Le décès de Moufida Tlatli, le 07 février 2021, au terme d'une lutte résolue contre la maladie, creuse un vide dans le champ du cinéma tunisien. Réputée monteuse avisée, connue comme une réalisatrice sensible à la figure féminine, cette professionnelle décidée a bien participé à l'épanouissement du cinéma en Tunisie.
Née en 1947, à Sidi Bou Saïd, site antique aux belles pierres, Moufida Tlatli se plonge dans le cinéma en abordant la philosophie. Elle se forme au montage à l'IDHEC, en France, puisque les métiers de réalisateur ou de technicien sont monopolisés par les hommes. Son diplôme, obtenu en 1968, lui permet de capter la confiance de cinéastes tunisiens comme Brahim Babaï ou Abdelatif Ben Ammar (Sejnane, 1974, Aziza, 1980). Elle appuie aussi des réalisateurs algériens comme Merzak Allouache (Omar Gatlato, 1977) ou Farouk Beloufa (Nahla, 1979) pour des films qui deviendront des classiques.
Elle sait donner corps, et sens, aux rêves de Taïeb Louichi (L'Ombre de la terre, 1982, Layla, ma raison, 1989), Mahmoud Ben Mahmoud (Traversées, 1983), Nacer Khemir (Les Baliseurs du désert, 1984) tout en contribuant à l'émergence de Férid Boughedir (Caméra arabe, 1987, Halfaouine, 1990). Elle travaille avec une des premières cinéastes femmes de Tunisie, Néjia Ben Mabrouk (La Trace, 1988) comme avec une autre pionnière, Salma Baccar (La Danse du feu, 1994). Ces collaborations engendrent des films qui feront date dans la filmographie de la Tunisie.
Habile à donner sens à d'autres cultures pour Michel Khleifi (Cantique des pierres, 1990), elle brille par son apport dans le cinéma tunisien en structurant des films plus comiques et populaires pour Mohamed Ali Okbi (Les Zazous de la vague, 1992). Mais à 47 ans, Moufida Tlatli prend un nouveau tournant. Elle s'implique dans la réalisation d'une fiction qui balaie les époques, des années 40 aux années 60 après l'indépendance, pour questionner la place de la femme en Tunisie.
C'est ainsi qu'elle signe sa première réalisation, Les Silences du palais, 1994, écrit avec la complicité de Nouri Bouzid. Le film est sélectionné au Festival de Cannes, dans la Quinzaine des réalisateurs, et triomphe aux Journées Cinématographiques de Carthage où il obtient le Tanit d'or et le Prix d'interprétation féminine qui révèle Hend Sabri, interprète de l'héroïne lors de son enfance. C'est une consécration qui couronne une belle réussite. (*)
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Michel AMARGER,
Afrimages / Média France,
12 février 2021