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Atlantique, de Mati Diop
L'écume des vagues sénégalaises
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 30/09/2019
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Mati Diop, réalisatrice et scénariste sénégalaise-française
Mati Diop, réalisatrice et scénariste sénégalaise-française
Scène du film
Scène du film
Scène du film, avec Dior (Nicole SOUGOU)
Scène du film, avec Dior (Nicole SOUGOU)
L'équipe du film, en haut des marches, à Cannes 2019
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L'équipe du film, en conférence de presse, à Cannes
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Scène du film, avec Ada et Suleiman
Scène du film, avec Ada et Suleiman
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film, avec Inspecteur Issa (Amadou MBOW)
Scène du film, avec Inspecteur Issa (Amadou MBOW)
Scène du film, avec Souleiman (Ibrahima TRAORÉ)
Scène du film, avec Souleiman (Ibrahima TRAORÉ)
Scène du film, avec Ada (Mama SANÉ)
Scène du film, avec Ada (Mama SANÉ)
Scène du film, avec Mama SANÉ (Ada)
Scène du film, avec Mama SANÉ (Ada)

LM Fiction de Mati Diop, Sénégal / France / Belgique, 2019
Sortie France : 2 octobre 2019


Avec Atlantique, Mati Diop s'est vue investie de la lourde charge de représenter l'Afrique dans la compétition du Festival de Cannes 2019. Un challenge qui lui a apporté le Grand Prix mais aussi des réactions controversées autour de cette coproduction entre la France où elle est née, le Sénégal qui a beaucoup donné avec le FOPICA, et la Belgique. Car Mati Diop, nièce du fameux Djibril Diop Mambéty à qui elle a rendu hommage avec Mille soleils, 2013, avance une oeuvre éclectique.
Formée au Studio du Fresnoy, en France, où elle est sensibilisée aux films formels, aux installations, elle signe Snow Canon, 2011, Big in Vietnam, 2012, après un court-métrage sénégalais, Atlantiques, 2009, prélude à Atlantique, 2019. Cette fois, il ne s'agit plus d'un essai suggestif sur le récit de la traversée d'un clandestin, évoqué sur une plage de nuit, mais d'une fiction ambitieuse sur la migration, l'amour, la mort…






"Atlantique raconte l'histoire d'une jeune fille qui, suite au départ en mer de celui qu'elle aime, se retrouve face à un mariage arrangé avec un homme immigré qu'elle ne désire pas mais qu'elle doit accepter pour satisfaire sa famille", retrace Mati Diop. "C'est le retour de Suleiman et son saccage du mariage qui donne une deuxième chance à Ada. Comme un réveil, un deuxième souffle."
La réalisatrice ancre son histoire à Dakar avec des ouvriers de chantier, révoltés de ne pas être payés depuis trois mois, qui partent en barque, en clandestins, vers l'Espagne. Leur disparition bouleverse la vie des femmes, pénétrées par leurs esprits, réclamant leur argent au riche patron. Un inspecteur enquête sur le feu qui brise le mariage de Ada. Il la suit, traque les mauvais esprits avant d'être rattrapé par les fantômes qui occupent le terrain.

"Inventer le personnage d'Ada était aussi une façon de faire l'expérience, à travers la fiction, de l'adolescence africaine que je n'ai pas vécue", prévient Mati Diop en investissant Dakar pour son premier long-métrage. Elle s'attache à l'évolution de son héroïne abandonnée qui semble flotter. "C'est aussi lorsqu'elle comprend que Suleiman est mort qu'elle s'éveille à une nouvelle dimension d'elle-même et qu'elle accorde de la valeur à sa propre vie", indique la réalisatrice, brossant plusieurs attitudes féminines dans le cercle des copines de Ada telle Dior, femme libre qui est une sorte de modèle, ou son amie d'enfance, voilée, qui cherche à lui faire entendre raison.
"L'amitié entre femmes occupe une place très importante dans le film", commente Mati Diop quia fait beaucoup de rencontres féminines à Dakar pour y créer ses personnages. Mais Atlantique véhicule aussi une idée romantique du couple noir. "J'ai voulu raconter un amour impossible, à l'ère du capitalisme sauvage", admet la réalisatrice. "Un amour fauché par l'injustice, volé par l'océan."

Les récits de la migration clandestine changent de tonalité avec l'intervention des esprits que cherche à visualiser Mati Diop. "J'ai voulu écrire un film de fantômes et le choix du genre cinématographique provient précisément de la dimension fantastique inhérente à la réalité que j'ai observée, ou peut-être simplement fantasmée", confie-t-elle.
La révolte des hommes impayés se transmet alors dans la chair des femmes, filmées schématiquement comme des zombies. "C'est une fusion des corps et des luttes", revendique Mati Diop en tentant de rendre homogène le traitement réaliste de certaines scènes, le fantastique cultivé pour d'autres, avec la poésie qui monte de l'océan et de ses vagues puissantes.

En recrutant des acteurs "dans l'environnement social des personnages", chantiers, boites de nuit, faubourgs de Dakar, la réalisatrice s'est associée avec le comédien Ibrahima Mbaye pour mettre en place des ateliers de jeu préparant ses protagonistes. Le nouveau site de Diamniado sert à figurer le chantier qui emploie les hommes, au pied de la haute tour, domaine de leur patron. Une architecture verticale, futuriste, symbole de pouvoir, créée en 3D et incrustée dans le film.
Imposant par ses belle images, cadrées par Claire Mathon, c'est surtout la partition de Fatima Al Qadiri, sombre et hantée, vibrant d'électro, de chants sacrées, de hip hop, qui permet d'élever l'atmosphère de Atlantique. "La musique du film allait devoir prendre en charge toute la dimension invisible du film", explique Mati Diop.

Les scènes où elle suggère la puissance de l'océan font passer quelques ellipses abruptes et des situations peu vraisemblables comme lorsque le mari de Ada abandonne son emprise. "Je voulais faire un film plastique mais qui reste très incarné", indique la réalisatrice qui perd en légèreté lorsqu'elle montre les esprits possédés. "C'est un film sur la hantise, l'envoutement et sur l'idée que les fantômes prennent naissance en nous", conclut Mati Diop sans s'abandonner à leurs vibrations, emportées par l'écume de l'océan.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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