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6ème Gulf Film Festival (11-17 avril 2013) Dubaï. Emirats Arabes Unis
Entretien avec Masoud Amralla Al Ali, directeur du Gulf Film Festival
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 04/06/2013
Masoud Amralla Al Ali, Directeur du Gulf Film Festival
Masoud Amralla Al Ali, Directeur du Gulf Film Festival
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Autorités du Gulf Film festival, à la remise des Prix 2013
Autorités du Gulf Film festival, à la remise des Prix 2013
Vue sur la ville moderne de Dubaï, sous le soleil de l'après-midi
Vue sur la ville moderne de Dubaï, sous le soleil de l'après-midi
de Karim Goury, 2012, Égypte
de Karim Goury, 2012, Égypte
Karim Goury, réalisateur
Karim Goury, réalisateur
Mehdi Barsaoui, 2012, Maroc
Mehdi Barsaoui, 2012, Maroc
Bobby de Mehdi Barsaoui, Maroc
Bobby de Mehdi Barsaoui, Maroc
Mehdi Barsaoui, réalisateur
Mehdi Barsaoui, réalisateur
de Haifaa Al Mansour, 2012, Arabie saoudite
de Haifaa Al Mansour, 2012, Arabie saoudite
Haifaa Al Mansour, réalisatrice
Haifaa Al Mansour, réalisatrice
de Mano Khalil, 2013, Suisse / Turquie / Kurdistan
de Mano Khalil, 2013, Suisse / Turquie / Kurdistan
Mano Khalil, réalisateur
Mano Khalil, réalisateur
Leila Albayaty, France/ Belgique /Allemagne 2012
Leila Albayaty, France/ Belgique /Allemagne 2012
Leila Albayaty, réalisatrice
Leila Albayaty, réalisatrice
Greg Rom, 2012, Afrique du Sud
Greg Rom, 2012, Afrique du Sud
Greg Rom, réalisateur
Greg Rom, réalisateur
Masoud Amralla Al Ali, Directeur du GFF 2013
Masoud Amralla Al Ali, Directeur du GFF 2013

La sixième édition du Gulf Film Festival qui a eu lieu du 11 au 17 avril 2013, permet de découvrir les dernières productions des Emirats Arabes Unis et des autres pays de la région. Avec ses quatre sections de films en compétition, les initiatives du Gulf Film Market, le festival est une plateforme privilégiée pour défendre et développer le cinéma local.
Masoud Amralla Al Ali, homme de culture engagé pour la défense du cinéma, est l'un des initiateurs du Gulf Film Festival (GFF) qu'il coordonne avec conviction. Il commente l'essor de cette manifestation et expose la situation du cinéma aux Emirats Arabes Unis.

- Dans quelles circonstances s'est créé le Gulf Film Festival ?
L'industrie du cinéma dans le Golfe est encore assez faible alors l'idée était de trouver de nouvelles manières d'aider les cinéastes, de donner une chance aux films d'être faits, de créer des fenêtres pour les montrer au public, de favoriser le dialogue, de trouver aussi d'autres moyens de voir ce qu'il fallait faire dans les milieux du cinéma. Et le GFF est venu pour donner un meilleur environnement aux cinéastes de la région.

- Comment s'est développé le GFF ?
Il y avait un autre festival à Abu Dhabi qui était pour les cinéastes des Emirats et pour quelques réalisateurs du Golfe. Puis ça s'est déplacé à Dubaï et il y a eu cette idée d'avoir un festival de films du Golfe qui soit plus original, où les réalisateurs du Golfe aient une place pour se montrer, discuter, collaborer, trouver leur propre langage pour faire des films. C'est arrivé après des années de recherche, pour avoir la bonne plateforme destinée aux cinéastes.

- L'État est-il impliqué dans le GFF ?
Oui, le gouvernement aide en donnant de l'argent. La plupart des institutions sont financées par le gouvernement.

