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ANIMALIA. Des êtres et des âmes au Maroc
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 11/08/2023
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Sofia ALAOUI, réalisatrice et scénariste franco-marocaine
Sofia ALAOUI, réalisatrice et scénariste franco-marocaine
Scène du film ANIMALIA
Scène du film ANIMALIA
Scène du film ANIMALIA
Scène du film ANIMALIA
Scène du film ANIMALIA
Scène du film ANIMALIA
Scène du film ANIMALIA
Scène du film ANIMALIA
Scène du film ANIMALIA
Scène du film ANIMALIA
Scène du film ANIMALIA
Scène du film ANIMALIA

LM Fiction de Sofia Alaoui, France /Maroc, 2023
Sortie France : 9 août 2023
Distribution France : Ad Vitam

L'aspiration à l'irrationnel, à la science-fiction comme projection et orientation des destins, sert d'envol et d'envolée à Sofia Alaoui. Cette réalisatrice franco-marocaine, soucieuse de participer au renouveau du cinéma maghrébin, s'est offert un joli doublé au Festival de Sundance avec deux Grand Prix du Jury, l'un pour son film court, Quand les bêtes meurent, en 2020, et l'autre pour son premier long-métrage, Animalia, en 2023.
C'est un bel élan pour la cinéaste, née à Casablanca, qui a grandi entre le Maroc et la Chine, avant de se former au cinéma à Paris puis s'activer comme consultante sur des scénarios. Revenue au Maroc dès 2017, elle a créé sa propre structure de production [Jiango Films, NDLR] pour réaliser des films courts, documentaires et fictions, avant de développer un ton plus personnel et onirique, accompli dans Animalia.

L'héroïne, Itto, une Berbère de milieu modeste, âgé de 22 ans, vit avec Amine chez ses beaux-parents. Elle attend un enfant et habite la grande maison de sa riche belle-famille où plane comme une menace. Quand ses occupants quittent le logis pour un déplacement, Itto se retrouve seule. Le brouillard se lève, l'atmosphère devient trouble. La jeune femme se lance dans la campagne où tout semble magnétique. Elle progresse dans des espaces désertés où les rencontres sont fuyantes, où l'argent n'a plus de valeur. Un homme à triporteur, l'épaule. Itto semble échapper à un monde convenu pour mieux s'accomplir.
Dès les premières images, la nature paraît pénétrée par le surnaturel. Les éléments ont des résonances mystiques. "Le monde physique repose sur un monde plus complexe", énonce l'un des protagonistes. Comme dans Quand les bêtes meurent, le court-métrage précédent de Sofia Alaoui, qui lui a servi de pilote, la mise en scène immerge le spectateur dans une réalité où affleure le surnaturel. Le poids des traditions, des communautés différentes, de la richesse, de la religion, de la foi même, semble écraser les êtres et surtout Itto. Elle part errer comme une âme en peine, en quête de sa place, de sa liberté. Au milieu de la nature, des événements qui surviennent, elle semble se retrouver. "C'est le parcours aussi d'une jeune femme qui va enlever les masques au fur et à mesure qu'elle avait pour finalement se dévoiler telle qu'elle est réellement", estime la réalisatrice.



Le montage fluide happe le spectateur dans une ambiance onirique. Au huis clos de la famille riche et guindée, s'oppose la grandeur du monde, vaste, mystérieux. Aux plans serrés qui suggèrent l'oppression, succèdent des plans larges qui restituent l'immensité de l'environnement. Un territoire où les animaux, le ciel, l'univers incitent à l'humilité des hommes qui se croient puissants. "C'est un film qui va peu à peu vers le dépouillement, notamment à l'image. Les premières et dernières images du film incarnent l'évolution de ce qui se perd et ce qui se gagne à travers cette crise qu'affrontent mes personnages", relève la cinéaste, usant d'un choc pour remettre les choses à leur place, gagner en humanité.
Sofia Alaoui signe ainsi une fable onirique, développée avec mesure. Elle est relayée par les acteurs soigneusement choisis. Itto est jouée par Oumaïma Barid, une débutante qui est une révélation, découverte par la réalisatrice. D'abord fragile puis aguerrie, elle s'impose avec force face à Mehdi Dehbi qui campe son mari. Cet acteur belge, d'origine tunisienne, s'est fait remarquer récemment dans La Conspiration du Caire de Tarek Salah. A leur côté, on retrouve Fouad Oughaou, déjà employé dans Quand les bêtes meurent, incarnant un convoyeur énigmatique. Tous contribuent à l'impact de Animalia, une production française, secondée par le Maroc.

Le titre est signifiant par rapport au projet de Sofia Aloaui. "Animalia ça vient de Anima en latin qui veut dire âme, en grec ancien psyché, souffle, en hébreu Nèphèsh, respirer. L'âme, le souffle, c'est la vie d'une créature ou ce qui donne vie à un être humain, un animal, ou un végétal", commente la cinéaste. Elle propose ainsi une réflexion métaphorique où l'image prend une signification particulière, avec le désir de "donner du sens aux choses, au cadre, aux décors, que chaque plan ne soit pas juste improvisé mais qu'il y ait un sens caché à celui qui aimerait comprendre."
Animalia suggère alors, au-delà de son histoire fantastique, une remise en cause de la pensée en vigueur, de la norme marocaine. "J'ai voulu confronter le Maroc et le monde plus largement à une fin du monde qui offrirait une sorte de nouveau départ", souffle Sofia Alaoui. Une proposition pour régénérer le sens des images dans un pays où le naturalisme est sacralisé, et le surnaturel sous-exploité.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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