AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 009 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Courts métrages : les jeunes fourbissent leurs armes
critique
rédigé par Alain Roland Biozy
publié le 10/07/2005

Festival Ecrans Noirs du cinéma d'Afrique francophone (FENCAF, Yaoundé, Cameroun), 2005. Bulletin n°3.

Les courts métrages made in Cameroon donnent une idée du travail de formation des Ecrans Noirs, mais il reste du pain sur la planche.

Il faut entrer dans le cinéma en faisant des courts métrages : c'est la véritable école de cinéma. On y fait ses premières erreurs et il est clair que c'est le moment de se soumettre à la critique. Le fait qu'on débute n'est ainsi pas une excuse valable pour les loupés d'ordre technique et esthétiques liés à la pratique du 7ème art.

Le mérite de la programmation de courts métrages aux Ecrans Noirs, qui s'affirme de plus en plus comme un espace privilégié de formation, est justement de nous mettre en face de ces premiers travaux des jeunes réalisateurs, et de leur donner l'opportunité de bénéficier du regard critique de la critique institutionnelle et du spectateur.

La thématique variée qu'offre ce paysage du court métrage camerounais témoigne de la diversité des regards qu'ont ces jeunes sur la société qui leur sert de vivier.

A travers sa comédie sociale Le Cercle vicieux (26 minutes), Serge Alain NOA a décidé de poser en passant par l'humour un regard critique sur les travers nés du délabrement économique de sa société. On suit avec amusement le destin tragi-comique de ce demi-nain qui touche une indemnisation mais jouera les riches à ses dépends et ne peut ramener l'argent attendu par sa famille ni régler ses dettes. C'est par contre dans son rythme que le film fait problème : les plans durent trop longtemps pour nous permettre de rire vraiment, ils ne jouent pas assez de l'effet de surprise qui provoque le rire tandis que des expressions de visage appuyées annoncent déjà ce qui va se passer. Le montage a ainsi parfois pour effet de ralentir une action pourtant bien amorcée.

Lorenzo Mbiahou quant à lui a choisi de plonger avec son 26 minutes Aller Retour dans l'originalité d'un thème très longtemps tabou et délicat : l'homosexualité. Comment aborder un thème aussi grave dans une société où les discours sur les rapports naturels de sexualité entre l'homme et la femme sort à peine de son carcan ? Mais c'est là que Lorenzo fait la fine bouche. Son film prend position dans le dialogue : pourquoi condamner deux êtres qui s'aiment ? Mais sa caméra est si fixe et lointaine que le spectateur a du mal à rentrer dans le sujet. Il devient extérieur à la démonstration qui reste une affirmation de langage mais pas de cinéma, ce qui fut confirmé par la salle qui continua après le film à se moquer des homosexuels.

Lorenzo négocie avec intérêt la gestion des espaces intérieurs : couloirs, perspectives, profondeur de champ mais parvient difficilement à y intégrer le mouvement que supposent les colères et les douleurs du scénario. Une certaine lourdeur s'installe qui aurait pu être allégée par une caméra portée qui viendrait jouer avec les protagonistes.

Il n'en reste pas moins que les deux films et spécialement le second sont bourrés de qualités et que les défauts soulignés ici n'empêchent pas le public d'adhérer et de réagir.

Il ressort de l'entretien avec ces jeunes réalisateurs que le court métrage reste encore pris en otage par des difficultés économiques, de sorte que "trouver seulement 600 000 Fcfa pour assurer les dépenses techniques et les frais de transport de l'équipe et des acteurs reste difficile", nous dit Lorenzo Mbiahou. C'est pour cela que ce qui jaillit comme une bénédiction de ces deux courts métrages est la collaboration évidente entre ces jeunes réalisateurs dans la production des différents films. A des postes techniques différents, nous trouvons les réalisateurs Paul Kobhio et Lorenzo Mbiahou dans le film de Serge Alain Noa. Dans celui de Lorenzo Mbiahou, Narcisse Mbarga est intervenu comme acteur, tandis que Paul Khobio et Alain Fongue, tous réalisateurs de courts métrages, ont occupé la prise de vues et le montage. Cette coopération augure de belles perspectives face à ce qui a généralement été considéré autrefois comme un manque de solidarité ! Peut-être sommes-nous en train d'assister à la naissance d'une nouvelle ère du cinéma camerounais, à la faveur de la révolution numérique.

Alain Roland BIOZY

Films liés
Artistes liés