AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 019 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Le DVD… avec modération
critique
rédigé par Ahmed Bouhrem
publié le 14/09/2006

Depuis quelques années un nouveau support est apparu sur le marché de l'audiovisuel et dont les vertus sont innombrables. Il s'agit évidemment du DVD, un support pas comme les autres. Et cela n'est pas faux. Rien qu'au niveau de la capacité, ce mince disque de dix centimètres de diamètre et de trois millimètres d'épaisseur peut contenir plusieurs versions du films, plus d'une piste de langue, et un supplément (un making of, un entretien du cinéaste ou/et des acteurs et souvent ou une analyse d'une séquence une leçon de cinéma). Le tout avec une qualité de son et d'image jamais atteinte.
Et le progrès de la technologie aidant, on peut même ramener une salle de cinéma chez soi, en s'équipant d'un lecteur DVD, de toutes sortes d'amplificateurs et de haut-parleurs, afin d'avoir un son surround (environnant) et recréer une salle de cinéma chez soi. C'est ce qu'on appelle le home cinema, qu'on peut traduire en français par "le cinéma chez soi". Du coup, pas besoin de se déplacer, de faire la queue devant le guichet (en Tunisie, vous ne risquez pas de vous trouver dans une situation pareille, sauf durant les projections spéciales ou les festivals et ceux-ci ne sont pas nombreux), de payer un ticket et de suivre la torche de la placeuse pour s'installer dans un strapontin. Tout ce rituel qui précède la projection fait partie du passé. Maintenant, on ne va plus au cinéma, c'est le cinéma qui vient vers nous, qui s'installe à l'intérieur de nos salons. Il est vrai que toutes ces vertus font le bonheur du cinéphile averti comme du critique ou du chercheur. Grâce au DVD, on peut découvrir ou redécouvrir les chefs-d'œuvre les plus enfouis, pour une poignée de dollars, d'euros ou de dinars. Comme Truffaut qui affirmait: "en tant que cinéphile, je suis un fanatique de la vidéo" nous, cinéphiles nous ne pouvons être que des fanatiques du DVD". Revoir un film plusieurs fois, et à tout moment de la journée, visionner un plan ou une scène, une énième fois, faire un arrêt sur image pour vérifier un détail, c'est ce dont rêvaient cinéphiles et critiques, d'avant l'ère de la vidéo et du DVD. Bref, celui-ci s'est imposé, en peu de temps, au point que le célèbre critique des Cahiers du Cinéma, Jean Douchet lui a consacré une rubrique, intitulée Lecteur de DVD.
Mais cette facilité d'accès aux films et surtout ces suppléments qui garnissent presque toutes les collections, notamment celles concernant les classiques, ne contiennent-elles pas un risque ? Qu'un critique se mette à décortiquer un film scène par scène ou plan par plan ou qu'un cinéaste nous plonge dans l'univers de sa mise en scène, (le mot est fascinant) expliquant le choix d'une telle grosseur ou échelle de plan, un angle de prise de vue ou justifie un mouvement de caméra ne risque-il pas de démystifier le film, en mettant à nu tous les secrets de sa création ? Cela ne risque-t-il pas de rendre un film comme un jeu, celui par exemple, des mots croisés ou fléchés que les lecteurs pressés ou "tricheurs" préfèrent remplir en jetant un coup d'œil sur la solution, qui figure dans une page du même numéro du journal ou du magazine ? Ces analyses et ces commentaires n'inciteraient-ils pas, indirectement, le cinéphile à subir le film, puis à en chercher l'explication, le sens, ou la portée en visionnant les suppléments ?
Il faut dire qu'en tant que cinéphiles, nous sommes tous à l'affût de tout ce qui nous aide à percer les secrets – et dieu sait combien ils sont nombreux – dont un film recèle. Mais en agissant de la sorte, les fabricants comme les consommateurs, parce que nous sommes bien, dans une logique marchande- ne sont-ils pas en train de lui nuire plutôt que de le servir, de le banaliser et de le mettre à la portée de " n'importe qui" ? Ne vaut-il pas laisser le film auréolé de ses mystères, dérangeant par ses ambiguïtés, ses contradictions, voire ses maladresses ? Un film expliqué, commenté, décortiqué et disséqué ne perd-il pas son âme, n'est-il pas fini, mort ? Une œuvre d'art n'est-elle pas celle qui résiste à toutes les lectures, qui tentent de l'épuiser et les interprétations qui veulent la cantonner, une fois pour toutes, dans une lecture particulière ?
Autant de questions auxquelles, il est difficile de fournir des réponses immédiates et satisfaisantes et définitives. Le phénomène n'est encore qu'à ses débuts. L'idéal serait peut-être de trouver le juste milieu entre deux attitudes ; celle qui tend à tout expliquer et commenter jusqu'à la banalisation et celle qui nous laisse les ténèbres insondables, afin que le film suscite toujours les mêmes attentes, le même intérêt et un plaisir toujours vif.

Ahmed BOUHREM