Pourquoi met-on encore la lumière sur des personnes qui ne manquent pas d'éclairage ? Le Festival Dakar court nous l'apprend : le dynamisme est une couleur et tous les festivaliers de Dakar court 2022 sont des couleurs.
Karidja TOURÉ est une actrice et mannequin française.
Pour la 5ème édition du festival Dakar court (5-10 décembre 2022), elle fait jaillir sa lumière au sein du jury de la compétition officielle, présidé par le cinéaste tchadien Mahamat Saleh Haroun. ENTRETIEN mené à Dakar.
Son instagram : https://www.instagram.com/karidjatoure/
Comment le travail se passe avec les autres membres du jury de la compétition officielle ?
Le travail se passe bien. Nous avons hier, regardé sept courts métrages. Pour leurs analyses, avec le président du jury, Mahamat Saleh Haroun, un débriefing a été fait juste après. Je remarque que nous sommes sur la même longueur d'onde. Je vous informe aussi qu'avec le président du jury, les échanges sont très fluides.
Que pensez-vous apporter de plus dans ce jury ?
La diversité culturelle que constitue ce jury est déjà un plus en général. Halima Gadji est la deuxième actrice de ce jury. Elle évoluant plus en Afrique et moi à l'étranger, nous n'avons pas les mêmes expériences et le même œil. J'apporte mon expertise dans une synergie complémentaire sans doute.
Vous renvoyez l'allure d'une personne timide, que répondez-vous à ça ?
C'est vrai. Je ne dirais pas le contraire. Je ne suis pas tout le temps à l'aise pour ce qui est de parler en public. Je peux être calme, timide. Mais c'est aussi circonstanciel.
Pour lutter contre la discrimination vous aviez participé à l'écriture de l'ouvrage "Noire n'est pas mon métier". Cela a-t-il changé quelque chose dans la position de l'actrice noire évoluant en Occident aujourd'hui ?
Ecrire ce livre avec Aïssa Maïga, c'est comme ouvrir les cerveaux. Il s'agit d'éveiller les consciences. Quand on est une actrice française noire, il est difficile d'émerger. Les rôles de second choix nous sont destinés. En vérité, je trouve que ce système n'a pas disparu. Je constate par contre, que ça change petitement dans le bon sens à force d'en parler et de se révolter.
Je suis heureuse de faire ce métier. Et si je persiste, c'est parce que j'ai envie d'ouvrir les portes à d'autres personnes. Quand j'ai commencé au cinéma, le seul modèle d'actrice que j'avais c'était Aïssa Maïga. Je n'en connaissais pas vraiment d'autres. Des jeunes aussi vont se référer à moi et ils doivent s'armer pour la lutte.
Pouvez-vous illustrer les choses qui ont changé et celles qui n'ont pas changé ?
Je pense à Sonia Rolland qui a été choisie pour jouer dans un long métrage en tant que femme de ménage. Plusieurs questions ont été soulevées dans le cadre de ce tournage, vu le rôle cliché qu'elle devait jouer. Elles ont été prises en compte par le réalisateur et son rôle a changé. Je trouve que c'était déjà un petit changement.
Après, je pense que les choses se feront au fur et à mesure. Un jour, sur un casting, l'actrice principale qui était blanche de couleur ne pouvait plus jouer le rôle. Ils ont alors ré-ouvert le casting car ils voulaient voir plus de filles. Ils m'ont mis sur le casting et m'ont finalement choisie. Pourquoi ne m'ont-ils pas mis sur le casting dès le début ? Pourquoi a-t-il fallu qu'ils soient en détresse pour ouvrir le casting à plus de monde ? Ce sont des questions que je me pose. Si on passe un casting, c'est qu'on a envie de le passer parce qu'on est jeune et non parce qu'on est Noire ou Blanche.
Comment avez-vous vécu les contraintes, pour vous lancer en tant qu'actrice ?
Je n'ai pas eu vraiment des contraintes parce que j'ai commencé avec un producteur. C'était mon premier rôle et c'était par hasard. Ce n'est pas une chose où je me disais que j'avais eu trop envie d'être actrice et que je m'étais fait rejeter. J'ai eu de la chance.
Après ça il faut perdurer, et maintenant il y a mon agent qui m'aide aussi pour choisir les bons rôles. Car on continue de nous offrir des rôles où il faut être une fille de banlieue ou bien la Renoie ["Noire", en verlan, NDLR] de service.
Pensez-vous que le film Ima vous a révélée ?
En Afrique, oui. Je sais que ça a bien marché ici. Depuis Ima, je reçois beaucoup de messages et je constate qu'ils sont accrochés. Sinon, le film qui m'a révélé dans ma carrière d'actrice de cinéma c'est Bande de filles [réalisé par Céline Sciamma, Cannes 2014, NDLR].
Propos recueillis par
Marie-Andréa ADJAKPA (Bénin) et Khadija Wassaba KEÏTA (Sénégal)
Article rédigé dans le cadre de l'Atelier Dakar Court 2022 / FACC.
Un atelier de formation en critique cinématographique dirigé par Olivier Barlet et Baba Diop, organisé à l'occasion de la 5è édition du Festival de Dakar Court (05-10 Décembre 2022) par l'Association Cinemarekk et la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC, Dakar), avec le soutien de Vivendi Create Joy.
