AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 019 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
AUGURE. Des malédictions congolaises
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 27/11/2023
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Baloji, réalisateur congolais-belge de AUGURE
Baloji, réalisateur congolais-belge de AUGURE
Scène du film AUGURE
Scène du film AUGURE
Scène du film AUGURE
Scène du film AUGURE
Scène du film AUGURE
Scène du film AUGURE
Scène du film AUGURE
Scène du film AUGURE
Scène du film AUGURE
Scène du film AUGURE
Scène du film AUGURE
Scène du film AUGURE

LM Fiction de Baloji, Belgique / Pays Bas / RDC / France /Allemagne / Afrique du Sud, 2023
Sortie France : 29 novembre 2023
Distribution (France) : Pan Distribution

C'est la première fois qu'une fiction congolaise est retenue en sélection au Festival de Cannes. Augure figure dans la section Un certain regard en 2023. On doit cette présence conquérante à Baloji, connu comme rappeur et performeur, révélé au début des années 2000 au sein du groupe Starflam. Depuis, l'artiste né en RDC, basé en Belgique, a réalisé des clips, des films courts, tournés dans son pays d'origine.
Il investit les salles de cinéma avec son premier long-métrage, Augure. C'est une production pilotée de Belgique où vit Baloji, avec le concours des Pays Bas, de la RDC, la France, l'Allemagne et l'Afrique du Sud. Des moyens conséquents ont été mobilisés pour une histoire tournée sur plus de trois semaines dans une vingtaine de lieux différents.



Koffi revient à Lubumbashi, ville qu'il a quittée il y a plus de 15 ans, après avoir été rejeté par sa mère qui l'a considéré comme un "zabolo", un sorcier doté de pouvoirs négatifs. Lorsqu'il arrive, flanquée de sa compagne belge, Alice, qui est enceinte, il n'est pas bien accueilli par sa famille. Koffi veut s'acquitter de sa dot et se marier mais tout le monde se méfie de lui et il doit affronter les préjugés de sa communauté.
Le récit s'articule autour de quatre personnages considérés comme sorciers dont Koffi. Ils s'efforcent de trouver le moyen de s'entendre pour échapper à la marginalisation qui les indexe. Les destins se croisent, la tension monte. La République Démocratique du Congo est le reflet d'une Afrique fantasmagorique, poussée par le réalisateur.

Augure combine ainsi une vision rationaliste, héritée de l'Occident, avec la spiritualité africaine, ses rituels, ses croyances. Les protagonistes imprégnés de leurs valeurs, se confrontent dans une atmosphère qui oscille entre le drame et l'ironie mordante. La société est marquée par le patriarcat, l'omniprésence de la sorcellerie, les trafics, la survie.
On y sent aussi les échos des massacres qui ont saigné le Congo via les guerres fratricides internes ou celles des pays voisins, avec les enfants soldats. Les femmes essaient de concilier les traditions, l'éducation avec un vif désir d'émancipation. L'une des voies est le renoncement à la famille, l'exil qui attire les jeunes Congolais, avides de fuir les rues sales.

Baloji engage plusieurs récits pour constituer Augure, écrit avec Thomas van Zuylen. Il y a les traumas de Koffi, suspecté de sorcellerie à cause de ses hémorragies nasales. On traite du sort de son père qui travaille dans la mine, du destin de sa sœur qui fréquente un Sud-africain. Et puis il y a la femme de Koffi, enceinte, transplantée en milieu hostile au Congo. Ces récits se mêlent, se croisent jusqu'à égarer le spectateur qui en recherche les liens concrets.
Le réalisateur s'emploie résolument à revivifier les codes du cinéma, avec ses influences culturelles métissées. Une aspiration qui ouvre le film à l'international. Le sujet a été engagé en 2018, après le décès de son père. Ecrit en deux mois, le film est étroitement lié à la musique que Baloji compose. "J'ai réalisé une bande originale en quatre albums écrits du point de vue des quatre personnages principaux du film", confie-t-il.

"Cet exercice a changé la façon dont j'appréhende la question du point de vue dans l'écriture", explique le cinéaste. "Ce fut un formidable exercice d'empathie, surtout pour les disques des personnages féminins." Les partitions, au final peu présentes dans le film, inspirent les comédiens comme l'explique Baloji : "Je fais de la synesthésie : association sensorielle, perception de couleurs en réponse à des sons. Elles m'ont aidé dans les choix des décors, les costumes et de façon générale dans la mise en scène et mon travail avec le chef opérateur."
Le film est interprété par Marc Zinga, né à Likasi, installé en Belgique, qui est Koffi, et Lucie Debay, né en France et active en Belgique, qui joue Alice. "Marc Zinga et Lucie Debay forment une espèce de couple bicéphale à l'écran, où l'un termine les phrases de l'autre", commente Baloji. Il emploie aussi Yves-Marima, une Ivoirienne, et Eliane Umuhire, une Rwandaise, comme pour faire un pied de nez aux tensions politiques entre la RDC et le Rwanda.

Le réalisateur affirme : "Il faut laisser les acteurs occuper l'espace". Alors, en composant une fiction hybride, ancrée dans Lubumbashi mais aussi dans les émotions issues de Belgique, Augure mêle le français, le swahili, le lingala et l'anglais. Il s'offre comme une performance visuelle, scandée par des destins qui s'entrechoquent. Un film asséné comme un patchwork de rap, genre où excelle l'esprit vif de Baloji, jusqu'à brouiller les pistes.

vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés