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L'OASIS DES EAUX GELÉES. Un amour impossible
Un film de Raouf Sebbahi (Maroc) primé par la critique africaine
critique
rédigé par Fatoumata Sagnane
publié le 03/06/2023
Fatoumata SAGNANE, Rédactrice (Conakry) à AFRICINÉ MAGAZINE
Fatoumata SAGNANE, Rédactrice (Conakry) à AFRICINÉ MAGAZINE
Raouf SEBBAHI, réalisateur marocain
Raouf SEBBAHI, réalisateur marocain

Le long métrage L'Oasis des eaux gelées du réalisateur marocain Raouf Sebbahi a séduit les cinéphiles au 23ème Festival international du cinéma africain de Khouribga (FICAK). Cet évènement s'est déroulé du 6 au 14 mai 2023, au Maroc. Un film beau et provoquant, avec de belles métaphores.

En toute intimité, Raouf Sebbahi fait une invite au cinéphile inquisiteur dans une salle de cinéma, à la découverte de son film qui parle d'un tumulte sentimental. Ce film est projeté dans le noir, dans une salle de cinéma, dans un noir témoin de toutes les histoires d'amour racontées de la manière la plus secrète possible comme celle de Kader et de la belle Fadhila.
Kader et Fadila sont jeunes, amoureux, mariés, mais ils ne partagent pas la même passion. Kader aime danser sans jamais s'arrêter, contrairement à la belle Fadhila, qui aspire simplement à vivre et savourer son amour sans pression religieuse, fût-elle religieuse.

Un art entre le ciel et terre

À l'écran, Kader danse, avec passion et désinvolture, emporté par la danse appelée "sama" en persan, un art entre le ciel et terre. Il pratique surtout la danse "soufie" où on découvre une véritable passion et un débordement qui participent de l'effort de communion avec le divin.
Après les séances de danse, les nuits que Kader et compagnie arborent, la caméra de Sebbahi escorte notre danseur ailleurs pour comprendre s'il voue autant de passion à sa femme et à son petit garçon (fils) que celle qu'il a pour sa danse ? Ce magnifique récit filmique nous en dira plus au cours de ce parcours.



Dans la maison de Kader, la découverte est révélatrice. Au fond d'un long couloir, pas celui de la mort mais un couloir juge et témoin des faits et gestes de nos protagonistes, se trouve une toilette grandement ouverte. On entend là sans cesse le scintillement des gouttes d'eau, un élément du film qui interpelle le sens du cinéphile, une métaphore utilisée par Raouf pour matérialiser les querelles incessantes de Fadhila et Kader ainsi que les pleurs du petit garçon perturbé par leurs cris.

Quand Kader danse, plus rien n'est important

Pourquoi le cinéphile est souvent ramené à ces décors, celui de ce long et silencieux couloir, à la danse, puis à la mer (vaste étendue d'eau salée à perte de vue) ? Rien n'est choisi ici au hasard. Tout a une signification pour nous rapprocher de chaque objet ou réalité symbolique. L'histoire racontée ici constituerait-elle un prétexte pour l'auteur de L'Oasis des eaux gelées de nous faire part de son vécu ou d'un proche ? Veut-il nous faire comprendre subtilement son attachement à la doctrine soufie ? Ou voudrait-il résoudre un de ses nombreux énigmes amoureux, une de ses difficultés relationnelles du passé, celle d'aujourd'hui ou bien c'est juste une simple envie de créativité qui l'anime ? Ces artistes qui ont pour tradition de se cacher derrière les récits (secrets) qu'ils partagent avec les cinéphiles en les rendant complices, dans le but de trouver un soulagement. Comme par exemple la danse que fait Kader pour ramener l'humain à l'unique et à l'omnipotent, à Dieu, par la religion et par la danse.
Quand Kader danse, plus rien n'est important, rien ne doit être entre lui et sa danse même pas Fadhila ni leur petit garçon, ni même son papa non-voyant aimant et attentionné.
Kader danse, au point que la danse devient l'un des acteurs principaux de ce film. En pratiquant cet art de la scène, l'acteur s'envole, voyage et transporte avec lui le spectateur ou le cinéphile dans un tourbillon de sainteté sans signe de vertige ; tellement sa passion pour cette danse est grande et immense.

Aux dépens de l'amour

À cause de cette passion illimitée pour la danse, son manque d'attention vis-à-vis de sa famille devient insupportable pour sa jeune femme Fadhila qui, à maintes reprises, lui fait des remarques en attirant son attention sur l'intérêt d'être dans un couple car il faut être deux pour une union.
Au bout du chemin, enfin, Kader veut un calme en sourdine, un refuge spirituel, une intimité qu'entre lui et Dieu malgré l'amour qui le lie à sa femme. Au commencement tout était beau, leur relation est fragilisée au nom de l'amour que Kader éprouve envers Dieu.
Les jours passent, le fossé entre Kader et Fadhila devient béant et douloureux, la jeune mariée n'en pouvait plus de supporter leur éloignement, blasée face à la timidité que lui témoigne Kader vis-à-vis de leur amour.
Face à ce dilemme, le couple prend une décision importante, alors que Kader reçoit une nouvelle (à découvrir par les futurs spectateurs du film) troublante pour Fadhila, sensible. Que va-t-il advenir après ce tournant ?
L'Oasis des eaux gelées a drainé plus d'un cinéphile le jour de sa séance de projection au 23ème Festival international du cinéma africain de Khouribga (FICAK). C'est un film plein de belles métaphores, de beaux plans artistiques, avec une technique réussie en son et lumière, à la clé une belle direction artistique dont un casting réussi.

Ce film est de grande facture cinématographique, sobre, alléchante, avec des dialogues digestes et accessibles. Le succès mérité de ce film tient également au jeu des acteurs, notamment le jeu de la belle Nisrin Erradi (dans le rôle de Fadhila) qui incarne à la perfection son personnage.
La projection de L'Oasis des eaux gelées n'a pas séduit que des professionnels du cinéma et le public cinéphile adulte, il a remporté les faveurs des jeunes cinéphiles.

Il a décroché le Prix Paulin Soumanou Vieyra de la critique africaine, au 23ème Festival international du cinéma africain de Khouribga. Regani Abdellatif est le directeur artistique du FICAK.

SAGNANE Fatoumata
Journaliste critique (Guinée Conakry)

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