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Rêves de poussière, de Laurent Salgues
Des hommes en poudre
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 11/01/2008
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Laurent Salgues, réalisateur
Laurent Salgues, réalisateur

Les terres africaines fascinent toujours les réalisateurs français. Jusqu'à y perdre le sens critique lorsque Gilles de Maistre y tourne quelques scènes de son documentaire, Le premier cri, 2007. Jusqu'à s'y trouver comme quand Raymond Depardon filme La captive du désert, 1990, au Tchad, ou Un homme sans l'Occident, 2001. Qu'ils soient en quête de légendes à l'image de Christian Richard cadrant Le courage des autres, 1982, au Burkina Faso, ou emportés par le souffle de l'Histoire comme Bernard Giraudeau suivant Les caprices d'un fleuve, 1995, au Sénégal, les cinéastes français sont impressionnés par un continent qui réveille l'imaginaire, attise les mystères et révèle des forces enfouies. Ces sentiments engendrent aujourd'hui Rêves de poussière, premier long métrage de Laurent Salgues.

Après quelques courts métrages dont Eternité moins cinq, 1992, La femme à l'ombrelle, 1995, il succombe au charme étrange d'une mine au Burkina Faso. Et c'est à Essakane, à l'extrême nord du pays, qu'il imagine de situer une fiction. Tout commence avec l'arrivée de Mocktar Dicko dans une mine d'or artisanale. Ce Nigérian aborde le travail, dents serrées, comme un dernier recours, un passage dans un autre monde où l'on s'écorche les doigts pour une fortune aléatoire. Un monde où l'on brave les dangers, éboulements, étouffements, blessures, pour récolter quelques grammes d'un or devenu plus rare, plus improbable. Si Mocktar se redresse à chaque coup du sort, c'est comme pour expier une faute qui le hante. Peut-être pour oublier la mort de sa fille qu'il n'aurait pu sauver, peut-être pour racheter une vie qu'il aurait dilapidée par fierté. Ses raisons d'être là, on ne fera que les entrevoir.



Laurent Salgues ne laisse percer que des éclats du passé. Il se concentre sur les activités quotidiennes des mineurs, le travail durement partagé, le repos forcé des hommes, encerclés par la terre aride et l'isolement. Les grands espaces de la mine accaparent le regard. Dans les plans larges qui rythment le film, vibre la lumière ardue du Burkina Faso. Les personnages passent, comme en transit. Mocktar traverse la mine comme un purgatoire, ses collègues comme un enfer, le contremaître comme un paradis qui lui permet de s'affirmer. Dans ces instants précaires qui rassemblent des hommes différents, se glisse une petite fille furtive, avide de partir, elle aussi, pour grandir ailleurs. Son regard trouble Mocktar, l'attendrit, remue ses mauvais rêves et ses bons sentiments.
Le réalisateur esquive les explications comme si le scénario plus narratif qu'il avait au départ, s'était émoussé au contact des terres africaines. Reste le regard perçant de Mocktar, habité avec intensité par le Sénégalais Makéna Diop, apprécié dans les fictions de Moussa Touré ou sous la direction de Raoul Peck. À ses cotés, des acteurs burkinabés de renom tel Rasmané Ouédraogo en contremaître roublard, font vivre avec véracité et retenue, des mineurs acharnés. La contribution des techniciens du Burkina a pu renforcer l'atmosphère contemplative du film en soulignant la beauté vénéneuse du décor de la mine. Avec une équipe réduite, renforcée par la participation de partenaires canadiens, cette production française est perméable à la lumière africaine. L'éclat d'un avenir incertain peut alors se dissoudre dans la poussière.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

Rêves de poussière
LM Fiction de Laurent Salgues, France, 2006
Sortie France : 30 janvier 2008

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