Au moment où les bombes de l'armée israélienne détruisent les habitations et arrachent les vies par milliers sur la Bande de Gaza, "The Teacher" a laissé sur les écrans du Red Sea International Film Festival, à Djeddah (30 novembre - 09 décembre) une impression lourde de sens. C'est un long-métrage touchant, d'une durée de 118 minutes, dépouillé de sentiments d'héroïsme. Le film est, au contraire, sauvé des excès d'un scénario vengeresse. Il est comme un long chant laudatif mué en appel à l'endurance face à une souffrance portée par une injustice alliée à l'indifférence. Réalisé par Farah Nabulsi, il était dans la catégorie Red Sea Competition.
Tourné en grande partie à Gaza - prouesse cinématographique, pourrait-on dire - il est un sinistre témoignage de la longue souffrance des Palestiniens. Le charisme du personnage principal incarné par Saleh Bakri (Salem) - Prix du Meilleur Acteur à Red Sea 2023 -, apporte toutes les garanties à l'intrigue du film et à sa tonalité faussement brusque. Lorsque la maison d'un de ses brillants élèves et voisins allait être détruite par les engins de l'armée d'occupation, sous le regard désespéré d'une mère aux larmes, il se présentera comme l'unique sauveur de ce qui reste comme espoir d'un autre lendemain. Canalisant la colère de ceux-ci, en ouvrant les brèches d'une reconstitution émotionnelle par le recentrage en soi ; il apparait ainsi en guide pour de jeunes gens enivrés de sentiments de représailles.
Mais le paradoxe en tout fut cette capacité d'apparaitre sous un double personnage : il est aussi le "Teacher" ("le Professeur" en anglais, d'où le titre) qui a l'intelligence de maintenir habilement le cordon ombilical avec la résistance dont l'un des membres, le vendeur de fruits du coin, et lui trouvent l'astuce ingénieuse d'échanger des informations utiles sur de bouts de papiers glissés dans les sachets en plastique, servant d'emballage après achat.
Dans le scénario, le souci de ‘'rejouer'' la scène infiniment répétée dans le temps par d'autres, celle de ce rapport cruel entre colons et populations palestiniennes, est pris en compte. Un jeune sera tué par l'un des premiers cités. Et quand le tribunal du plus fort s'en mêle, ça prend tous les contours d'une mascarade que la tentation de la vengeance guette. Adam, jeune frère de la victime, veut laver le déshonneur causé par la mort, l'emprisonnement arbitraire de ses frères de lutte, malgré les arguments valables d'un avocat déterminé. Salem a cherché à l'en empêcher. Lui qui pourtant devient le geôlier d'un soldat israélien disparu que ses parents cherchent désespérément.
Il est aussi dans ce film le personnage au jeu d'acteur juste, Lisa, la volontaire britannique dont s'éprend finalement The Teacher. Son engagement aux côtés des opprimés donne plus de légitimité et d'espace à ce dernier. Leur duo devant la caméra contribuera à porter le message véhiculé par le réalisateur dans cette situation de chaos. Et aussi à donner au film une générosité scénique incroyable.
Bassirou NIANG
