracté, fréquente Sabrina, une Maghrébine émancipée et énergique. Il met le feu aux poudres en décidant de l'épouser. Car même si elle vit en indépendante, Sabrina a 40 frères qui gravitent aux alentours. Pour l'aîné, Slimane, qui se veut le garant des traditions, le mariage d'une Arabe et d'un Noir chrétien est inconcevable. Il harcèle Sabrina pour qu'elle refuse et tente de mobiliser les autres frères pour faire pression. La tension monte autour des échanges entre les Arabes et les Noirs qui cohabitent souvent difficilement à Paris. Mais Sabrina résiste et renvoie au frère aîné l'image de son intolérance et de son mal-être identitaire. Alors, secoué par ses arguments, sa détermination, Slimane qui veut croiser le fer avec Dorcy peut être capable de croiser simplement son regard.



Ce conte urbain est porté par l'énergie de comédiens improvisés et l'engagement des trois acteurs principaux que le cinéaste a coptés dans des workshops dirigés par Peter Brook avec qui il a travaillé. Car Rachid Djaïdani est un auteur multiforme. Habitué à manier les contrastes par son père algérien et sa mère soudanaise, il s'illustre comme champion de boxe anglais en Ile-de-France. Il approche le cinéma en assistant Mathieu Kassovitz sur La Haine, 1995, puis en enchaînant des rôles à l'écran (Ma 6T va crack-er de Jean-François Richet, 1997) ou pour la télé (Police District). Il investit le théâtre et intègre la troupe de Peter Brook pendant cinq ans. Il s'essaie à l'écriture, en publiant deux livres après Boumkoeur, 1999, chronique des habitants d'une cité. Mais Djaïdani brûle de faire son cinéma. Il signe deux documentaires, Sur ma ligne, 2006, et La ligne brune, 2011, ainsi qu'une web série, Une heure avant la datte, 2011. Son désir combatif pour s'exprimer et susciter les réactions motive Rengaine.

Le film est entrepris dès 2003 comme un voyage initiatique dans le système du cinéma indépendant. Djaïdani s'entoure d'une troupe qui suit les tournages successifs, accumulant 200 heures de rushes. Le style se construit au montage et le cinéaste retourne ses scènes en fonction de sa maturité. Il fractionne ses plans séquences, recadre avec plus de lumière, orientant le drame originel vers un récit plus ouvert, épicé d'humour. Rengaine s'affirme digne héritier du cinéma direct, capté dans la rue, caméra à l'épaule. Les vertus de l'improvisation, soigneusement orchestrée, servent de base aux plans nerveux où les dialogues claquent. Rachid Djaïdani y manifeste un sens aigu du cadre. Il serre en gros plans les visages, coupe les figures du premier plan pour détacher celles des arrières plans, change les mises au point au rythme des relations en jeu.

Avec ses couleurs vives, ses mouvements qui accompagnent les acteurs, le cinéaste s'écarte d'une image léchée au profit de l'expressivité des scènes. Rengaine tape alors là où ça fait mal, épinglant frontalement les rapports conflictuels des Arabes et des Noirs dans l'espace parisien. Il décape les clichés des uns et des autres en les énonçant directement. Mais Djaïdani filme avec respect ses personnages, suggérant notamment les failles et l'humanisme du frère traditionaliste. Face à lui s'impose une sœur forte qui incarne avec fougue une certaine vision de la liberté. Cette héroïne décidée ne doute pas des sentiments qui la portent vers un amoureux noir et chrétien. Et ce dernier défend avec conviction la possibilité de choisir sa voie. En combattant les préjugés, Rachid Djaïdani avance un film alerte, comme un uppercut bien lancé.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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