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Les complices de l'injustice !
Bamako, de Abderrahmane Sissako (Mauritanie)
critique
rédigé par Yohanès Akoli
publié le 29/02/2008

Un constat se dégage, mais ce constat est la triste réalité jusque là évanouie dans les pensées. L'Afrique et l'Europe s'accusent mutuellement à Bamako, dans le film réalisé par Abderrahamane Sissako. De toutes les thématiques poignantes occultées par les cinéastes africains, celle de Sissako dans Bamako, avait le plus durcit le ton sur le nationalisme exacerbé des occidentaux dont la volonté est de maintenir l'Afrique dans l'orthodoxie des institutions financières internationales. À quand donc, la fin de nos misères ?

Dans le film Bamako, les mots sont crus. Les propos sont durs et tranchés. Bref, des critiques à l'endroit des lobbying internationaux qui spolient les richesses du continent. Quelle dette l'on paye, et qui ne finit jamais ? Pourquoi les milliards de dollars ou d'euros des institutions de Bretton Woods n'ont pas encore réglés la pauvreté qui frappe durement le continent ? Le paludisme, le choléra, le sida, tue et décime la grande partie de la population valide. Sissako n'a pas froid aux yeux, le casting réalisé en dit long déjà sur l'objectif poursuivi par ce dernier. Dès l'entame du procès, rien à priori n'était prévisible. On dirait même, qu'Abderrahamane faisait face au réalité- auteur.

L'histoire, à l'allure simple, se complique davantage. Ceci durant quatre jours. À la barre se relaient les témoins à charges (telle Aminata Traoré de la société civile), appuyés par leurs avocats, Maîtres william Bourdon et Aïssata Tall Sall. Me Rappaport et Mamadou Savadogo sont les avocats des incriminés. Ici, la Banque Mondiale et le FMI sur le banc des accusés. Cette cour doit trancher. Elle doit pouvoir prononcer une sentence par rapport à l'injustice subie par l'Afrique. Il s'agit de la dette, la fuite des capitaux, le diktat des multinationales, des relations paternalistes et clientélistes entre l'ancienne mère patrie et ses anciennes colonies.

Dans le film, Sissako a équilibré son propos. Les torts étaient partagés de part et d'autre. L'injustice qu'a subit l'Afrique n'est pas à rechercher uniquement auprès des autres, mais aussi chez les Africains eux-mêmes. Le film de Sissako, reste porteur de certaines leçons. D'abord, le cynisme des institutions financières internationales. Elles se sont dérobées à leur mission tant claironnée sur les ondes, celle d'accompagner le développement de l'Afrique. La Banque mondiale et le FMI se sont révélés pour beaucoup d'Africains, comme des diables actifs, décidés à propulser l'Afrique dans le précipice, à considérer seulement les conditions drastiques qui suivent les aides. Un pays est souverain, s'il maîtrise l'énergie, l'eau et la communication, a indiqué Aminata Traoré, ancienne ministre malienne et altermondialiste. Pourquoi donc, ces institutions exigent que ces domaines soient privatisés et pourquoi menacent-elles de supprimer l'aide financière en cas de refus ? C'est suicidaire ces réformes pour l'Afrique. Les programmes d'ajustement structurels ont connu un échec cuisant. L'éducation aussi est citée en exemple. Comment peut-on vouloir le bien- être d'une nation en laissant aux mains des privés ces secteurs vitaux, c'est affreux ! s'insurge Aminata dans le film. Ensuite, on a l'endoctrinement. La religion disait Karl Marx, est 'l'opium du peuple'. Les églises déversées sur le continent promettent des miracles au peuple affamé, appauvri et décimé par des maladies. Dans le film, la prédication de l'évangéliste où dans l'arrière plan on reconnaît l'emblème des grandes puissances montre jusqu'où s'étend leur manipulation. En troisième position, on a le partage des torts. Dans Bamako, Sissako, ne se contente pas de faire le procès uniquement aux institutions de Breton woods. La responsabilité des dirigeants africains est aussi mise à rude épreuve. La corruption est citée en exemple.

Enfin la promiscuité. Tout se déroule au sein d'une concession à Hamdalaye, l'un des quartiers populeux du Mali. La caméra de sissako, fait moins de mouvement. Elle épie, scrute et rentre dans les intimités des personnages. Il faut aussi noter, la simplicité du décor. En effet, le décor dans le film, est simple. Le mouvement de la caméra est réduit. La prédominance des gros plans dont l'objectif était de bien stigmatiser le drame psychologique que vivent en particulier les personnages du film, porteurs du drame qui secoue le peuple africain.
Somme toute, à la fin de Bamako, on se met à rêver. Le verdict demandé par Me Bourdon est : "condamnation à perpétuité de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire Internationale à des travaux d'intérêts généraux pour l'Humanité". Qu'ils purgent cette peine !

Yohanès Akoli / Togo

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