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Yema
Fertiliser une Algérie aride
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 20/08/2013
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Djamila Sahraoui, réalisatrice et actrice (Yema)
Djamila Sahraoui, réalisatrice et actrice (Yema)
Scène d'arrivée de la mère, dans Yema, Algérie
Scène d'arrivée de la mère, dans Yema, Algérie
Le fils menacé par le Gardien (en armes, derrière). Scène de Yema
Le fils menacé par le Gardien (en armes, derrière). Scène de Yema
Djamila Sahraoui (Ouardia). Scène de Yema
Djamila Sahraoui (Ouardia). Scène de Yema
Scène de Yema
Scène de Yema
Scène de Yema
Scène de Yema
Scène de Yema
Scène de Yema
Scène de Yema
Scène de Yema
Scène de Yema
Scène de Yema
Scène de Yema
Scène de Yema

LM Fiction de Djamila Sahraoui, Algérie / France, 2012
Sortie France : 28 août 2013

Les réalisatrices algériennes sèment ponctuellement des fictions lancées comme des cris. Après Yamina Bachir-Chouikh qui allume les feux de Rachida, 2002, Fatma Zhora Zamoun faisant danser les échos du divorce dans Kedach Ethabani, 2011, Djamila Sahraoui projette ses inquiétudes et ses espoirs dans Yema, 2012. On connaît l'attention de la réalisatrice pour la cause des femmes depuis La moitié du ciel d'Allah, 1996, et pour la Kabylie d'où elle est originaire, avec des documentaires comme Algérie, la vie toujours, 2001. En tournant sa première fiction, Barakat !, 2006, Djamila Sahraoui fustige aussi la violence qui déchire son pays à travers le road movie de deux femmes, sur fonds de vengeance, de pardon. Aujourd'hui, elle se concentre sur une femme seule, en souffrance, avec Yema (La mère), 2012, comme un écho aux blessures de l'Algérie.

YEMA, de Djamila Sahraoui, 2012, Algérie, 90min / arabe VOSTF from Africiné www.africine.org on Vimeo.

L'héroïne, Ouardia, vit à l'écart du monde dans une maison de campagne. Un gardien manchot l'aide à travailler ses terres. Au début du film, elle enterre son fils Tarik, militaire tué par des intégristes. Parmi ceux-ci se trouve son autre fils, Ali, qui a épousé leur cause et vit plus haut dans la montagne. Lorsqu'il revient vers sa mère, elle le repousse, le tenant responsable de la mort de Tarik. Chassé mais obstiné, comme elle, blessé, il revient alors lui confier le bébé qu'il a eu au maquis pour qu'elle s'en occupe. Ouardia, réticente, est touchée par la présence d'un nouvel enfant à élever.
La trame ténue de Yema est amplifiée par les plans rapprochés sur Ouardia et les vues larges de la campagne environnante. Dans le décor aride, à la beauté solaire, qui a ridé sa peau et creusé sa solitude, la femme orchestre la vie au quotidien, murée dans son mutisme et sa douleur obstinée. Blessée par la mort du fils préféré, révoltée contre l'autre à qui elle ne pardonne rien, Ouardia s'enferme et se dessèche. Mais en imposant la présence d'un nouveau-né, le destin ouvre une brèche inattendue dans ses sentiments et dans son horizon.

Centré sur le regard minéral de l'héroïne, Yema est littéralement habité par son interprète qui est la réalisatrice en personne. Djamila Sahraoui, loin de son image de citadine volubile, s'est projetée dans ce personnage déterminé qu'elle joue en retenue, avec intensité. Sa prestation, remarquée dans plusieurs festivals internationaux, fait écho à l'obstination de la réalisatrice pour mener à bien Yema. Elle s'appuie sur un petit budget et une coproduction française pour diriger une équipe réduite et des acteurs non professionnels à l'exception de son fils qui joue Ali.
Le film, tendu comme une tragédie grecque, baigné par l'ombre des oliviers et les bruits de la nature, offre une lumineuse et troublante approche sur l'intransigeance des mères, la culpabilité, la rédemption des âmes desséchées. Avec une économie de dialogues, rares mais incisifs, l'absence de musique d'appoint, laissant place aux bruits des vents et des oiseaux, Djamila Sahraoui resserre ses cadres sur l'essentiel tout en étant réceptive aux frémissements de la nature. Opposant les extérieurs clairs et les intérieurs sombres où l'intimité se dévoile, elle livre un film expressif sur l'ambivalence des sentiments, leurs contradictions. La tragédie des hommes en manque d'amour, est au diapason de celle qui dévore le cœur de la mère, radicale dans son aspiration à fertiliser la terre algérienne.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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