Après avoir travaillé comme metteur en scène et acteur de théâtre, Faouzi Bensaïdi réalise son premier court métrage La Falaise. Il apparaît dans ses films et joue pour d'autres cinéastes. Cet artiste refuse le carcan du folklore et démontre, si besoin en est, que les Africains ont aussi des histoires à raconter. Son cinéma travaille à donner de l'épaisseur à la complexité de la nature humaine, avec toute la latitude que donne la caméra, la lumière et le cadre.
Se déroulant du 27 avril au 04 mai 2024, cette 29è édition du Festival International du Cinéma Méditerranéen de Tétouan - (FICMT 2024) lui rend un large hommage fort mérité.
Né à Meknès, au Maroc, le 14 mars 1967, Faouzi Bensaïdi fait ses études à l'Institut d'Art Dramatique et d'Animation Culturelle (ISADAC) de Rabat. Ensuite, il s'installe en 1995 à Paris (France) où il suivra une formation d'acteur au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique.
Il participe à plusieurs ateliers de théâtre à Rabat et exerce comme comédien de cinéma. Le Marocain a réalisé de nombreux courts métrages dont La Falaise (1999) qui rafle pas moins de 24 prix dans des festivals internationaux. Ce premier court métrage est suivi par plusieurs autres : Le Mur, primé à Cannes et Trajets primé à Venise.
Son premier long métrage Mille Mois déboule à la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2003 où il est doublement primé (Prix Le Premier Regard et Prix de la Jeunesse. Son second long métrage WWW - What a Wonderful World (2006) est sélectionné à Venice Days, Italie, et distribué à l'international. Mort à vendre, son troisième long métrage est sélectionné et primé à la 62ème Berlinale. Volubilis sera lui retenu à Venice Days, en 2017. En 2022, il livre à la suite Jours d'été et Déserts (sorti en France le 20 septembre 2023).
Un hommage spécial au FCMT 2024
"D'évidence, il exigeait de notre part un geste devant rester date marquante. Une première dans les annales des festivals nationaux " écrivent les programmateurs de l'évènement cinématographique marocain. Ils rappellent que cet artiste "élabore une oeuvre qui, marquée par la nature contrastée et subtile d'une thématique à multiples résonances sociétales et culturelles, n'a de cesse de s'affiner et de s'aiguiser en un regard éminemment cinématographique, vivace et toujours créatif. "
Pour cette 29ème édition, tous les treize films de Faouzi BENSAÏDI sont projetés, dont son (unique) documentaire Salle, une certaine idée du cinéma où notre collègue Mohamed Brakim (critique, Rabat) témoigne.
Le festival tétouanais de cette année offre également le tout dernier film de l'inventif cinéaste : Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ? (2024, France- Maroc, 8'35).
"En ces années-là…"
"Bientôt des gens jureront avoir vu Humphrey Bogart descendre un double scotch au bar et des cars de touristes stationneront devant. Ce serait fini de la légende. Mais peut-être "It's the beginning of beautiful friendship" ["Le début d'une belle amitié", en anglais, ndlr], mais peut-être est-ce le début d'une belle amitié…entre le cinéma et le Maroc", écrit Faouzi Bensaïdi, en 2004, à propos du célèbre film Casablanca (Michael Curtis, 1942), dans un texte intitulé "En ces années-là…". Son article a été publié dans la revue Wachma de l'Association des Ami(e)s du cinéma de Tétouan.
Ce témoignage, rare et dense, sert d'amorce au texte introductif de l'hommage rendu par le festival de Tétouan :
"Sans doute, est-ce là le pari depuis le début du parcours en 1999 avec La Falaise (1999) : tisser, retisser une relation entre liens (amitiés) et distances (inimitiés) par rapport au poids parfois lourd, handicapant de toute "légende", stéréotype ou "image sans mouvement" (Serge Daney). Depuis lors, s'ouvre la quête (enquête) incessante, insatiable, autour d'un espace temps tiers. Le titre arabe [du film] Déserts [2023, fiction, 160'
الثلت الخالي est "Tiers vide" [en français, ndlr]. Il traduirait cette quête (enquête) dans des lieux en transit, mi-lieux ou dé-territoires entre fiction et réel. Aujourd'hui, la rétrospective est d'autant plus opportune, pertinente qu'elle offre l'occasion de voir de près en courts et longs métrages, les répétitions variations d'une oeuvre ouverte participant à la construction d'un beau mausolée du souvenir au (du) pays cinéma. Telle une "architecture musicale" pour reprendre une formule énoncée par le même Faouzi Bensaïdi".
