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ENTRETIEN CROISÉ AVEC Angela WAMAI (réalisatrice) & Justin MIRICHII (acteur)
‘'Nous nous sommes serrés les coudes et nous avons fait le tournage en quinze jours''
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 05/03/2023
Angela Wanjiku WAMAI, réalisatrice et scénariste kenyane
Angela Wanjiku WAMAI, réalisatrice et scénariste kenyane
Justin Mirichii, acteur principal de SHIMONI
Justin Mirichii, acteur principal de SHIMONI
Bassirou NIANG, Rédacteur (Dakar) à Africiné Magazine, correspondant spécial au Red Sea FilmFest
Bassirou NIANG, Rédacteur (Dakar) à Africiné Magazine, correspondant spécial au Red Sea FilmFest
La cinéaste Angela Wamai recevant son trophée (Etalon de Bronze) au Fespaco 2023
La cinéaste Angela Wamai recevant son trophée (Etalon de Bronze) au Fespaco 2023
Scène du film
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Sortir un premier film - surtout un long-métrage - n'est pas chose facile. Et le processus peut être assez long, marqué par des attentes interminables, des promesses non tenues, des espoirs de financements déçus, et aussi de l'endurance dans un mental de triomphe. Lequel, se reflétant dans un bon casting, fait oublier presque toutes les peines vécues en chemin. L'un des motifs de satisfaction d'Angela Wanjiku WAMAI dans ce sens est le choix réussi de Justin MIRICHII, l'acteur principal. Il incarne "Geoffrey", le personnage clé dans Shimoni. Cet entretien croisé entre les deux en donne une plus grande idée d'ensemble.
Shimoni a remporté l'Etalon de Bronze au FESPACO 2023 (Ouaga), après le Toutankhamon d'Or 2023 (Luxor) et une nomination dans la compétition officielle de la deuxième édition du Red Sea IFF de Djeddah (1-10 décembre 2022).

Africiné : D'abord que signifie le titre Shimoni ?

Angela Wamai : Le titre Shimoni signifie beaucoup de choses en swahili, mais pour ce film, cela signifie spécifiquement "fosse". Un trou dans lequel le personnage principal continue de tomber. Mais c'est aussi la ville fictive dans laquelle se déroule le film.



L'idée de Shimoni est née d'une image qui m'est venue à l'esprit, lorsque je regardais quelque chose auquel je pense. C'était l'image d'une jeune femme tenant un papier. Elle tenait un morceau de papier alors qu'il lui brûlait les doigts mais elle ne le lâchait pas. J'ai pensé que c'était une image très intéressante et j'ai continué à y penser. Je me suis-je demandé pourquoi ne lâche-t-elle pas ? Pourquoi le tient-elle en premier lieu, pourquoi joue-t-elle avec le feu ? Cette image est dans le film. J'étais aussi à l'époque très intéressée par l'idée des secrets et des non-dits, comment les secrets consument les gens et les communautés. D'une manière ou d'une autre, ces deux choses se sont combinées et Shimoni est né.

Et comment s'est passé le casting ?

Angela Wamai : D'abord, pour ce qui est du personnage principal, Geoffrey, je l'avais vu jouer dans une série télévisée. Au début, j'avais commencé à travailler avec un autre acteur, mais ça ne marchait pas. Avec lui, dès que nous avons commencé à nous y mettre, j'ai tout de suite senti que c'était lui que je voulais. Pour les autres, j'ai choisi des personnes non professionnelles, à l'exception de l'une d'entre elles qui figurait parmi les actrices d'une série pour laquelle je travaillais comme monteuse : c'est le personnage de Béatrice dans le film.

Pourquoi le choix de personnages sombres pour ce film ?

Angela Wamai : Je ne me souviens d'aucun moment où j'ai choisi d'avoir des personnages sombres, bien sûr j'étais très intéressée par l'idée de secrets et de monstruosité. Donc je suppose qu'avoir des personnages sombres est venu très naturellement dans l'histoire.

Pouvez-vous nous parler un peu du processus ayant mené au choix de Justin Mirichii, pour incarner le personnage principal qu'est Geoffrey ?

Angela Wamai : Pour Geoffrey, je me suis retrouvé avec un personnage qui n'avait aucun espoir et qui était très sincère envers celui que j'avais construit. J'ai essayé une autre fin mais c'était très forcé et trop facile. J'ai dû laisser Geoffrey finir le voyage qu'il avait commencé et malheureusement c'était sa fin.

Justin, quelle a été votre première réaction quand on vous a proposé d'incarner le personnage principal ?

