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NOUS, ÉTUDIANTS ! Le quotidien des étudiants en Centrafrique
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 12/11/2023
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Rafiki FARIALA, réalisateur congolais vivant en Centrafrique
Rafiki FARIALA, réalisateur congolais vivant en Centrafrique
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !
Scène du film NOUS, ÉTUDIANTS !

LM Documentaire de Rafiki Fariala, République centrafricaine, RDC, France, Arabie saoudite, 2022
Sortie France : 15 novembre 2023 (Jour2Fête Distribution).

La production centrafricaine est encore embryonnaire. Aussi Rafiki Fariala a fait impression au Panorama de la Berlinale 2022 avec son premier long-métrage, Nous, étudiants ! Ce documentaire, lancé comme un cri d'alerte, témoigne d'un jalon dans le parcours du cinéaste. Né en RDC de parents ayant fui la guerre pour s'installer en République centrafricaine, Rafiki Fariala a le statut de réfugié. D'abord attiré par la musique, le chant, il s'intéresse au 7ème art lorsque les Ateliers Varan qui organisent des formations documentaires dans certains pays d'Afrique, retiennent 10 personnes sur 175 candidats, pour apprendre la réalisation.
Rafiki Fariala, sélectionné, tourne ainsi son premier film court, Mbi na Mo (Toi et moi), 2017, retraçant le sort d'un jeune chauffeur de taxi moto, blessé par un accident, ce qui compromet ses revenus alors que sa femme est enceinte. Enthousiasmé par l'expérience, le cinéaste décide alors de dénoncer les problèmes qu'il éprouve en tant qu'étudiant. Il approche ses compagnons d'études et engage Nous, étudiants !, un documentaire qu'il écrit et filme lui-même, en immersion.



Le film témoigne du quotidien des étudiants à l'université publique de Bangui, la seule du genre en Centrafrique puisque les autres établissements sont privés. Rafiki Fariala suit des études en économie et filme ses compagnons. Nestor est brillant et persévérant mais sans appui, il est capable d'échouer à l'examen. Aaron se lance dans une relation amoureuse compliquée en suivant ses études. Benjamin cherche lui aussi à avoir son diplôme. Peu à peu, on distingue les motivations de chacun, ses rêves, ses efforts, ses limites pour réussir.
Car les professeurs ne sont pas toujours là, et il est bon de payer pour défendre ses dossiers. Il faut aussi éviter de fréquenter les filles qui sont la chasse gardée des enseignants. La caméra capte les chambres d'étudiants exigües et peu salubres, les salles de classe chargées, la décrépitude du système, la corruption qui gangrène l'enseignement et compromet l'avenir. Ainsi Nestor peut échouer et travailler au marché à la sauvette pour continuer ses études, Aaron se mettre en couple et s'occuper de son champs pour subvenir aux besoins de ses filles jumelles, Benjamin faire l'agent de sécurité malgré le diplôme.

Rafiki Fariala pointe sa désillusion entre l'extérieur du campus qui impressionne avec ses bâtiments, et ce qu'il en est à l'intérieur : "Je me suis rendu compte que les professeurs étaient presque toujours absents, que les étudiants s'endormaient pendant les cours, que les copies disparaissaient, les garçons ne pouvaient pas s'approcher des belles filles, les filles ne pouvaient pas avancer à cause des professeurs". Il entreprend alors de filmer ses trois amis comme le symbole de la jeunesse du pays, en demandant : "Si je ne parle pas de nous, qui le fera ? Est-ce qu'il faudra attendre que cette jeunesse soit corrompue comme les vieux ?" Pour répondre, il valorise des personnages volontaires en profitant de sa proximité pour exposer leurs sentiments.
Le réalisateur n'hésite pas à se mettre en scène lorsqu'il est interpellé par ses amis, parfois agacés de le voir filmer : "Toi tu avances, tu réussis, quand est ce que le film va finir ?". Des blocages qui peuvent se résoudre par le dialogue selon Rafiki Fariala : "Il a fallu parler, s'expliquer, et on a pu se comprendre et continuer. Cela a renforcé notre lien". Leur complicité irrigue le film entre confidences et révoltes, rires et larmes. Le cinéaste tente de construire un récit solide en bénéficiant des techniques du cinéma comme il le déclare : "Je mets en scène mes personnages tout en leur laissant la liberté de rester eux mêmes. C'est évidemment un film documentaire mais il y a des scènes de fiction." Des séquences au commissariat, sur le marché restituent les problèmes vécus.

La motivation de Rafiki Fariala lui a permis d'obtenir l'autorisation de filmer à l'intérieur de l'université après quatre mois de négociations ardues avec le recteur qu'il a été difficile de rencontrer. Car l'institution, consciente de ses dysfonctionnements, de la corruption ambiante, préserve son image. Le cinéaste implique les professeurs les plus ouverts dans son projet, en précisant : "Je leur laissais faire ce qu'ils voulaient. Je leur expliquais ce qu'ils pouvaient dire". On assiste ainsi à un cours où un enseignant tient un discours social, à tendance marxiste, avant d'inciter les étudiants à l'individualisme pour réussir.
Le sort des amis de Fariala est révélateur du système universitaire comme il le reconnaît : "Si on ne paye pas, les dossiers sont jetés à la poubelle et on n'est pas retenus. C'est ce qui arrive à mes personnages, ils n'ont pas de réseau, ils n'ont personne, donc leur diplôme ne sert à rien." Les étudiants sont alors forcés de travailler par eux-mêmes faute de professeurs compétents. Certains ont acheté leur titre, ou préfèrent officier dans le privé où ils sont mieux payés. Le sort des filles, convoités par les professeurs, est encore pire selon le cinéaste car "celles de l'université leur appartiennent."



Nous, étudiants ! s'affirme pourtant comme un film tonique qui valorise l'effort pour s'en sortir malgré l'environnement pesant. Des chansons en voix-off, égrenées doucement, appuient certaines situations en mettant en valeur les émotions. La détermination de la jeunesse claque comme un étendard sur le campus de Bangui. Rafiki Fariala cherche à offrir à son pays d'accueil, des images dignes pour faire réfléchir, en avouant : "J'adore filmer. Quand je tiens la caméra je me laisse emporter, je vois les choses d'une autre manière."

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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