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LES FILLES D'OLFA. Noeuds mère - filles en Tunisie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 05/07/2023
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Kaouther BEN HANIA, réalisatrice et scénariste tunisienne
Kaouther BEN HANIA, réalisatrice et scénariste tunisienne
Scène du film LES FILLES D'OLFA
Scène du film LES FILLES D'OLFA
Scène du film LES FILLES D'OLFA
Scène du film LES FILLES D'OLFA
Scène du film LES FILLES D'OLFA
Scène du film LES FILLES D'OLFA
Scène du film LES FILLES D'OLFA
Scène du film LES FILLES D'OLFA
Scène du film LES FILLES D'OLFA
Scène du film LES FILLES D'OLFA

LM de Kaouther BEN HANIA,
France / Tunisie / Allemagne /Arabie Saoudite, 2023
Sortie France : 5 juillet 2023
Distribution (France) : Jour2Fête

Kaouther Ben Hania a lancé son nouveau film, Les Filles d'Olfa, au Festival de Cannes 2023 où elle aborde la compétition comme un nouveau terrain de jeu. La réalisatrice tunisienne s'est déjà fait remarquer à Cannes dans la sélection de l'ACID avec son premier long-métrage, Le Challat de Tunis, en 2014, puis à Un certain regard avec La Belle et la Meute en 2017.
Elle a retrouvé le Festival de Cannes, aguerrie par le chemin parcouru, avec Les Filles d'Olfa. C'est une coproduction solide réunissant la France, la Tunisie, l'Allemagne, l'Arabie Saoudite. Un sujet envisagé depuis 2016, à l'époque où Kaouther Ben Hania terminait Zaineb n'aime pas la neige, sur l'évolution d'une adolescente transplantée au Canada.

Aujourd'hui, elle s'intéresse à la destinée d'Olfa, une Tunisienne mère de quatre adolescentes dont les deux aînées, Rahma et Ghofrane, ont disparu en Libye après s'être radicalisées. La réalisatrice imagine d'abord un documentaire sur Olfa avant d'y introduire une fiction sur le sort de son personnage avec ses filles qui sont restées, Eya et Tayssir.
Elle écrit alors un scénario qui met en scène les préparatifs d'un tournage de fiction sur l'histoire d'Olfa. La comédienne Hend Sabri est embarquée dans le projet pour figurer Olfa. Et le film confronte la mère à la vedette qui la joue, en présence de ses deux filles et des comédiennes qui interprètent les disparues, en rupture de famille. Entre larmes et rires, le dialogue se noue.



"Ce qui m'a intéressée avec Olfa est qu'il s'agit d'une histoire de femmes, de mère, de filles", avance Kaouther Ben Hania, engageant une équipe en majorité féminine, et un seul acteur masculin, Majd Mastoura, qui se mêle à la famille. "Comme tous les hommes ont été rejetés de leur groupe, c'est comme si tous les hommes n'en étaient qu'un seul", justifie la cinéaste. "Olfa incarne quelque chose d'à la fois très féminin et très masculin. Elle dit de son mari qu'elle est plus masculine que lui."
A partir de là, le film explore les relations de la mère avec ses filles, parties combattre pour l'islam radical, et celles qui sont restées. Le dispositif élaboré par Kaouther Ben Hania sert de levier pour répondre à la question : "Comment réussir à convoquer ce qui a eu lieu et qui n'est plus là ?" La fiction y participe, cadrée par Farouk Laaridh, émaillée de la musique discrète de Amine Bouhafa.

Il s'agit de dérouter le réel, revisité par les télés et radios qui ont médiatisé l'affaire en 2015. "Olfa avait été formatée par les journalistes. Elle jouait, avec un grand talent de tragédienne, le rôle de la mère éplorée, hystérique, accablée de culpabilité", se rappelle la cinéaste, employant une fiction en tiroir pour creuser ses contrastes et sa vivacité.
"J'ai commencé alors à envisager ce film comme un laboratoire thérapeutique de convocations de souvenirs", confie Ben Hania, en ajoutant. "J'ai réalisé que la meilleure façon de remettre Olfa sur le terrain du réel et de ses propres souvenirs était de faire un documentaire sur la préparation d'une fausse fiction qui ne verrait jamais le jour."

L'apport des comédiens et la présence de la star Hend Sabri, servent de révélateur, comme l'indique la cinéaste : "J'avais besoin d'actrices pour jouer ses filles absentes et d'une comédienne pour la questionner, l'aider à saisir les enjeux de certains grands événements de sa vie." La caution de la vedette encourage Olfa à se livrer pour que son histoire soit connue et mieux perçue via le film de Kaouther Ben Hania.
"En lui posant des questions sur des détails précis, sur ses motivations, Hend Sabri permet à Olfa de revenir sur son passé sans complaisance." La réalisatrice établit alors un jeu pour tourner et contourner en exposant le pouvoir du cinéma. "Je voulais que l'on puisse passer de vrais moments de jeu à des moments de réflexion sur le jeu", confirme t'elle, utilisant un décor unique, un vieil hôtel de Tunis, reconverti en studio de cinéma où se déploie un regard très introspectif.

Les Filles d'Olfa se concentre ainsi sur une cellule familiale féminine pour sublimer les traumas. "Olfa a infligé à ses filles certains sévices qu'elle-même avait subis enfant. La transmission mère - filles des traumas court partout dans ce film", relève la réalisatrice qui privilégie ce sujet au détriment des fondements sociaux de la radicalisation qui a entraîné le départ de plusieurs femmes, et ici des deux filles aînées.
"Elles ont voulu contester l'autorité d'Olfa qui a toujours incarné pour elles à la fois le père et la mère et qui a voulu réprimer leur sexualité. Comme elles n'avaient pas les outils pour y parvenir, elles sont devenues, comme dit l'une d'entre elles : pistonnées par Dieu". Cette remarque repose sur l'évocation au plus près, de la véracité des rapports entre filles et mère en Tunisie, menée avec habileté par l'artifice du cinéma et de ses dispositifs signifiants.

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / Médias France), pour Africiné Magazine

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