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Le football comme catharsis
Wake up Morocco, de Narjiss Nejjar (Maroc)
critique
rédigé par Mohammed Bakrim
publié le 09/05/2007

Les films marocains se bousculent au portillon ; 2007 s'annonce riche et le programme est très varié : le mercredi 28 mars 2007, c'est le nouveau film de Narjiss Nejjar Wake up Morocco qui sort sur les écrans du pays après une projection animée à Marrakech. En effet, le film surfe sur un sujet qui passionne : le football. On y voit même des stars du ballon rond représenter le Maroc dans une finale de coupe du monde inédite ; celle qui va opposer le Maroc et l'Afrique du sud : au cinéma on peut rêver. C'est ce que nous dit en substance Narjis Nejjar. C'est original et ça mérite le déplacement.

Narjiss Nejjar dit être touchée par le cinéma iranien ; on le sent dans ses films. Un point commun peut confirmer cette assertion : chez la cinéaste marocaine on trouve le même engouement pour les extérieurs jours, pour la captation du grand espace comme chez une majorité de cinéastes iraniens. Ce désir d'extérieur est une illusion car précise Nejjar, être dehors ne signifie être libre ; l'espace ouvert est paradoxalement aussi un enfermement…d'où cette volonté d'un autre ailleurs qui anime ses personnages. Comme ceux de son deuxième long métrage Wake up Morocco.
Ici, c'est un autre registre qui est abordé par la jeune cinéaste. Wake up Morocco s'inscrit délibérément dans la volonté de transcender le réel par la fiction, par le rêve. Nous retrouvons une continuité avec son premier film. Notamment au niveau du dispositif dramaturgique qui place en son centre des sujets, une communauté en déphasage avec son milieu ; la caméra de Nejjar aborde le centre par sa périphérie. Pour elle, la vérité est dans la marge, chez les marginaux. Ce qui se traduit déjà au niveau de l'espace narratif ; dans Les Yeux secs, il s'agit d'un village reclus du moyen atlas ; dans Wake up Morocco, c'est l'îlot de Sidi Abderrahmane au large de Casablanca. Mais aussi au niveau des personnages : là ce sont des femmes livrées à elles-mêmes dans un échange inégal ; ici ce sont des orphelins, une ancienne vedette de football, une voyante…Continuité aussi sur le niveau esthétique avec le souci apporté à la plasticité des images, à la composition du plan, au jeu des couleurs et des formes. Cependant on peut noter qu'avec Wake up Morocco, ces images soignées paient un tribut fort au poids de l'idée : pour emprunter le jargon de la grammaire, je dirai qu'on passe de l'intransitivité des plans des Yeux secs à la transitivité des plans de Wake up Morocco. L'ensemble du film semble en effet tendu (au sens physique du mot) vers une thèse centrale. Une approche semble alors marquer l'ensemble, expliciter ce que le titre veut déjà annoncer, mettre en avant une certaine idée du Maroc. Le film est alors traversé de traces de didacticité : des pauses sont instaurées dans la narration pour céder la parole au discours didactique (voir la scène sur la religion en ouverture du film). Une surcharge qui vient brouiller l'excellent travail opéré par ailleurs au niveau du montage notamment lors de la séquence d'exposition où la caméra transite d'une manière fluide et cohérente entre les différents lieux du drame pour poser les éléments du récit. Cette voie est vite délaissée au bénéfice d'une rhétorique inflationniste où l'usage des signes ostentatoires d'appartenance (le drapeau par exemple) donne au film une autre dimension, épique, inédite dans le cinéma marocain qui lui donne une richesse et des éléments d'ancrage pour une réception publique largement balisée ; c'est-à-dire inscrite dans le programme de la mise en scène. Le désir de rêve est aussi un désir de spectacle.

Mohammed Bakrim

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