- Quelle est la situation du cinéma aux Émirats aujourd'hui ?
L'expérience est encore très nouvelle. Il n'y a pas de racines. Il y a une méconnaissance du langage du cinéma. Il y a une méconnaissance de ce qui peut aider à présenter une image des habitants, de leur situation, leur manière de vivre. Il y a toujours ce cliché qui veut que cet endroit soit une contrée silencieuse, peuplée de Bédouins qui ne connaissent rien. Et maintenant ils sont riches, ils ont du pétrole, ils dépensent de l'argent. Puis récemment il y a les terroristes.
Entre ces images, on essaie de trouver sa propre image et dire quelle est la vérité, ce que l'on est, ce que l'on fait. Comme n'importe quelle société, on a nos problèmes. On n'est pas tous riches, on n'est pas tous des Bédouins qui ne comprennent rien. On n'est pas tous des terroristes. Tout ça est faux et le médium du film peut montrer notre identité. L'image qui est la véritable image peut arriver jusqu'à vous. Je crois que c'est la chose la plus importante que le cinéma puisse faire. Le festival propose non pas de défendre notre image mais juste de la présenter comme celle de n'importe quelle autre société.

- Comment le cinéma est-il organisé aux Emirats Arabes Unis ?
Actuellement, nous n'avons pas d'école de cinéma. Il n'y a pas de législation du cinéma dans le pays ou même dans les pays du Golfe. Hollywood et Bollywood sont partout dans la place. Les festivals sont les seules fenêtres où les cinéastes peuvent trouver leur langage, le langage du cinéma. Le vrai cinéma parle des humains, de la terre, de l'âme, de choses normales. Il est important de prendre le temps pour pouvoir les offrir, rien n'arrive comme ça. Voilà ce que nous voulons faire : donner juste aux cinéastes l'opportunité de respirer. Quand ça arrive, on le voit sur l'écran.

- Que pensez-vous du regard des jeunes étudiants dont les films sont présentés ici dans une section compétitive ?
Tout ce que j'ai vu a des formes différentes. Il y a des points de vue variés. Ils sont plus frais, plus dans le challenge, plus innocents mais intelligents. Je trouve qu'avec tout ça, les étudiants voient le futur. Les cinéastes vont et viennent, et une fois établis, ils restent des auteurs avec des noms. Les étudiants sont plus attachés à ce qui se passe, à la société, à l'âme de tout. Ils voient les choses avec un oeil frais.
Une des choses que je relève, qui est très bien et très étrange aussi, c'est que la plupart des étudiants sont de sexe féminin. C'est quelque chose qui n'était pas pensable il y a dix ans. Aujourd'hui, les femmes font de très bons films. Elles ont des regards très différents sur la société alors que les hommes oublient la nature des choses. La société dont ils parlent, c'est celle du football, des motos, des voitures, des mobiles, de la technologie, alors que les femmes regardent plus en profondeur la société. Je crois que c'est une chose positive, qu'il y a une nouvelle qualité, une nouvelle génération de femmes qui arrivent et regardent clairement à travers cette société.

- Estimez-vous que les étudiants qui grandissent dans les écoles d'audiovisuel de la région ont une vision claire du "cinéma" ?
Non, ils ont une idée claire de la télé. Tant que le cinéma ne leur aura pas été correctement enseigné, ils ne le comprendront pas. Ils font des films qui sont importants et qui, en matière de langage du cinéma, peuvent être pauvres, mais ce qu'ils disent est très important. Je pense que l'apprentissage du langage du cinéma nécessite d'autres personnes. Je dis toujours qu'un cinéaste est un penseur. Il n'est pas juste cinéaste. Il n'est pas un robot qui accomplit des taches. Ça nécessite d'autres formes d'enseignement. On ne peut se contenter de sections de communication où le cinéma est juste un élément et une introduction. Quand on voit un documentaire fait par un étudiant, on voit que c'est plus un reportage qu'un film documentaire. Ça laisse entendre que le cinéma n‘est pas là. Mais quand on voit un talent, on peut lui donner toutes les chances de réaliser avec un style cinématographique, plus qu'un style de télé ou de communication courante.

