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Kano : la Charia étouffe le cinéma
critique
rédigé par Gérard Akpotiou
publié le 10/03/2008

Pendant longtemps on a cru le cinéma à l'abri des dérives politico-religieuses des autorités des États du nord du Nigeria. Et bien cette fois-ci, le pire vient de se produire.

Cette décision ne surprend personne à vrai dire. Beaucoup la voyaient venir. Seulement, les habitants du plus grand État du nord de la République fédérale du Nigéria, ni même le monde du cinéma, ne pouvaient imaginer la censure aussi violente. Une décision qui tourne autour de seize points et qui interdit entre autres, les productions cinématographiques comportant des actrices aux allures trop modernistes et mondaines avec des tenues trop moulantes ou laissant apparaître certaines parties du corps féminin jugées très sensibles aux yeux des défenseurs de la Charia. En réalité, elle était dans l'air, cette soudaine hostilité de la loi islamique aux productions cinématographiques à Kano.

Simple dérive fanatique ou véritable souci de préservation de la cohésion sociale ? En tout cas c'est un coup dur aux ambitions du Nollywood qui doit peut-être revoir à la baisse ses prévisions de chiffres d'affaire au titre de la nouvelle année qui vient de commencer. Les quinze millions d'euros de recettes de l'année dernière, vont ainsi sérieusement en pâtir du fait de ce coup de massue sur la tête que vient d'asséner la Charia au cinéma.

Le cinéma est enfin rattrapé par l'intolérance de la Charia dit-on en chœur dans les rues de Lagos au sud. Le courroux des autorités locales, ces rabbins de Kano, a eu raison de la promotion des cinémas africains. Une nouvelle ère commence donc pour les populations de cet État, qui n'avaient que ces œuvres du Nollywood pour seul moyen de distraction. Voir ces films venant pour la plupart des autres États de la fédération qui, malgré leur fort taux d'islamisation, n'ont pas encore franchi le seuil du religieusement insupportable, permettait à ces populations de toujours se sentir au Nigéria et en Afrique. L'on comprend du coup l'ampleur de la désolation des uns et des autres.

Méli-mélo d'enfer

Les avis divergent au sujet de cette décision. Pour ces principaux auteurs, c'est-là une façon bien responsable d'arrêter la saignée de l'extraversion et du modernisme à outrance. La Charia interdit fondamentalement le port d'une certaine catégorie de vêtements à la femme et surtout à celle mariée. "Même si du fait des efforts répétés, la situation semble de mieux en mieux sous contrôle, affirme un des "Mufti" de la ville de Mina toujours au nord du Nigéria, l'on ne peut s'empêcher dit-il de relever l'effet pervers qu'exercent certaines œuvres cinématographiques sur nos adolescentes et adolescents ici". "Inch'Allah we'll overcome this situation" (1) lance-t-il le regard tourné vers la partie orientale du ciel. Du côté des acteurs du Nollywood, le discours est tout autre. L'on estime surtout que le politique se sert du religieux pour asseoir un univers d'intolérance et museler le cinéma. Les populations terrorisées par la foi de leurs dirigeants kamikazes se trouvent à présent, horrifiées par la brutalité avec laquelle, la loi islamique a fait irruption dans l'univers du Nollywood. Cette entreprise cinématographique, la première d'Afrique et la troisième dans le monde après Hollywood et Bollywood, a de graves soucis à se faire donc. Le cinéma africain lui aussi. La descente aux enfers ne vient peut-être que de commencer. Qui sait ?

Gérard AKPOTIOU

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