Justin Mirichii : Lorsque l'on me l'a proposé, j'étais très content. J'ai tout de suite compris, avec mon entretien avec Angela Wamai, que j'allais faire un film assez profond, assez noir, assez dramatique, mais très humain. C'est ce qui m'a convaincu d'accepter ce rôle.

Il ne vous a pas été difficile au début d'entrer dans la peau du personnage de Geoffrey à la destinée macabre ?

Justin Mirichii : J'ai pris le processus étape par étape. Angela (la réalisatrice) m'a fourni des vidéos à regarder. Je n'en ai regardé que quelques-uns parce que je voulais que'Geoffrey' soit le plus authentique possible. J'ai perdu du poids et me suis rasé les cheveux. J'ai également dû m'éloigner de ma jeune famille pendant toute la durée du tournage. Une fois que j'ai commencé à comprendre l'isolement et la solitude de Geoffrey, j'ai su que j'étais prêt. C'est un homme désespéré, sans voix pour remédier à sa propre situation.

L'action de Geoffrey dans l'avant-dernière scène du film, vous ne croyiez pas que le spectateur allait s'y attendre ?

Angela Wamai : Je ne sais vraiment pas, j'ai entendu les deux versions, il y a des gens qui disent qu'ils n'ont pas vu la fin venir et aussi je suppose que je peux vous demander, avez-vous vu la fin venir ? Cela m'inquiéterait si la fin était prévisible, mais je suis également heureux que la fin soit une fin naturelle à l'histoire de Geoffrey.

Comment avez-vous réussi à mêler l'humour noir au drame dans Shimoni ?

Angela Wamai : (Rires) Je me suis basée sur mon expérience. Mais je dois vous avouer que, personnellement, je suis quelqu'un qui a son côté humour. C'est ce que j'ai aussi trouvé chez certaines actrices du film, lors du casting. C'est comme ça que j'ai essayé de mêler ce trait de caractère chez moi et chez les personnages à l'histoire du film.

Justin, parlez-nous un peu du jeu d'acteur avec les autres personnages, surtout avec votre "grand-mère".

Justin Mirichii : J'avais déjà travaillé avec Muthoni Gathecha ("Martha"). Cependant, je pense que vous devez être ouvert à vos collègues acteurs et à l'énergie qu'ils apportent au tournage. Cela facilite le jeu les uns contre les autres et crée un cadre réaliste pour les personnages.

Quels ont été les rôles que vous avez incarnés avant Shimoni ?

Justin Mirichii : J'ai endossé de nombreux rôles au fil des ans. L'un de mes derniers étant un grand avocat dans Crime and Justice [Série Policière, en 8 épisodes, 2021, ndlr]. Je chéris mon rôle dans Shimoni, parce qu'il m'a amené au bord du gouffre ; Je me sens prêt à de plus grandes choses. Je veux arriver à un point où je peux voyager à travers l'Afrique et le monde, pour un travail d'un si grand impact.

Comment s'est passé le financement du film, Angela ?

Angela Wamai : Nous avions au début chercher partout de l'argent, mais ça ne marchait pas. Jusqu'au jour où nous rencontrâmes un investisseur (quelqu'un) qui accepta de mettre un petit budget. C'est avec cela que nous avons pu faire ce film. Mais en nous sacrifiant pour y consacrer tout notre temps. Nous nous sommes serrés les coudes et nous avons fait le tournage en quinze jours. Et comme je suis monteuse, je me suis occupée moi-même de la post-production.

Justin, comment envisagez-vous votre avenir dans le cinéma ? Seriez-vous tenté d'aller derrière la caméra un de ces jours ?

Justin Mirichii : Même si je poursuis ma passion d'acteur, j'apprends à écrire pour l'écran et je souhaiterais éventuellement entrer dans le monde de la réalisation. Ce sont des rôles qui poussent au-delà du simple récit de l'histoire, mais créent en fait des mondes et des personnages. Je suis ici pour le long terme.

Quelle appréciation faites-vous du cinéma kenyan et en général du cinéma africain ?

Angela : Je trouve que le cinéma au Kenya va bien. Seulement - tout comme le cinéma africain - il faut que les gens se donnent plus de liberté pour raconter leurs propres histoires, pour faire entendre leur voix. Pour revenir au plan africain, je pense que nous avons beaucoup de choses à raconter ; et d'ici 2030, on verra qu'il a beaucoup évolué.

L'arrivée en force des femmes dans le cinéma vous inspire quoi aujourd'hui ?

Angela Wamai : Je suis contente qu'il y ait tellement plus de femmes qui font du cinéma africain, j'espère que nous pourrons en avoir beaucoup plus. En fait, je crois que nous n'en aurons jamais assez.

Entretien réalisé à Djeddah par
Bassirou NIANG

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