Le grand voyage, Ismaël FERROUKHI, Maroc/France, 1h48, 2004, Fiction

Regard croisé de deux mondes antagonistes, mais qui sont appelés à cohabiter malgré leurs différences. D'un côté, Réda un fils fortement imprégné de la culture occidentale et d'un autre côté, son père symbole de la spiritualité et de la tradition. Le Grand voyage est l'histoire du choc entre deux mentalités, deus caractères. Reda et son père sont tout simplement l'incarnation de deux générations différents caractérisées par une incommunicabilité manifeste.

Dès le début du film, le décor est clairement planté. Reda doit, malgré lui, conduire son père à la Mecque pour son pèlerinage. Quitter brusquement les seins ne peut que le révolter. Lui, ce jeune plein d'ambitions et de rêve. Naît alors un conflit de générations qui se poursuivra tout au long du trajet.

Le père paraît hermétique et obsédé par son pèlerinage. Cela se comprend car tout croyant souhaite le plus ardemment accomplir ce plaisir fondamental de l'islam avant sa mort. Pour lui aussi, les moyens d'y parvenir sont importants. En effet, accomplir le pèlerinage avec de petits moyens (en voiture dans son cas) est plus bénéfique selon le Coran.

L'éducation occupe une place importante dans ce film. Ce père sait qu'il a échoué dans l'éducation spirituelle de son fils et peut-être cherche t-il à sauver d'abord son âme. Il ne lui pardonne pas ses errements. de l'autre côté, le fils ne comprend pas la générosité du père envers les nécessiteux. Certaines images sont d'une tension très forte. Par exemple, quand Reda dit à son père : "on ne pardonne pas dans ta religion ?", le père devient très sensible, comme pour dire que la tolérance est une vertu du croyant. Quand celui-ci explique à son fils son choix de faire ce voyage en voiture, celui-ci comprend enfin pourquoi son père est si obstiné.

Ferroukhi les dénonce certaines pratiques sociales et les
vicissitudes des pays traversés. Le réalisateur dépeint la condition humaine à travers un tableau contrasté. Somme toute, même si le père réalise son vœu le plus cher, il laisse tout seul un fils sans repère spirituel, et qui a besoin de redonner un sens à sa vie. Laisse-t-il à Reda l'image d'un père exemplaire, sévère ou au contraire compréhensif et tolérant ?

Cependant, on est soulagé de savoir que Reda a tiré des leçons de ce voyage. Ainsi, s'opère en lui une métamorphose. Désormais, commence pour lui une nouvelle aventure, celle de faire face à son destin. Et Reda l'aborde avec un nouvel état d'âme, comme si Ferroukhi voulait enfin résoudre ce conflit d'émotions dans son esprit.

Harouna ZAMPOU