Pour ce deuxième long métrage fiction présenté en compétition Encounters de la Berlinale, Mamadou Dia (Le Père de Nafi - Baamnum Nafi, 2019) retourne dans sa ville natale Matam dans le Nord du Sénégal pour y dépeindre le portrait d'un père veuf tourmenté et désarmé suite à la disparition de sa défunte épouse.
Demba (Ben Mahmoud Mbow) un père et veuf est au bord de la retraite après avoir dévoué 30 ans de loyaux services dans la mairie de sa ville. Deux ans après le décès de sa femme, il ne s'en remet pas et son état de santé mental s'aggrave de plus en plus. Son entourage, inquiet, tente désespérément de l'aider à outrepasser son mal. Demba va devoir reconnecter avec sa communauté et en particulier avec son fils unique.
"C'est un film qui est très personnel pour moi, parce qu'il parle de deuil, de perte d'un être aimé et de quelque chose qui m'est arrivé lorsque j'avais 13 ans", explique Mamadou Dia au public berlinois suite à la Première mondiale. "Grâce à des séances de thérapie que j'ai commencé à suivre durant le Covid, (NDLR - le réalisateur vit depuis aux États-Unis), je me suis rendu compte que j'étais dépressif quand j'étais adolescent et que je n'en avais aucune idée", confie-t-il. "Parce que dans ma culture, ce mot n'existe pas."
Le film ouvre donc sur une question : comment gère-t-on quelque chose qui n'a pas de nom ? Ce film explore comment un homme d'un âge moyen vit sa vie, sa dépression, son deuil tout en ne sachant pas quoi faire. Comment traiter une pathologie qu'on ne nomme pas ?
Profondément marqué par la disparition de sa mère, n'ayant ni pleuré, ni été réconforté, Dia se souvient lui-même avoir vécu durant plusieurs années dans le déni de la disparition. "Cela a beaucoup impacté ma vision du monde et du travail jusqu'à aujourd'hui", dit-il.
En s'inspirant de sa propre expérience, Mamadou Dia nous entraine dans un long récit provocant nous rendant impuissant.e.s devant la descente en enfer de Demba, magnifiquement interprété par Ben Mahmoud Mbow que Dia avait déjà dirigé dans son précédent film.
La plupart des personnages secondaires - Awa Djiga Kane, Aïcha Talla et Mamadou Sylla - sont aussi déjà apparus dans Baamnum Nafi, alors que tous les autres comédiens et comédiennes non professionnel.l.es. sont en réalité habitants de la région Matam où le film a été entièrement tourné.
par Djia Mambu
