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REF SEA IFF 2023 - FOUR DAUGHTERS (LES FILLES D'OLFA) de Kaouther Ben Hania 
De l'inimitié des destins (familiaux) !
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 04/03/2024
La réalisatrice tunisienne Kaouther BEN HANIA, avec son Lumière du Meilleur Documentaire 2024 (Ph: Aurore Maréchal)
La réalisatrice tunisienne Kaouther BEN HANIA, avec son Lumière du Meilleur Documentaire 2024 (Ph: Aurore Maréchal)

Il a fait sa Première mondiale lors de la 76e édition du Festival de Cannes, où il remporta le Prix de l'OEil du meilleur documentaire. Prix du meilleur long-métrage documentaire lors de la 33e édition des Gotham Awards, représentant de la Tunisie aux Oscars, le film a remporté le César 2024 du Meilleur Documentaire après le Lumière 2024 (décerné par la presse internationale en France). Four Daughters - Les Filles d'Olfa (110', réalisé en 2023), est un documentaire d'un récit palpitant, tombé hors champ des attentes qui l'espéraient complaisant !

Additionner le drame, le documentaire et la fiction pour rendre percutante une histoire au contenu sans doute familier, mais dont la réception la graverait pour longtemps dans les mémoires. C'est la pièce artistique modelée pour le cinéma par la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania à travers Four Daughters, présenté lors de la troisième édition du Red Sea IFF (2023), à Djeddah, qui s'est déroulé du 30 novembre au 09 décembre, après un passage applaudi à Cannes. 



L'univers d'une mère entourée de ses quatre filles se grippe de la soudaineté d'un destin enfermé dans une spirale de surprises déconcertantes. Le choix du plan rapproché à merveille, le jeu d'épanchement des personnages (quasi exclusivement féminins), entrecoupé de rires, de refoulement d'une culpabilité refusée de part et d'autre, de larmes rendant vibrante toute la force du scénario auquel Kaouther a elle-même a participé à l'écriture, sont autant de balises pour une lecture cinématographique froide et réfléchie. 

Le casting colle bien aux intentions de la réalisatrice, tant est que les actrices se laissent phagocyter par leurs personnages-témoins. Les va-et-vient du langage de la mémoire et des sentiments troubles épouse des formes multiples tout au long du récit. Chaque personnage va à la recherche de la mémoire qui rode, dans une atmosphère pesante, avec des reflets de miroir les plus brûlants les uns que les autres.

Même réunies dans l'unicité d'un lieu (décors de Bessem Marzouk), à entendre les récits occupant les scènes, le sentiment de destins individuels (séparés) tonne dans la perception du spectateur, tant l'habitude du rire familial s'y trouve camouflée, dans une relecture de distance du récit, par les transitions brutes des personnages. 

L'absence en sera justement le triste clignotant d'un échec relié au sens de l'existence. Cette absence-disparition de deux de ses filles, muée en recherche de ce sens perçu comme disparu, est aux yeux d'une mère (incarnée par Olfa Hamrouni), la vanité d'une réalité qui blesse sous le vocable daesch. 

Kaouther Ben Hania recentre les émotions non seulement au cœur des discours croisés mais aussi dans cette douleur entraînée dans le faux rire, les larmes écrasées, le silence si souvent absent et pourtant si présent. Les costumes (réalisés par Anissa Ghelala) et leur couleur unique, le noir, en sont les illustrations déchirantes surtout quand l'écho d'outre-tombe de la perte de l'une des filles, retombe dans le cocon familial. Désespoir abîmé ! Chemins d'un oubli thérapeutique inexistant ! Comme si le temps lui-même était hors cadre. 

Four Daughters recadre la vision quasi-unanime portée sur les déchirements familiaux à la fois consécutifs des engagements personnels pour des causes ignobles et de l'habitude de la violence "sacralisée", dans un monde engagé sur les chemins des extrémités de pensées et d'actions qui font vaciller les certitudes.

Bassirou NIANG

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