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"Le cinéma haïtien est une espèce de bébé menacé d'être tué dans l'œuf…"
entretien avec Arnold Antonin
critique
rédigé par Yohanès Akoli
publié le 11/06/2007

Réalisateur d'origine haïtienne, Arnold Antonin a présenté à ce 20è Fespaco, le film LE PRESIDENT A-T-IL LE SIDA dans la catégorie Long Métrage Diaspora Africaine. Lauréat du grand prix de la Diaspora, le prix Paul Robeson, et du prix spécial CNLS/IST, Arnold Antonin nous fait voyager au cœur d'Haïti ou tout est vu à travers le prisme religieux : le vaudou. Nous l'avons rencontré au cours du festival, il nous éclaire sur le cinéma en Haïti.

Particularité du cinéma haïtien par rapport au cinéma africain ?

Il faut dire que le cinéma africain est beaucoup plus avancé que le cinéma haïtien. À part quelques rares exceptions dont moi-même il y a 20 ans de cela en Haïti, on ne fait que du cinéma numérique. Il n'y a pas de moyen, vu les coûts, vu les infrastructures de productions de faire le cinéma sur pellicule. Ici, j'ai vu que c'est un cinéma où vous n'avez pas de problèmes du point de vue technique, du point de vue des images et d'éclairages. Aussi, la direction photographique est en général très beau, et que le son est très bon. Mais, nous on a deux choses qui comptent énormément : la grande motivation de notre public et le talent des acteurs. On a des acteurs formidables, très souvent formés sur le tas, amateur et qui ont une facilité, une aisance d'interpréter les personnages. Malheureusement, au point de vue de la réalisation, il reste beaucoup à faire à part le côté technique. Du point de vue des thèmes traités, pour tout ce que j'ai vu, ce sont des films engagés avec la problématique africaine. Peut-être un peu les mêmes sujets, les rapports modernité- tradition.

Y a-t-il des influences sur les films haïtiens ?

Maintenant il est difficile en Haïti de faire des films qui ne soient pas influencés par les villes et les bidonvilles en particulier. Donc, il faut dire que, ce sont les réalités sociales différentes mais avec des points communs sur la culture. Mon film par exemple, s'occupe en quelque sorte du problème entre tradition, stéréotype et vision moderne et positive du rapport entre les gens, entre les sexes, entre la religion chrétienne et le "vodou" en Haïti. Vous avez ici vos religions, nous on a le vodou en Haïti. Donc le Sida, je le traite de cet angle là aussi.

État des lieux du cinéma haïtien ?

En Haïti, le cinéma est une espèce de bébé qui est menacée d'être tué dans l'œuf. Il y a ce développement du cinéma numérique d'un côté et la menace des pirates. Les pirates, copient les films, font les DVD pirates et les vendent à très bon marché ; ce qui instaure une concurrence déloyale. D'autre part, il y a les salles, de petites salles parallèles clandestines qui passent les films. Il y a des chaînes de télévision qui passent les films sans l'autorisation des auteurs mais sans rien payer. Donc tout cela contribue à menacer énormément le développement du cinéma haïtien.

Existe t-il d'autres genres de menaces que celles que vous venez de citer ?

Une autre menace en Haïti : c'est l'environnement sociopolitique. Ce climat de violence, d'instabilité, d'insécurité fait que les salles ferment et que les gens fuient les salles et donc se replient sur les DVD pirates qu'ils trouvent dans les coins des rues.

Quelle est l'implication de l'État haïtien dans votre cinéma ?

Non, ce n'est pas comme chez vous ! Chez nous, je suis en train de discuter en tant que président de l'Association Haïtienne de Cinéastes avec le ministre de la culture pour qu'il y ait un appui plus décisif au cinéma haïtien. Notamment en créant un fonds d'appui à la production cinématographique dans notre pays et en mettant à notre disposition une salle où on pourrait passer des films haïtiens, des films africains pour qu'on cesse de ne voir que les films hollywoodiens et quelques films venant de France dans notre pays.

Quelle est la problématique développée dans votre film Le Président a-t-il le Sida ?

Mon film est une comédie dramatique. Je traite d'une façon qui ne soit pas uniquement dramatique un problème extrêmement dramatique et tragique dans notre pays : c'est le Sida. Je le traite de façon à ce que je puisse toucher les jeunes et un grand public possible. Le message qui passe dans ce film est la nécessité de se préserver en utilisant le préservatif. Donc, c'est la prévention, la protection contre la maladie, se protéger soi-même et protéger les autres. Le second message, c'est que quand on est malade, ne faut pas aller chez le curé ou chez le sorcier mais il faut aller voir le médecin.

Votre film et la diversité culturelle…

C'est que le film est abordé de façon différentes ; et quant on a un problème en Haïti comme le Sida, c'est un problème qui est posé dans un contexte socioculturel où le vodou joue un grand rôle, où les gens sont très religieux et voit tout à travers le prisme religieux. Donc c'est ça la diversité culturelle, il faut affronter le problème de ce point de vue.

Le film a-t-il eu du succès dans votre pays ?

Le film a eu un grand succès en Haïti. Il a fait une semaine à l'affiche.

Propos recueillis par
Yohanès Akoli

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