Réalisateur et scénariste certes, néanmoins acteur également et metteur en scène
Si l'homme est exceptionnel, Tétouan a fait le choix de se limiter au cinéaste. Ainsi, l'intégrale ne comprend pas les films où il figure (sauf quand il en est le réalisateur). Il a été très actif dans le théâtre, après sa formation à Rabat puis Paris.
Ainsi, Faouzi Bensaïdi a mis en scène plusieurs pièces de théâtre : L'OMBRE DU GUERRIER de Saâd Allah Wannous (1989), YERMA de F. G. Lorca (1991), BARTELET d'E. O'Neal (1992), L'ÉLÉPHANT de Saâd Allah Wannous (1993). Il faut aussi citer LA NOCE CHEZ LES PETITS BOURGEOIS de B. Brecht (1995, une pièce que le collectif tunisien Nouveau Théâtre a adapté au cinéma, sous le titre La Noce). Il y a aussi TAYR LEIL (1997).
Deux ans après, les planches sont un lieu trop étroit pour son talent : le cinéma lui tend les bras, avec bonheur. Il s'accomplit comme réalisateur dès 1999, sans céder à sa carrière d'acteur.
Il apparaît, entre autres, dans le long métrage de fiction de Jillali Ferhati, Tresses (2000). Il fait partie du casting principal de Loin d'André Téchiné, tourné au Maroc. Par ailleurs, aux côtés du cinéaste français, Faouzi Bensaïdi participe à l'écriture du scénario du film de Téchiné, avec Mehdi Ben Attia (outre la collaboration de Michel Alexandre pour les dialogues additionnels).
Il narre la vie de Serge, chauffeur routier. Son travail consiste à importer au Maroc des rouleaux de tissu et à exporter en France des vêtements de luxe. Il fait la traversée de l'Europe à l'Afrique. Il vient régulièrement à Tanger où il retrouve sa maîtresse Sarah et son ami Saïd. Cette fois, l'étape marocaine va durer trois jours. Pour la première fois, Serge va céder à la tentation du trafic de drogue. Il va également faire tout son possible pour reconquérir le coeur de Sarah qui ne veut plus le voir. C'est dans cet espoir qu'il utilise sans vergogne les services de Saïd.
C'est dire que sa filmographie d'acteur (hormis ceux qu'il a signés) est étoffée. Dans le désordre, il y a Saint-Laurent de Bertrand BONELLO (2014, Long métrage), précédé par Intime conviction de Rémy BURKEL (2012, Téléfilm. chaîne Arte).
Également, la Palme d'Or 2015 (Cannes) : Dheepan de Jacques Audiard. L'histoire suit un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille fuyant la guerre civile au Sri Lanka. Ils se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer. Dans les premiers rôles, on retrouve Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby, Vincent Rottiers, Faouzi Bensaïdi, Marc Zinga, Bass Dhem.
L'acteur figure dans le premier long métrage de deux réalisatrices.
L'une est Marocaine : Meryem Benm'Barek, avec Sofia (2018, aux côtés de Maha ALEMI, Lubna AZABAL, Sarah PERLES). C'est Sofia, 20 ans, vivant avec ses parents à Casablanca. Suite à un déni de grossesse, elle se retrouve dans l'illégalité en accouchant d'un bébé hors mariage. L'hôpital lui laisse 24h pour fournir les papiers du père de l'enfant avant d'alerter les autorités…
Sofia Djama est Algérienne. Dans Les Bienheureux (السعداء), elle nous amène à Alger, quelques années après la guerre civile des années 90. Amal et Samir ont décidé de fêter leur 20ème anniversaire de mariage au restaurant. Pendant leur trajet, tous deux évoquent leur(s) Algérie(s) : Amal, à travers la perte de ses illusions, Samir par la nécessité de s'en accommoder. Au même moment Fahim, leur fils, et des deux amis, Feriel et Réda, errent dans une Alger qui se referme peu à peu sur elle-même. Sami Bouajila, Nadia Kaci, Lyna Khoudri mènent le casting.
Thierno DIA