Jeudi 03 mars 2005
Alléluia ! Voilà que ce qui était désiré depuis si longtemps arrive : la prise en main par les Africains de leur image de soi. Les nouvelles technologies permettent économie et maniabilité : des films naissent un peu partout qui n'auraient jamais pu voir le jour autrefois, sans forcément la nécessité d'une aide extérieure. Et cela surtout dans les pays où existent des formations à l'audiovisuel qui permettent d'acquérir les bases.
En écho aux grands films des pionniers, les jeunes se saisissent de l'outil cinéma pour remuer leur société. Par la fiction certes mais aussi par le documentaire qui s'affirme comme une voie royale pour témoigner et interroger.
Reste à trouver la diffusion de ces images que les télévisions sont encore bien frileuses à reprendre et surtout à financer.
Le modèle nigérian avec ses 1200 longs métrages en 2004 est dans toutes les têtes comme un exemple de production endogène qui trouve son public et son mode de financement.
L'autonomie recherchée n'est pas seulement économique, elle est aussi dans la pensée : affirmer dans un monde en cours de globalisation une voix africaine qui ne soit ni définie par les autres ni marginalisée.
C'est là où apparaît la contradiction : ces images tentent une autre définition de soi mais sont bien souvent formatées selon les modèles dominants. Soucieuses de plaire, elles imitent volontiers les codes esthétiques d'un cinéma où le sentimentalisme alterne avec le voyeurisme, où le spectateur n'est pas mobilisé pour réfléchir mais immobilisé pour consommer.
D'où l'importance d'une réflexion critique qui renforce la vigilance des spectateurs et nourrisse la réflexion des cinéastes sur leurs choix esthétiques et donc le sens de leurs images. L'émergence de la Fédération africaine de la critique cinématographique intervient ainsi à un moment clef de l'histoire du cinéma en Afrique, avec un défi essentiel à relever : contribuer à l'autonomie de pensée sans tomber dans le travers de défendre une authenticité figée sur elle-même.
C'est un défi que nous savons exigeant : il signifie travail et synergie.
La Rédaction
