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Soyons réalistes, exigeons l'impossible
Allez Yallah , de Jean-Pierre Thorn (France)
critique
rédigé par Meriam Azizi
publié le 25/10/2006

Référence, aujourd'hui consacrée dans le cinéma français engagé, Jean-Pierre Thorn puise sa matière depuis les années soixante dans les milieux à forte connotation sociale. En 1980, il réalise Le Dos au mur, un long-métrage qui témoigne de son expérience ouvrière à l'usine métallurgique Alsthom de St-Ouen. Avec Allez Yallah, se confirme le parti-pris de se ranger du côté de la femme pour un combat de longue haleine contre toute forme de discrimination. Issu d'une rencontre avec une caravane de militantes maghrébines musulmanes et non musulmanes venues dresser leurs tentes berbères aussi bien en France dans les banlieues qu'au Maroc dans les bidonvilles, le film de Thorn (profondément d'actualité) est on ne peut plus indispensable.

Des images poétiques relatant une réalité crue. Voilà ce que nous offre à voir le documentaire de Thorn. Étonnement proche de l'autre, c'est en absence de tout psychologisme et à l'aide d'une caméra humaniste et sensible qu'il suit ses héroïnes dans leur lutte acharnée contre l'enracinement des mentalités rétrogrades. Tout comme le village marocain, la cité banlieusarde est comme prise en assaut. En guerrières infatigables, les représentantes de l'association déploient un plan d'assainissement aussi bien mental que physique, herculéen. Elles s'égosillent en lançant des cris de révolte et d'indignation devant le silence des gouvernements infichus de prendre l'affaire en main. Le défi est fortement présent, amplement métaphorisé. Le mouvement panoramique vers le haut à l'ouverture du film, saisissant les jeunes volontaires peinant à dresser une tente vers le ciel, ou encore l'hymne scandé à l'unisson par un bataillon de militantes "mets ta main dans ma main, femmes d'avenir !", sont autant d'images significatives qui ne peuvent dissimuler un trop plein d'enthousiasme quasi sismique.
À première vue, la mission semble surhumaine. Atterrir sur le sol d'un village où des problèmes de tout ordre pullulent, où la condition de la femme souffre la torpeur et où l'analphabétisme sévit et de plus se fixer comme gageur la mise à plat de ce spectre que constitue le fanatisme religieux, un fléau participant majoritairement à la "ghettoïsation" et par conséquent à l'exclusion des habitants de la cité : autant de motifs alarmants et autant d'injustice que les caravanières refusent de taire. Par la magie de la "monstration", Thorn transforme le travail de terrain gigantesque que ces partisanes de l'égalité entre les sexes s'attèlent à accomplir en mobilisant les gens des deux côtés de la Méditerranée, en une célébration de l'audace et de la persévérance dont elles ont fait preuve tout au long de leur voyage. Un souffle épique parcourt le film. La complicité de la caméra ressentie par le moindre mouvement facilite le processus d'identification : le spectateur devient ainsi une partie-prenante des débats organisés et dans la marche à la rencontre de l'autre.
Allez Yallah qui signifie littéralement en avant, véhicule un sens du déterminisme et du dévouement à l'esprit humaniste aujourd'hui, menacé de disparition. Le message d'espoir, accroché au sourire innocent de cette petite fille qui porte le rêve de devenir un professeur d'anglais, est prolongé dans ses pleurs vers la fin du film. Des pleurs qui traduisent l'impact positif que le passage ô combien bénéfique des caravanières a imprimé en chacun. Des pleurs qui refusent le départ de ces prophétesses … y

Mériam Azizi

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