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Les Chevaux de Dieu
Figures de martyrs au Maroc
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 18/02/2013
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Nabil Ayouch, réalisateur
Nabil Ayouch, réalisateur
Philippe Faucon, réalisateur
Philippe Faucon, réalisateur
scène du film Les Chevaux de Dieu de Nabil Ayouch
scène du film Les Chevaux de Dieu de Nabil Ayouch
Nabil Ayouch présente ses comédiens, à Cannes 2012.
Nabil Ayouch présente ses comédiens, à Cannes 2012.
scène du film Les Chevaux de Dieu de Nabil Ayouch
scène du film Les Chevaux de Dieu de Nabil Ayouch
Les Chevaux de Dieu
Les Chevaux de Dieu
Les Chevaux de Dieu
Les Chevaux de Dieu

LM Fiction de Nabil Ayouch, Maroc / France / Belgique, 2012
Sortie France : 20 février 2013

La montée en puissance des islamistes inquiète des réalisateurs qui ont leurs racines au Maroc. Philippe Faucon, né à Oujda, est connu dans le cinéma français depuis les années 90. Avec La désintégration, 2011, il retrace comment un jeune beur de banlieue, au nord de la France, peut être attiré par l'islam rigoriste pour devenir un martyr. Cette évolution est reprise sur le territoire marocain par Nabil Ayouch avec Les Chevaux de Dieu, 2012. Là où Philippe Faucon utilise un style sec pour montrer une mécanique de transformation au travail sur un personnage, Nabil Ayouch use d'un mode plus lyrique pour aborder les origines du changement de gamins de la rue en adultes combattants de l'islam. Il investit un quartier périphérique de Casablanca en s'inspirant d'un roman de Mahi Binebine, Les Etoiles de Sidi Moumen.

Le film prend pour fil conducteur les relations de Yachine avec son frère ainé Hamid. À 12 ans, ce dernier est un des caïds du quartier en imposant sa loi à coups de chaînes, protégeant le cadet et sa petite bande. En grandissant, il élargit ses trafics et subvient aux besoins de la famille. Aux cotés d'un père dépressif, d'un grand frère traumatisé, la mère assure tant bien que mal la cohésion du foyer. L'équilibre est rompu quelques années plus tard, quand Hamid est emprisonné pour avoir défié la police du quartier. Yachine se retrouve seul en essayant de travailler dans la légalité.
Grâce à son ami d'enfance, il est engagé chez un garagiste et continue à fumer avec sa bande en rêvant de fréquenter la sœur de l'un d'entre eux. Yachine cherche sa place à l'ombre du frère emprisonné. Et quand celui-ci reparait, sobre et vêtu comme un islamiste, la donne a changé. Pourtant Hamid reprend son emprise sur son frère en l'aidant à masquer les conséquences d'un geste fatal à l'égard du garagiste trop entreprenant avec son meilleur ami. Dès lors, le cadet et ses deux complices trouvent refuge auprès des religieux du quartier. Le zèle et l'application de Yachine en font un candidat à l'action. Il se prépare à devenir un combattant de l'Islam en entrainant ses copains. Il attire la jalousie de son frère puis son adhésion pour devenir un martyr.



Débuté sous le règne de Hassan II quand les héros ont dix ans, ce récit se conclut le 16 mai 2003, à Casablanca où ont lieu des attentats terroristes. Basée sur ces événements réels, la fiction est aussi la réaction d'un cinéaste attaché à dénoncer l'intensification de l'influence des religieux radicaux dans la société marocaine. Nabil Ayouch cherche alors à se rapprocher de ses personnages principaux pour tenter de faire partager aux spectateurs les raisons de leur évolution idéologique.
Les scènes d'enfance où il épouse le rythme de leurs jeux et déambulations dans le bidonville de Sidi Moumen sont les plus alertes. Les caractères qui s'y dessinent posent les jalons des réactions des protagonistes adultes, engagés dans la cause islamiste. Nabil Ayouch indique clairement que la misère, le manque de perspectives, les difficultés d'affirmation de soi sont récupérés par les Frères qui, en retour, offrent protection, cohésion communautaire et formation au combat. En combinant prières et ligne de vie claire, dévolue à la soumission aux volontés de Dieu, ils proposent des repères en canalisant les pulsions destructrices contre ceux qui vivent différemment.

Les Chevaux de Dieu combat ainsi l'obscurantisme, en s'appuyant sur une mise en scène souple, attrayante. On y retrouve l'aptitude de Nabil Ayouch à filmer la condition des enfants des rues, amorcée par Ali Zaoua, 2000, mâtinée avec le lyrisme des sentiments de Whatever Lola wants, 2008. Ici encore, le cinéaste mobilise une coproduction européenne notamment avec la France où il est né, pour étayer son tournage marocain avec des acteurs non professionnels convaincants. Le film prend de la hauteur avec des vues aériennes du bidonville, aux confins d'une usine moderne, qui illustrent l'étendue de la pauvreté et le terreau sur lequel l'intégrisme se développe.
Lorsqu'il plonge sa caméra au cœur des tourments de ses personnages, issus de milieux pauvre, pris entre le désir de faire exploser leur condition et celui d'être respectés, Nabil Ayouch est le plus percutant. En contrepoint de ses origines familiales aisées, le cinéaste propose une introspection documentée et aiguisée sur les maux des couches populaires marocaines. L'ambition du spectacle déployé est au service d'une inquiétude réfléchie sur les perspectives offertes à la jeunesse marocaine défavorisée.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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