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Le voyou n'est pas mauvais !
Tsotsi, de Gavin Hood (Afrique du Sud)
critique
rédigé par Godefroy Macaire Chabi
publié le 16/03/2007

Un homme se fait tuer dans l'indifférence totale au début du film. Violence gratuite ? N'y a-t-il pas dans Tsotsi une part d'humain malgré les tueries qui s'enchaînent ? Cette concentration des désespoirs du bidonville n'est-elle pas une véritable bombe à retardement ? Des centaines de Tsotsi agissent chaque jour et sans effroi dans cette Afrique du Sud post-apartheid. Le jeune chef d'un gang tire sur une femme et s'empare de son véhicule. Mais il y trouve un bébé : quelque chose en lui le pousse à s'en occuper.
Tsotsi veut dire "voyou" dans le jargon des ghettos. En blessant au pied sans la tuer la femme à qui il vole la voiture alors qu'il en avait les moyens, Tsotsi révèle son ambiguïté. Le film le place dans une perpétuelle violence psychologique : il perd de vue toutes les solutions et est traqué dans ses réflexions. Il est l'emblème d'une jeunesse qui n'a pas fini de panser les plaies du passé sud-africain tout en l'ayant déjà oublié. Le regard du bébé qui le questionne sans fin évoque une double souffrance : celle des enfants qui naissent maintenant dans le pays et, en miroir de sa propre enfance, celle de ces milliers de jeunes de la génération de Tsotsi.
Tsotsi aborde en toile de fond la frustration des ghettos face à l'aristocratie noire, ces anciens combattants contre l'apartheid. D'un côté les Noirs des taudis, de l'autre ceux des belles villas. Il y aurait tout un travail de mémoire à faire pour refonder la revendication égalitaire de la lutte, mais Tsotsi a tout oublié. Il n'a que des souvenirs évanescents de son enfance. Ce qui ne facilite pas le recentrage des rapports, même sous administration noire. L'histoire de Tsotsi est celle de ces milliers d'enfants soldats dans les pays en guerre, qui ne savent plus tellement ce qui s'est passé, comme le personnage d'Ezra, dans le film éponyme du Nigérian Newton Aduaka.
La boucle du film introduit la confrontation des regards noirs sur le type de société qu'ils bâtissent. Victimes et coupables se voient à la fin du film condamnés à innover. Et lorsque le sud africain Blanc retrouve ses réflexes de l'époque, alors que tous préfèrent la paix, s'agit-il de la permanence d'une blessure ou de l'atavisme d'un passé encore récent ?
La caméra de Gavin Hood reste toujours proche de l'action et du personnage qui la met en œuvre, tandis que l'expression des visages et le ton saccadé du kwaito, la musique des townships, participent à l'effet recherché par le réalisateur, même si le film n'échappe pas au pathos tragique. Mais si la caméra de l'Oscar 2006 force trop le trait en esthétisant les ghettos, l'émotion et la participation à la tragédie restent intenses, ce qui fait de ce film un produit franchement grand public.

Godefroy Macaire CHABI (Bénin)

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