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ANNATTO, premier film de cinéma d'une longue série par la réalisatrice marocaine Fatima Boubakdy
critique
rédigé par Amina Barakat
publié le 07/04/2023
Amina Barakat, Rédactrice (Rabat) à AFRICINÉ MAGAZINE
Amina Barakat, Rédactrice (Rabat) à AFRICINÉ MAGAZINE
Fatima BOUBAKDY, réalisatrice marocaine
Fatima BOUBAKDY, réalisatrice marocaine
Scène du film ANNATTO
Scène du film ANNATTO

Le film Annatto nous emmène dans une Afrique loin de celle que les médias européens véhiculent : la misère de toutes les couleurs, la pauvreté, les femmes miséreuses affaiblies par les tâches ménagères très dures, les enfants malades et rachitiques. Bref, l'habituel tableau noir d'une terre fissurée par la sècheresse. Ce film est le premier long métrage de Fatima Boubakdy. La réalisatrice marocaine se lance ici dans une nouvelle expérience, après une carrière très riche en séries télévisées telles que Hdiddan et Romana et Bertal.

Vu la qualité avec laquelle la réalisatrice œuvre, ses séries ont cartonné auprès des téléspectateurs de tout âge et restent toujours au top, lors de leurs rediffusions. Les personnages de ses créations sont triés sur le volet et emplissent admirablement l'espace où se déroulent les événements de l'histoire traitée et que le public apprécie et suit avec fidélité.

Annatto a été programmé hors compétition, dans le cadre de la 28ème édition du festival du cinéma méditerranéen de Tétouan qui s'est déroulée du 3 au 10 mars 2023.
Fatima Boubakdy est connue pour l'importance qu'elle réserve aux costumes choisis, selon elle, avec amour. Ce détail on le retrouve présent dans son film Annatto qui marque le début du nouveau départ d'une femme qui aime ce qu'elle fait et personnalise ses créations.

Avec Annatto, l'héroïne du film, on part en voyage au Sénégal, beau pays africain. La réalissatrice nous narre une histoire d'amour hors du commun, entre un jeune commerçant issu d'une famille bourgeoise fassie [de la ville de Fez, Maroc, NDLR] et une belle métisse sénégalaise, chanteuse de métier dans un pub, lieu de rencontre et de plaisir des étrangers commerçants en transit au Sénégal où le traitement et la conclusion des affaires se passent. Ces transactions se passent à une époque où la traite des humains est en plein essor. Donc, le sujet s'attaque au comportement de ces hommes / commerçants qui passent leur temps libre à se payer du bon temps au détriment des femmes qui se trouvent au ban de la société, souvent à la recherche d'une meilleure vie en compagnie des riches étrangers.
La jeune Annatto est à l'image de ces femmes, souvent victimes de certaines relations fatales, résultat d'une insouciance de ces passagers inconscients de leurs méfaits envers cette catégorie féminine sans défense, puis repartant chez eux sans rancune ni conscience. Sauf qu'Annatto a eu un destin différent. Sa vie est bousculé lorsqu'elle croise Amine. Ce dernier est un jeune commerçant marocain, nouveau dans le domaine du commerce, épaulé par son oncle, un vétéran. Amine est envoûté par la voix de cette jeune femme et aussitôt tombe amoureux d'elle.



Le film ne raconte pas seulement l'histoire d'une relation qui a dépassé les lignes rouges tracées par les anciens commerçants qui nous rappellent les premières conventions commerciales entre les deux pays le Maroc et le Sénégal. Annatto ouvre la parenthèse sur d'autres problèmes sociaux qui enveniment la vie des gens.

Au Maroc, Amine jouit d'un cadre bourgeois. Il est déjà marié et il a une fille issue de cette union arrangée. Il revient avec Annatto, sous prétexte d'avoir besoin d'une servante qui devra s'occuper de sa fille unique. En réalité, il camoufle ainsi camoufler sa relation amoureuse avec cette étrangère métisse (perçue comme Noire). La réalisatrice ne manque pas de dévoiler ce qui se trame à l'intérieur de la bâtisse si luxueuse pleine de servantes et accompagnatrices avec les conflits qui résultent de la jalousie entre le personnel féminin travaillant au service de cette grande famille.

Annatto est un film dont l'histoire se passe dans un monde à part (rythmé par la monotonie). Il reste dans le même style artistique que la réalisatrice préfère adopter. Cette production ressemble totalement à la personnalité de Fatima Boubakdy. La cinéaste puise ici dans les richesses du patrimoine culturel et humain marocain (comme souvent avec ses œuvres télévisées précédentes). Son film en profite largement.
Elle explore avec brio les conflits psychologiques qui ont lieu dans le cercle familial. En premier, il y a les sentiments vénéneux ressentis par la première (et jeune) épouse rongée par la jalousie, une fois qu'elle découvre la vraie relation entre son mari et la soi-disant servante. Cette dernière est en butte à de pénibles sévices de la part des complices de la dame des lieux. Seule l'innocence de la petite fillette et la sympathie qui l'unit à Annatto sauvent la jeune sénégalaise des griffes de la méchante gouvernante.
Au sein de cette vie chamboulée par l'arrivée d'Annatto, la première servante et bras droit de l'épouse d'Amine est la fausse note dans le film. Elle est bien placée pour détourner la confiance de sa maitresse et continuer à maltraiter Annatto par mille façons. Le personnage use et abuse d'un langage grossier qui dévalorise l'actrice qui l'incarne. Pourtant, elle est une actrice d'expérience déjà saluée par la critique et le public.
Ce premier long métrage fiction de Fatima Boubakdy s'est imposé dans plusieurs festivals internationaux. Il a décroché des prix, en l'occurrence le grand prix du festival international de Dakhla, une messe qui s'intéresse au cinéma africain. Son parcours en festivals ainsi que les prix remportés responsabilisent la réalisatrice pour multiplier ses efforts et continuer à bien faire. C'est là une source de motivation pour Fatima Boubekdi, en lui donnant le courage de faire d'autres recherches dans l'histoire. Elle ne manquera certainement pas de continuer à explorer les univers riches qui puissent tapissent le fond des sujets auxquels elle tient.
Par ses qualités de réalisatrice qualifiée, cette amoureuse de l'image œuvre pour donner à ses projets un caractère charismatique en passant par le biais des relations qui se tissent entre des gens, que les différences culturelles ou de religions soient un écueil. Fatima Boubakdy donne corps à une forme de tolérance et de rapprochement entre les peuples, par le biais de la caméra. Beaucoup de réalisateurs et réalisatrices récemment débarqué dans le champ cinématographique marocain défendent le même credo. Il n'y a pas de raison de ne pas voir cette tendance encourageante se développer encore plus dans le futur.

Amina Barakat

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