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HOURIA - Danser pour émanciper les Algériennes
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 13/03/2023
Michel Amarger, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Michel Amarger, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Mounia MEDDOUR, réalisatrice et scénariste algérienne
Mounia MEDDOUR, réalisatrice et scénariste algérienne
Scène du film
Scène du film
Scène du film, avec Lyna Khoudri ("Houria")
Scène du film, avec Lyna Khoudri ("Houria")
Scène du film, avec Rachida Brakni ("La mère de Houria")
Scène du film, avec Rachida Brakni ("La mère de Houria")
Scène du film, avec plusieurs actrices dont Nadia Kaci
Scène du film, avec plusieurs actrices dont Nadia Kaci
Scène du film, avec Lyna Khoudri ("Houria")
Scène du film, avec Lyna Khoudri ("Houria")

LM Fiction de Mounia Meddour, France / Algérie, 2022
Sortie France : 15 mars 2023 (Distribution : Le Pacte)

Suivre une héroïne volontaire qui se révèle par l'art, célébrer la solidarité des filles algériennes en évoquant l'empreinte de la décennie noire, ce sont des thématiques chères à Mounia Meddour. Après Papicha, 2019, qui regardait une étudiante s'affirmer par la mode, elle reprend les mêmes axes pour diriger Houria, 2022, avec l'actrice Lyna Khoudri, et le soutien d'une équipe technique fidèle, étayée par une production française solide et le concours modeste de privés algériens.



Houria est une jeune danseuse classique qui évolue à Alger sous la direction exigeante de Karima, sa mère, animatrice d'une classe de danse. Le jour, Houria fait des ménages dans un hôtel avec son amie Sonia. La nuit, elle parie sur des combats de béliers pour acheter une auto à sa mère. C'est là qu'elle s'attire la rancœur d'un mauvais perdant qui la course pour son argent, provocant une grave chute. Pour Houria, c'est une brisure de vie. Sa jambe opérée ne lui permet plus de faire des pointes. Elle devient mutique et doit récupérer son corps, et ses marques.
Elle se rééduque avec un groupe de femmes traumatisées. La plupart sont marquées par les douleurs de la décennie noire. Houria est sollicitée pour préparer un spectacle de danse, thérapeutique, avec elles. Mais en portant plainte contre l'agresseur, Karima apprend que c'est un repenti, ménagé par la justice. L'avocate militante qu'elle contacte se rétracte. Houria aperçoit l'agresseur qui rôde et menace pour avoir l'argent qui lui a échappé. La salle de spectacle ferme, sans doute sur son intervention. Pourtant Houria persiste à monter le spectacle qui sera dédié à Sonia, son amie, embarquée avec un passeur clandestin pour brûler en Espagne, dont le sort est suspendu.

Le scénario très réfléchi de Mounia Meddour, développe ses thèmes de prédilection autour du destin brisé de Houria. "J'avais envie de raconter l'isolement, la solitude et le handicap. Mais surtout la reconstruction", explique la cinéaste, imaginant "une héroïne grandiose par son endurance, à l'image de cette Algérie, blessée mais toujours debout". A ses côtés, le groupe de femmes déstructurées qu'elle va initier à l'expression corporelle, semble lui renvoyer de l'énergie en retour. "Ces corps blessés vont se "réparer" par la danse pour trouver une sorte de liberté et de beauté", souligne Mounia Meddour en restituant la complicité et la solidarité du groupe féminin.
En face, Houria doit affronter son agresseur. "Le repenti du film métaphorise un mal plus général, celui de la guerre civile comme une sorte de fantôme du passé, qui rôde toujours", commente la réalisatrice en estimant : "L'amnistie des repentis terroristes est d'une grande violence pour les familles des victimes". Il est vrai que les policiers du commissariat, consultés par Karima et sa fille, semblent enclins à protéger le coupable. Ce sont ces impressions de compromissions, et aussi les sirènes de l'Europe, qui poussent Sonia, l'amie de Houria, à tenter la traversée clandestine vers l'Espagne. Un phénomène de société qui décime la jeunesse algérienne, et que Mounia Meddour n'évite pas d'aborder, comme un signal obligé.

La réalisatrice et le chef opérateur, Léo Lefèvre, se focalisent sur Houria et ses danses comme elle le précise : "Nous avions décidé de prendre le parti pris de se concentrer sur les expressions et les émotions de notre héroïne". Une décision renforcée par le mutisme de Houria, "clairement symbolique de toutes ces femmes qu'on a voulu faire taire". Alors, elle privilégie les plans serrés qui évitent de voir l'Algérie réelle puisque le film a dû être tourné à Marseille, en justifiant : "J'aime filmer mes personnages au plus près des corps, de la peau, du mouvement".
Elle s'appuie sur ses actrices dont Lyna Khoudri, l'héroïne, Rachida Brakni en mère digne, Nadia Kaci en traumatisée et Hilda Amira Daouaouda, la meilleure amie. Le réalisateur algérien, Hassen Ferhani, installé à Marseille, apparaît en guest. Avec le désir de "capter le rêve brisé de cette danseuse et sa longue reconstruction", Mounia Meddour expose la capacité des femmes abîmées par la vie, de créer et de rire : "Un lien fort et une langue presque secrète et clandestine va les unir pour dire les maux de la société actuelle".

Ce sont surtout les corps énergiques qui sont mis en avant comme l'a fait le Français Cédric Klapisch dans En Corps, 2022, contant la reconversion d'une danseuse classique blessée. Ici, la musique de Yasmine Meddour et Maxence Dussere, soutient les chorégraphies de Hajiba Fahmy, avec une certaine emphase. "Les femmes se regroupent autour d'un projet artistique collectif et fédérateur, la danse. Ensemble, elles améliorent leurs conditions de vie, et sont plus fortes et plus résistantes", assure Mounia Meddour. Houria se construit, se reconstruit, sans déconstruire toutefois les mouvements d'un récit parfois prévisible et limité dans ses ondulations.

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / Médias France), pour Africiné Magazine

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