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Ma révolution
La révolution tunisienne en figuration
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 01/08/2016
Michel Amarger (magazine Africiné)
Michel Amarger (magazine Africiné)
Ramzi Ben Sliman, réalisateur
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Scène du film
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Les parents (Samir Guesmi et Lubna Azabal)
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Scène du film
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Africiné Magazine, the World Leader (African & Diaspora Films)
Africiné Magazine, the World Leader (African & Diaspora Films)

LM Fiction de Ramzi Ben Sliman, France, 2015
Sortie France : 3 août 2016


La "Révolution de jasmin" qui a chassé Ben Ali du pouvoir, en janvier 2011, restera comme un événement mythique dans l'histoire de la Tunisie. Elle est vécue comme un emblème de la démocratie, une prise de pouvoir populaire, un moment exemplaire du Printemps Arabe qui a soufflé en 2011, jusqu'en Égypte. Son appréciation est multiple, sa fonction aussi. La voilà employée comme toile de fond par une fiction française, Ma révolution de Ramzy Ben Sliman, 2015. Ce dernier d'abord enseignant de maths puis attiré par la mise en scène de théâtre, a signé deux films courts, Mon Homme, 2007, et En France, 2010, avant de décrocher une production solide pour son premier long.
Ma révolution retrace les émotions de Marwann, un Parisien de 15 ans, dont les parents sont maghrébins. C'est l'époque de la révolution tunisienne que sa mère, née là-bas, suit fébrilement à la télé. Lorsque Marwann traîne par jeu dans une manifestation de soutien et se retrouve en photo à la une de Libération, toute sa classe le remarque enfin, surtout la belle Sygrid qu'il convoite. L'adolescent turbulent prend alors la posture d'un militant concerné par les événements de Tunisie. La fierté de ses parents les pousse à envisager de partir sur place y participer, compromettant alors la relation bien engagée de Marwann et Sygrid. Le départ à Tunis est une cassure mais aussi le déclic d'un nouvel engagement pour tous.

La révolution sert ainsi de prétexte et de canevas pour tisser un sujet simple et usuel : le premier amour d'un gamin de Paris. "L'adolescent exploite un événement d'une ampleur historique dans le simple but d'attirer l'attention de Sygrid, dont il est fou amoureux", reconnaît Ramzi Ben Sliman qui surfe sur l'imposture du héros et son apprentissage de la réalité tunisienne, pour célébrer le souffle du soulèvement de 2011. "Le désir du film est aussi plus intime", ajoute t'il. "Cette Révolution a ouvert une faille dans ce que je suis : un français - fils d'immigrés tunisiens." Son propos s'étoffe donc de considérations sur la double appartenance, les origines, parsemées tout au long de l'histoire. Un sillon déjà creusé par tout un courant de cinéastes dans son cas dont Farid Bentoumi avec Good Luck Algeria, 2015.
Ramzi Ben Sliman se plait alors à promener sa caméra dans le 18ème arrondissement de Paris, de Barbès à la Halle Pajol, pour tenter de capter avec une certaine véracité, les rapports de ses héros adolescents, joués par Samuel Vincent, Anamaria Vartolomei et Lucien Le Guerin. Son style est plus convenu lorsqu'il met en scène les parents, Lubna Azabal et Samir Guesmi, qui semblent les porte-paroles d'une génération d'immigrés aisés, idéalisant quelque peu le pays d'origine. Ce que dément le grand-père, goguenard comme Ahmed Benaïssa, qui entend profiter de son grand âge vigoureux, en France.

Mais l'attrait de la Tunisie oriente la dernière partie du film vers la capitale même où le soulèvement parait raconté par un oncle branché, comme une page d'histoire dorée. "La Tunisie devenait pour moi une terre de conquêtes des libertés, une exportatrice d'idéaux, et non plus un ancrage généalogique à problématiser", commente Ramzi Ben Sliman qui s'est enflammé pour la révolution de Paris, puis a fait un séjour pour retrouver ses origines comme ses personnages. "Le voyage en Tunisie n'est ni un déracinement ni un retour", estime t'il. "C'est le fait de nomades voyageant au travers de langues et de sentiments multi centrés."
Ma révolution est pourtant traitée comme une production française standard, qui se voudrait alerte pour accompagner et célébrer à distance le soulèvement du peuple tunisien. Mais l'évocation des événements semble plus un élément de la figuration qu'un véritable regard sur la complexité d'un bouleversement politique avec ses espoirs et ses limites qu'a éclairées la suite de l'histoire tunisienne. C'est l'éveil romantique du héros parisien qui accapare l'attention, en orientant la comédie vers un spectacle de consommation. "Marwann découvre l'amour, il s'intéresse pour la première fois à la politique, à ses origines, il se dresse contre ses parents, il assume ses erreurs : il grandit", résume Ramzi Ben Sliman qui s'en tient à son sujet sans jamais le dépasser.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France),
pour Africiné Magazine

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