Au-delà du choc initial rencontré par le héros, de la dépression et surtout du double homicide commis à "Tropical..." pour lequel Tundé (le héros) est arrêté au début du film, des thématiques délicates sont abordées sous un angle de portraits croisés par le réalisateur Gérard Désiré Nguele. Destiny traite tour à tour de: la responsabilité, du don de soi, de la loyauté et surtout de la patience et la justice.
Sous les oripeaux des personnages de Destinée, le fils prodigue, et le héros, Tundé, le film enveloppe tous ces thèmes. Il nous gratifie également de bons moments cinématographiques par les scènes de l'église et celle au tribunal.



On peut passer sur quelques approximations et certains moments invraisemblables, comme le jus d'orange dans un verre de champagne. Il y a aussi le passage soudain à un ton occidentalisé pour signifier un changement de statut social, qui pourrait être mieux exprimé par une attitude locale de "BobOO" (haut statut social) comme on le dit au "Mboa" [" Le Cameroun ", en argot, ndlr].
Quelques facilités narratives sont également observables dans ce drame telles que l'oncle (Makosso) qui remet un élément clé à Jonas. Il y a aussi le fils Destiné qui, sous forme d'ellipse,transmet à la police une vidéo importante..
Sur un plan narratif, le film aurait gagné à mieux agencer les trois grandes thématiques soulevées de façon à en constituer une trame unique. Il reste, comme son héros, partagé entre différents univers narratifs. De plus, les choix de caméras et surtout les angles de prises de vues pourraient être améliorés dans certaines scènes d'extérieur. Le mixage (sons ambiants extérieurs sur la première partie) serait à peaufiner.
Toutefois, le film excelle dans des choix de décors adaptés et propices aux différentes situations montrées. Les costumes valorisent la beauté locale et nos vêtements.. Ils sont élégants et adaptés aux rôles et morphologies des acteurs. Par exemple, la scène de réception de Jonas et son épouse dans leur villa cossue, avec le prestige visuel des invités et convives réunis.

Le réalisateur va puiser dans la diversité culturelle camerounaise jusque dans ses profondeurs, comme la rencontre de Toundé avec l'Akom Mbah (sorte de démiurge, dans la culture bétie), tout en promouvant la "grandeur" des Ekangs (le peuple Fang, ndlr). Le discours en langue ewondo et les conseils que l'Akom Mbah, ce garant des traditions, donnera à Tundé sont d'une importance capitale, dans ce processus continue de respect des chaînes de valeurs culturelles africaines.
Ainsi, le choix est quasiment partout pour Tundé : celui de s' enivrer pour fuir la réalité qui le hante ou sa dépression, celui de se laisser écraser par un train, celui faire accoucher son ex fiancée Moli malgré lui, celui de repartir en prison pour éviter à son ami Jonas de s'y retrouver. Enfin, celui de recommencer sa vie avec une ex prostituée et continuer à vivre.
De beaux moments très esthétiques (plans de lunes et ceux de fenêtre sur cour à la Edward Hopper) viennent nous conforter sur la plastique intéressante du film.
La progression de Tundé dans le jeu et sa détermination qui crèvent l'écran sont à souligner, bien qu'une marge de progression dudit héros soit encore nécessaire. La justesse du jeu de l'actrice incarnant Moli [Jeannine Biloa, ndlr], la copine de Tundé devenue femme de Jonas son ami, est aussi à relever et encore plus remarquable la prestation celle du vieux Matis qui décédera dans le film.
La Destinée ou "Destiny" est donc un choix à faire parmi une multitude de possibilités; d' où le point moralisateur et judicieux du film. La valeur des mots confiance et justice laissent une note d'espoir dan un environnement souvent morose où tout semble lié à un intérêt quelconque.

En conclusive, le choix difficile de Gérard Désiré Nguéle aura été de trancher parmi les trois grandes préoccupations qu'il soulève. Finalement, il penchera pour une orientation efficace : prôner la loyauté, la patience et remettre l'humain au centre des échanges et relations sociales.

John MBAPOU