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Pas d'or pour Kalsaka : Le décor à l'envers
Un documentaire de Michel K. Zongo, Burkina Faso
critique
rédigé par Hector-Victor Kabré
publié le 03/02/2021
Victor Kabré est rédacteur à Africiné Magazine
Victor Kabré est rédacteur à Africiné Magazine
Michel K. Zongo, réalisateur et producteur burkinabé
Michel K. Zongo, réalisateur et producteur burkinabé
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film (l'annonceur, avec son "lunga")
Scène du film (l'annonceur, avec son "lunga")
"Sibi, l'âme du violon", de Michel Zongo, 2011
"Sibi, l'âme du violon", de Michel Zongo, 2011
"Ti-Tiimou / Nos sols", de Michel Zongo, 2009
"Ti-Tiimou / Nos sols", de Michel Zongo, 2009
"Sur les traces de Mamani Abdoulaye", 2019, produit par Michel Zongo
"Sur les traces de Mamani Abdoulaye", 2019, produit par Michel Zongo

Un film d'actualité dira-t-on au regard du sujet traité par Zongo : l'or. Mais la thématique des pépites précieuses avait déjà connu un traitement à l'écran par la fiction avec le film L'or des Younga, réalisé par le journaliste écrivain Boubakar Diallo, en 2006. Le documentaire de Michel K. Zongo a reçu une Mention spéciale du jury à la 30è édition des Journées Cinématographiques de Carthage 2019 (JCC - Carthage Film Festival). Il révèle une dramaturgie particulière qui peut être regardée de près.

La note du Western

Le paysage du Nord du Burkina - notamment celui de Kalsaka - se prête à cette illusion de la représentation de ce genre cinématographique propre à l'Ouest américain. On y trouve une géographie faite de roches et de végétations sans verdures. Les images des randonnées et chevauchées de ces trois cowboys pris dans leur mouvement s'associent également au rendu voulu par la mise en scène. Au-delà de leur récurrence visuelle d'ensemble, il faut voir une symbolisation qui rencontre l'idée de "trois mousquetaires" qui pillent les ressources de Kalsaka. Cette image des exploitants épouse naturellement le point de vue de Zongo sur la question minière dans ce contexte filmique.



PAS D'OR POUR KALSAKA - BANDE ANNONCE from Film Five on Vimeo.


Les exploitants sont plus qu'un trio. Cette subjectivité évidente du réalisateur choisit le documentaire pour construire un plaidoyer. Pas d'or pour Kalsaka présente, par moments, quelques motifs qui caractérisent le film de fiction qu'est le western. Comment structure-t- il les autres aspects de son récit ?

La résonance africaine : la projection-identification

La figure de l'homme au petit tambour relève du langage symbolique, il s'agit certainement de faire coïncider un regard comme celui du documentariste. Le personnage narrateur signe sa présence dans le film chaque fois par "le lunga" (un tambour d'aisselle) qui est l'instrument dont il dispose. Dans l'Afrique des traditions, les signaux de ces objets sont une science. Un langage fort codé qui mérite attention ! Comme quoi ledit message dans le contexte est un rappel. La fonction de lanceur d'alerte n'est donc pas nouvelle, c'est celle-ci qu'exerce le documentariste avec ce film dans un langage qui lui est propre. Autrefois, le "lunga", ce tambour d'aisselle servait à envoyer des appels forts. Dans ce cas précis de crise relatée par le film de Zongo, il s'agit de dire aux adeptes du cinéma négro-africain que ça ne va pas. Tout de même, un langage pareil reste à décrypter à l'intérieur d'un autre langage dit moderne qu'il le porte. Cela s'apparente là, à un artifice pour la valorisation d'un savoir-faire typiquement africain au regard des inserts réguliers de la camera sur cet objet.
La mise en scène ne s'incruste pas seulement au niveau du visuel. La bande-son articule également le discours non verbal ; elle l'alterne avec les paroles des interviewés. Cela crée cet effet de la poésie négro-africaine cultivé chez un scénariste modèle comme Jean-Marie Adiaffi (1941-1999). Il est l'auteur, en autres du scénario de "Au nom du Christ" avec ses compatriotes Bertin Akaffou et Roger Gnoan M'Bala (ce dernier est le réalisateur du film). Cette fiction ivoirienne a été couronnée par le Fespaco 1993.
Il y a donc là un effort de renvoi esthétique au terroir de Zongo et qui tient en "champ contre champ" les figures de cow-boy dans un équilibre d'image contre le son. Deux mondes culturels coexistent aussi dans une œuvre qui traite de deux visions économiques différentes. Somme toute, le point de vue idéologique développé par le film n'est pas du vent, avec les intermèdes des battements du lunga, l'instrument de musique. Le scénario l'utilise pour un rappel sur la situation de désastre en cours.

De la titraille
Le ressenti du désespoir prend forme dans l'élaboration de ce film, avec l'accroche du film choisi par le réalisateur Michel Zongo. Un discours qui fait focus sur la qualité de l'eau, la dégradation des sols cultivables, la mort par intoxication des petits ruminants. Bref, "L'envers du décor" pour emprunter un titre romanesque de l'écrivain burkinabé Mathias Kyelem. Si l'environnement dans son sens écologique est affecté, que dire alors de celui où plusieurs séquences de visages humains sont présentées ? Le bonheur tant attendu et promis par l'ouverture de la mine produit un effet contraire comme le laisse voir les répliques des personnages dans les entrevues. Une écriture assumée certes pour ce film documentaire de Michel Zongo. Tous les sons de cloche ont la même amplitude : "Pas d'or pour Kalsaka".

Hector-Victor KABRÉ, Critique de Cinéma, ASCRIC-B

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