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Abbas et la chambre des secrets
Islam ya salam, de Saâd Chraïbi (Maroc)
critique
rédigé par Mohammed Bakrim
publié le 12/05/2008
Saâd CHRAÏBI
Saâd CHRAÏBI
Souad Hamidou dans Islamour
Souad Hamidou dans Islamour
Anne Macina (Betty)
Anne Macina (Betty)

Abbas est un Marocain d'Amérique; il rentre chez lui, désabusé et aigri; le 11 septembre est passé par là. Abbas, c'est le nom du personnage principal du nouveau film de Saâd Chraïbi, magnifiquement incarné par Hakim Noury. Après des études en France, il a fini par s'installer aux "States", le rêve américain recrute au-delà des frontières. Il épouse une Américaine; ils font deux enfants. Pourquoi a-t-il des problèmes avec les services de secrets américains ? Le scénario ne nous le dit pas explicitement. Dans tous les cas c'est un homme en colère contre l'Occident qui nous revient. Cela ne marche pas fort dans son couple non plus.

Dans la séquence d'ouverture, trois scènes courtes nous apprennent que quelque chose est brisée dans ce microcosme d'une certaine modernité. Le premier plan nous fait découvrir un plombier qui vient faire des réparations dans l'appartement de Abbas. Celui-ci est dans une bibliothèque pour acquérir des ouvrages que nous devinons facilement de nature théologique. Sa femme américaine, Betty, est chez elle, connectée à la toile, au monde extérieur… deux univers de référence se mettent en place; ils vont finir par se téléscoper. L'image du plombier fonctionne comme métaphore de cette panne qui s'annonce. Quelque chose est "bouchée" dans la communication interne. "Ce n'est pas une simple réparation qu'il faut, c'est un grand changement" rouspète le plombier dessinant en filigrane le programme narratif du film.

Confirmation de ce hiatus avec le retour du mari. La question des réparations à effectuer déclenche une grande dispute, révélatrice du malaise profond, de la crise. Nous allons alors assister à son développement jusqu'à l'impasse finale. Sur le plan de sa dramaturgie le film est construit comme un huis clos. Un huis clos civilisationnel. Malgré les palliatifs, le couple de culture mixte, musulman-chrétienne; marocco-américaine va finir par rencontrer un mur…

Le film cependant n'émet pas (heureusement) une sentence culturelle. Les causes de l'échec, car c'est un vrai échec pour Abbas, est à chercher dans le parcours individuel des uns et des autres. D'autant plus que le scénario propose un équilibrage dramatique avec un autre couple mixte qui débarque ; celui de la sœur de Abbas, Ouafae (très bonne prestation de Souad Amidou) et son compagnon, Marc, journaliste photographe. C'est le contre modèle, ou le contre champ. Face à sa femme, à sa sœur, à ses enfants… Abbas va finir par révéler sa véritable nature. Finir par se découvrir lui-même. Et c'est en quelque sorte le message du film, avant de régler ses rapports à l'autre, il faut d'abord commencer par régler les rapports à soi; à son passé. Et en la matière, Abbas a un passé lourd. Lui, le donneur de leçons va en recevoir une magistrale. La maison familiale, enjeu d'un litige d'une autre nature avec sa sœur comporte une chambre des secrets. Les secrets d'une véritable désertion. Le film se laisse lire à ce niveau comme un constat accablant du comportement d'une certaine élite qui redécouvre les éblouissements de l'appartenance identitaire au prix d'une certaine hypocrisie.

Mohammed Bakrim

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