AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 019 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Ces petits bouts de vies !
Les loisirs, de Mohamed MUSTAPHA (Égypte) et Aujourd'hui 30 Novembre, de Mahmoud SOULEÏMAN (Égypte)
critique
rédigé par Narjès Torchani
publié le 03/09/2007

Aujourd'hui 30 Novembre, est un court métrage qui raconte l'histoire d'un jeune chômeur. Tout y est présenté avec une certaine légèreté tant au niveau des dialogues qu'au niveau de la musique du film et ce, malgré la gravité du propos. Le personnage principal du film est abordé dans le même esprit : il est à la fois joyeux et pessimiste, très croyant et… suicidaire!
Ce jeune homme qui cherche, le 30 Novembre de chaque année, à mettre fin à ses jours, s'avère beaucoup plus attaché à la vie qu'il ne le pense et qu'il n'y paraît. Ainsi, voilà qu'il est parti en principe pour se suicider et en finir avec la vie. Or, dans les faits, c'est une occasion qu'il se crée pour donner un sens à sa vie, ne serait-ce que pour quelques heures et ce en essayant de faire du bien autour de lui et plus précisément aux personnes qu'il croise. Vouloir la mort n'est en fait qu'un prétexte, assez original, pour aller vers la vie, l'appeler au secours ou parfois s'y ressourcer. Pour preuve, à chaque fois, que notre héros part pour mourir, voilà qu'il nous revient plus vivant que jamais ! Mohamed Mustapha s'attache à faire naître l'espoir tout en partant d'une situation de désespoir extrême…il appelle ainsi à "regarder hors du cadre".

Le film Les loisirs (long métrage) est annoncé comme un film marquant le retour du cinéma égyptien au cinéma d'auteur. Il était de ce fait très attendu par les cinéphiles arabes et africains. Le titre arabe du film "Awquat faragh" ("Temps libres") est de loin plus pertinent que le titre français. Le titre arabe permet de jouer sur le double sens du mot "faragh" ("loisir" d'une part et "vide" de l'autre) tout en mettant l'accent sur le "vide" réussissant ainsi à capter notre attention.

Le film raconte l'aventure d'un groupe de jeunes gens plus ou moins amis qui débutent juste leurs études universitaires. Autant dire qu'ils sont encore en pleine adolescence. Durant cette période transitoire fragile, la recherche d'identité et de référence n'arrive pas à combler l'immense vide qu'ils ressentent au fond d'eux-mêmes. Ils ne possèdent pas de références et ne savent pas à quoi ou à qui ressembler, ou encore, vers qui aller. Pour preuve, la façon dont ils passent leurs journées à essayer de fuir la vie, faute de s'y retrouver. Entre des parents qui sont selon le cas trop compréhensifs ou trop durs, entre les tentations de la vie moderne et l'appel au retour à la religion, voilà qu'ils touchent à tout pour tenter de s'en sortir : sexe, drogue et alcool.

Tout au long de la première moitié du film, nous les voyons dans un "mal-vivre" permanent, multipliant les gaffes et ce, sans que le réalisateur n'ait éprouvé le besoin de les présenter en profondeur. Ils vivent une crise existentielle. Cela n'a pas été rendu de manière tout à fait réussie par le réalisateur qui s'est cantonné dans la multiplication de scènes d'action sans que celles-ci ne servent à faire avancer les choses …. L'auteur n'a même pas réussi à faire ressortir cette crise existentielle même indirectement, à travers des répliques fortes ou des scènes choc pour mieux communiquer la réalité multidimensionnelle.
Cette démarche peut être justifiée par la volonté du cinéaste de nous montrer des personnages en proie à l'hésitation et de nous faire comprendre que leurs actions et décisions se font en méconnaissance de cause et qu'ils ne prennent pas la peine de réfléchir de manière critique avant d'agir.

Tous les acteurs ou presque sont de nouveaux visages. Leur jeu est basique et sans grandes performances, le scénario ne leur donnant pas l'occasion de s'y essayer Résultat, une première moitié du film monotone voir ennuyeuse et ce, à force de revoir le même style de scènes où la même idée se répète et une seconde partie où les choses bougent.

Le retournement de situation et les complications amènent les personnages à remettre les pieds sur terre. La confrontation entre eux, leurs parents et les autorités devient alors inévitable.
Dans un premier temps, ils sont pris dans le piège et ce surtout quand ils se trouvent appelés à répondre de leurs actions dont certaines sont extrêmement graves. Il s'ensuit des réactions de panique, de révolte et de fuite !
On découvre que nous avons affaire à de "grands enfants" qui boudent si la moindre contrariété survient, qui croient que tout leur est permis et que quelques larmes pourraient suffire pour que leurs parents effacent leurs bêtises. Des parents conformistes ne pensant qu'au business, sensibles au "qu'en dira-t-on" et où le manque de communication alimente et aiguise les conflits de générations. Il n'en reste pas moins que rien ne change vraiment, à part l'amertume qui s'accentue et devient perceptible alors qu'elle était cachée derrière les joies apparentes de la vie menée par ces jeunes.
Et là on replonge dans l'ambiance des scènes de la première moitié du film, à la différence qu'à la place de fuir l'oisiveté, "les évadés" évitent les problèmes; un cercle vicieux duquel ils ne sortent pas ; bien au contraire, ils s'y enfoncent de plus en plus, chacun selon ses tracas particuliers, jusqu'à ce qu'arrive "le coup de grâce" qui, cette fois, les concerne tous.
L'un d'eux meurt, renversé par une voiture, alors qu'ils se trouvaient tous ensemble en pleine euphorie (sexe, drogue et alcool). L'impact de ce choc émotionnel est irrévocable. Le retour à la raison est instantané et sans la moindre hésitation.
Les voilà, enfin porteurs d'un nouveau regard sur la vie, plus mûrs et plus préparés à entrer dans l'âge adulte.
Tout compte fait, la deuxième moitié du film est plus intéressante que la première. Elle renferme de l'émotion et témoigne d'un savoir faire du réalisateur qui n'était pas assez manifeste dans la première partie du film.

Encore un mot sur le thème : on ne mettra jamais assez le doigt sur l'embarras, l'angoisse des jeunes, soumis à des influences extrêmes et opposées dans un monde de plus en plus dominé par les média où les frontières s'estompent et où nous sommes inondés d'images venues des quatre coins du monde, En même temps, nous en appelons à plus de courage dans l'approche de ce problème. Il serait dangereux de faire la part belle à la fatalité, au "destin" derrière lequel on se dissimule pour exposer des visions du monde. Ce qui nous amène à nous demander, au-delà de tout cela et loin de l'intervention divine qui marque ces deux films, si la solution au désarroi de la jeunesse ne devrait pas émerger de la terre avant de tomber du ciel !!

Un mot et en même temps, un bon point, pour la bande originale du film servie par la voix de Marouen KHOURI.

Narjes Torchani

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés