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THE ABSENCE OF EDEN. De l'esthétique sur de l'inhumanisme
RED SEA IFF 2023
critique
rédigé par
publié le 18/12/2023
Bassirou NIANG, Rédacteur (Dakar) à AFRICINÉ MAGAZINE, correspondant spécial à Djeddah
Bassirou NIANG, Rédacteur (Dakar) à AFRICINÉ MAGAZINE, correspondant spécial à Djeddah
Marco PEREGO, réalisateur italien
Marco PEREGO, réalisateur italien

L'univers impitoyable faisant se croiser les extrémités les plus repoussantes liées à la recherche de gain par l'écrasement de l'humain et de toute compassion, semble être le revêtement cynique qui couvre " The Absence of Eden ", un long-métrage d'une durée de 85 mn, réalisé par Marco Perego et Michelle Rodriguez, en 2023, projeté le 02 décembre 2023, lors du Festival International de la Mer Rouge (Red Sea International Film Festival) qui a lieu à Djeddah du 29 novembre au 10 décembre.

Loin des cadres humanistes et esthétiquement séduisant par ses plans larges et cinématographiquement parlants, ce film nous plonge dans ce qu'il y a de plus crasseux chez les cartels qui cherchent leur gagne-pain dans le trafic d'humains.
La frontière mexico-américaine, point de chute des caméras, nous donne à voir l'histoire d'une immigrée mexicaine qui tente de sauver sa peau face aux hommes des cartels. L'intrigue, caractérisée par ces intenses moments révulsifs entre un homme qui incarne la loi et une femme décalée de tout ce que celle-ci exige, sur fond d'un amour brûlant, donne au film une tonalité forte.



Dans un choix esthétique en tout séduisant, les plans sur la marche clandestine de ces groupes de migrants illégaux qui cherchent à traverser la frontière américaine, exploités par les " coyotes ", en disent long, d'une part, sur l'enfer fait d'hésitations, de peur, de violences, d'enlèvements forcés, et, d'autre part, sur la crainte à l'égard des policiers armés tendant leurs filets pour piéger trafiquants et candidats illégaux à l'immigration. Cette végétation austère, avec ses montagnes de pierres sans vie, semble en être la métaphore la plus ardente : des sortes de crevasses se relient à des élévations muettes, sécheresse d'une condition humaine lamentable. Elle est parfois régie par les armes. Lorsque la caméra suit dans un déplacement latéral les premières scènes de marche des immigrants illégaux, l'on sent vite une volonté de mise en perspective réelle chez le réalisateur. Qu'une histoire se déroule dans un temps de souffrance.

Le réalisateur a réussi habilement à coller à celle-ci la géographie des lieux, sur fond d'une musique fendant les sensibilités. Et sans doute, l'adoption du travelling et aussi de la contre-plongée sont un regard fixe sur le parcours sinueux des pauvres candidats.
Sur la scène, le personnage qui incarne la loi, se retrouve déchiré entre les remarques d'un collègue sans sentimentalisme et les mots d'une femme avec qui elle partage des scènes d'amour envoûtantes. Le dilemme fait progresser l'histoire du film vers une longue parenthèse de violence. Les armes comme piédestal du respect de la loi. L'héroïne semble prolonger en film son histoire réelle, celle de sa famille qui a émigré aux Etats-Unis, laissant derrière elle sa terre natale, la République Dominicaine. Comme si elle était dans une démarche de témoignage à travers un rôle brillamment incarné.
THE ABSENCE OF EDEN dit autrement par la caméra ce que de longues heures de pellicule ont tenté depuis des décennies de rendre visible, en perçant le camouflage de la réalité. Tout réapparait à la surface comme preuve vivante de la vanité collée aux existences : la seule chose qui compte, c'est l'appât du gain, et aussi la liberté. Cette liberté n'en est qu'une illusion lointaine, pourchassée dans la peine et parfois, avec une déception à l'arrivée. A la fin, toutes les vies sont faites d'écartèlement dans ce long-métrage, les destins hypothéqués se cherchant un sens qui permet de s'accrocher. Le réalisme finit par se mêler non pas à de l'humanisme, mais à l'acceptation de la réalité toute brute sur cette envie - ténébreuse ou éclairée, peu importe - de se réinventer à tout prix, quel que soit le camp auquel l'on appartient.

Bassirou NIANG

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