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Rencontre avec Steve Achiepo, réalisateur du film LE MARCHAND DE SABLE
critique
rédigé par Sidney Cadot-Sambosi
publié le 21/02/2023
Steve Achiepo, acteur, scénariste et réalisateur français
Steve Achiepo, acteur, scénariste et réalisateur français
Sidney CADOT-SAMBOSI, Rédactrice (Paris) à Africiné Magazine
Sidney CADOT-SAMBOSI, Rédactrice (Paris) à Africiné Magazine
Moussa Mansaly (acteur, il joue Djo)
Moussa Mansaly (acteur, il joue Djo)

Comédien, scénariste et réalisateur, Steve Achiepo signe Le Marchand de sable, lauréat du Bayard de la Meilleure 1ère Oeuvre à la 37ème édition du FIFF Namur.

Le film retrace l'histoire de Djo (Moussa Mansaly), qui, après des années de prison, vit modestement chez sa mère avec sa fille. Un jour, sa tante paternelle débarque de Côte d'ivoire, ses trois enfants sous le bras, à la recherche d'un toit. Ils ont fui le conflit ivoirien du jour au lendemain. Djo fait tout pour leur trouver un logement décent. Mais la vague de personnes à aider s'accroît. Attiré par la manne financière que représente cette activité, et la perspective d'offrir une meilleure vie à sa fille, Djo bascule et devient marchand de sommeil. Le récit aborde frontalement la problématique de ces "agents immobiliers" criminels qui exploitent la misère des populations les plus fragilisées, souvent en situation irrégulière en France. Les personnes victimes de ce business juteux et malveillant, ont le plus souvent fui leur pays ou leur situation à cause des dangers qui menacent directement leur dignité et leur vie.

Poignant et brillamment interprété, ces destins brisés sont portés à l'écran par Moussa Mansaly, Ophélie Bau, Benoît Magimel, Aïssa Maïga - pour n'en citer que quelque uns -, sous le regard acéré d'un réalisateur préoccupé par la dignité de chacun des personnages, du plus jeune au moins jeune. La caméra sonde le coeur des tensions et enjeux liés à cette exploitation inhumaine avec des interprètes majoritairement noirs, ancrés et très justes.
Le film est sorti en France le 15 février 2023.



Sidney Cadot-Sambosi - Le titre du film fait référence à un personnage légendaire de la culture populaire européenne, chargé d'endormir les enfants en laissant tomber du sable sur leurs yeux.
Tu nous proposes une incarnation contemporaine de ce personnage, pas forcément bienveillant, pris dans des dilemmes moraux qui le conduiront dans une impasse à la frontière de l'illégalité, de la solidarité et de l'immoralité.
Quel désir est à l'origine de ce film ?


Steve Achiepo - J'ai été agent immobilier dans ma jeunesse. J'ai grandi à Cergy, mais je travaillais dans une agence immobilière dans le 16ème arrondissement de Paris. J'avais vendu l'appartement d'un client qui est revenu 1 an plus tard afin de me proposer de louer l'appartement de sa grand-mère, mais celle-ci ne voulait pas voir de familles noires y vivre. J'en ai parlé à mon patron qui m'a laissé le choix de la décision de traiter ce dossier, en prenant soin de me rappeler que c'était tout de même de l'argent facile dans ma poche. À cette époque je n'étais pas politisé, ni éveillé sur les questions sociales et sociétales, et j'avais besoin d'argent. J'ai donc accepté l'affaire.

Mais au fil des années, un sentiment de culpabilité me hantait et j'ai fini par accepter ce fait : j'ai participé en tant que Noir au racisme systémique, à la discrimination au logement dont sont victimes les personnes racisées. C'est de ce dilemme moral que sont nés les prémices de mon scénario. Dilemme moral qui hantera mon personnage principal. En tant qu'agent immobilier, j'ai été confronté à la question des marchands de sommeil. J'ai décidé d'en faire l'arène de mon film.

Sidney Cadot-Sambosi - Selon toi, les responsabilités sont-elles différentes vis-à-vis des réfugiés en provenance d'Afrique, entre les afro-descendants nés ou vivants en Europe et les européens blancs ?

Steve Achiepo - Les événements en Ukraine nous ont bien prouvés qu'il existe une hiérarchie dans la manière d'accueillir les réfugiés. Et dans cette hiérarchie, les Noirs se battent pour les
dernières places.

Sidney Cadot-Sambosi - Dans ce drame, le héros Djo, incarné par Moussa Mansaly, devient peu à peu un des maillons d'une mafieuse entreprise de marchands de sommeil. Pris dans une machinerie qu'il ne contrôle pas, les frontières entre le bien et le mal deviennent de plus en plus poreuses. Dans quelle mesure l'entraide et la bonne volonté peuvent-elles entrer en conflit avec la morale ? Jusqu'où la mauvaise conduite peut-elle faire le bien, et vice versa ?

Steve Achiepo - La morale est une affaire de subjectivité, donc propre à chacun. C'est d'ailleurs ce qui rend le film ambigu et place le spectateur dans une position délicate. C'est à lui de décider jusqu'où sa morale lui permettra d'entrer en empathie avec les pratiques de Djo. Mais il existe un autre curseur, pour le coup totalement objectif : la loi. À partir du moment où Djo gagne de l'argent, il commet un acte crapuleux.

Sidney Cadot-Sambosi - Peux-tu nous parler de tes prochains projets ?

Ça porte la poisse d'en parler.

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