- Sentez-vous une nouvelle manière de filmer, de nouveaux regards, des sujets neufs dans les longs métrages de fiction qui sont montrés ici par exemple ?
Je remarque qu'il y a des cinéastes qui trouvent leur propre langage cinématographique. Avant, je disais qu'on remarquait de nouvelles voix qui se faisaient entendre, des voix différentes. Maintenant on trouve des cinéastes qui posent des bases et possèdent leur propre langage, leur propre identité. Ça s'améliore et peut-être que ça nécessite plus de temps.

- Vous parlez à plusieurs reprises de l'identité. Mais je remarque que les longs métrages se font souvent en coproduction avec l'Occident. Les cinéastes voyagent et ont d'autres positions dans d'autres pays. Pouvons-nous rêver qu'un cinéaste qui vit ici, dans les pays du Golfe, puisse produire seulement avec les moyens locaux ?
On n'a pas d'industrie, on a des films. Quand on a des films, bien sûr on a besoin de l'aide de tout le monde. L'industrie prend du temps et je ne la vois pas encore aujourd'hui, ou l'an prochain, ou dans dix ans. Avoir une industrie nécessite beaucoup de temps. Il en faut pour avoir des techniciens, un public, des critiques. On ne les a pas. On a juste des films individuels. Et aussi on manque d'écoles. Dans un pays riche qui a de l'argent, où il y a des financements, on a besoin de productions qui peuvent nous défendre. Mais il n'y a pas de producteurs non plus. Donc, on en est encore à coproduire et à trouver des moyens ici ou là.

- Pourtant les financiers investissent dans la construction d'immeubles, de supermarchés… Pourquoi ne peuvent-ils comprendre que le cinéma peut être un investissement ?
Cette mentalité n'est pas en vigueur par ici. C'est ce que je disais, il est étrange que dans cette industrie, on n'ait pas de producteurs. L'argent est là, les cinéastes sont là maintenant. On a juste besoin d'une étincelle. Les producteurs ne sont pas disponibles. Tout le monde veut être réalisateur. On n'explore pas tous les aspects du monde du cinéma. Il ne s'agit pas seulement de prendre une caméra pour faire un film, il faut envisager une industrie entière. Nous avons différents genres de films, mais je ne crois pas que tout soit artistique.
On a besoin de films de créateurs, on a besoin de films artistiques, de comédies, de films spaghettis, de n'importe quel genre de films. C'est une industrie à créer. Un investisseur qui veut financer une comédie, un film d'horreur peut aussi produire un film d'art et essai. Mais il doit avoir confiance dans le fait que le cinéma peut rapporter de l'argent. On doit vraiment avoir des films qui rapportent de l'argent comme dans la plupart des pays du monde, comme aux Etats Unis, en Egypte. Dans un pays basé sur les ressources économiques comme les Emirats, le cinéma peut très bien marcher, rapporter de l'argent pour le pays.

- On peut prendre comme exemple le Maroc où la situation du cinéma s'améliore. Les films marocains font de meilleurs scores que les productions américaines. Cela vous semble enviable ?
Oui, c'est ce que je dis. Mais les choses ont commencé tard ici. Le Maroc a une histoire de cinéma. Nous, on ne l‘a pas. Les cultures arabes ont toujours été en relation avec la littérature. La poésie est notre image et notre image était contenue dans la poésie ; mais elle n'était pas en relation avec l'image même. A notre époque, on est plus ouverts à l'image qu'aux textes. Il y a l'espoir que l'ère de l'image arrive. Aujourd'hui tout le monde se sert d'un mobile et il voit avant de lire. Maintenant, on regarde. L'image est attractive. La révolution des nouvelles technologies a vraiment un impact sur nos esprits et donne à la nouvelle génération des outils. Il y a une approche différente de celle qu'on avait. On avait la poésie et on imaginait, maintenant on a la réalité des images. C'est ce qui aide l'image à rentrer dans nos vies, à pousser encore les images.

Propos recueillis et traduits de l'anglais par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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