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4 Questions à Yasmina Adi (réalisatrice)
critique
rédigé par Mohamed Bensalah
publié le 28/01/2009

Pourquoi ce film ? Pourquoi maintenant ?

En fait l'idée du documentaire m'est venue en 2005, lors de la polémique autour de la loi française du 23 février 2005. Celle-ci demandait que les programmes scolaires incluent "le rôle positif de la présence française en Afrique du Nord". Les débats qui ont suivi, ont remis sur le devant de la scène la répression du 8 mai 1945 en Algérie. Une histoire qui demeure étrangement absente des manuels scolaires français. Mes parents algériens, originaires du Constantinois me parlaient souvent de la guerre d'Algérie. Et le 8 mai 1945 est sans conteste l'événement qui m'a le plus marquée. J'ai réalisé ce film pour lever le voile sur les mécanismes et les conséquences de la répression coloniale. Le 8 mai 1945 est une date clé pour l'histoire de France. Chaque année, on célèbre la victoire sur l'Allemagne nazie. Mais de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie, ce jour de gloire est un jour de deuil. Dans la liesse de la victoire en 1945, des Algériens ont revendiqué leur volonté d'indépendance. Ils subiront durant plusieurs semaines une violente répression conduite par l'armée française. Elle fera des milliers de victimes. Soixante ans plus tard, la répression du printemps 1945 en Algérie recèle encore de nombreuses zones d'ombres.

La réalité de la répression n'est plus contestée, mais son ampleur pose encore problème. Qu'en est-il actuellement en France ?

Effectivement, la bataille des chiffres se poursuit comme en témoigne la difficulté d'établir un bilan précis des victimes. En 1945, l'Etat français annonçait 102 morts européens et environ 1.500 morts algériens. L'historien Charles-Robert Ageron parle de 2.000 morts, Benjamin Stora de 15.000 et André Prenant, géographe et spécialiste de la démographie algérienne, de 20.000 à 25.000 victimes. Le chiffre officiel de l'Etat algérien est de 45.000 morts. Combien cette répression a-t-elle réellement fait de victimes ? Pourquoi chercheurs et historiens n'arrivent-ils pas à s'entendre sur un bilan précis ? J'ai voulu réaliser une véritable enquête en m'appuyant sur des témoignages des acteurs de premier plan et des documents inédits.

Justement, à ce propos, votre documentaire est construit à partir d'archives nouvelles. Où avez-vous déniché ces nouvelles images ?

Ces documents inédits, je les ai trouvés dans les archives du gouvernement français et des services secrets anglais et américains. Les archives françaises, déclassées en 2005, mais surtout anglaises et américaines jusqu'à lors inexploitées, offrent un nouvel éclairage sur le nombre de victimes et la réalité de la répression. Cette plongée au cœur de la logique du système colonial permet de distinguer une répression militaire dans la région de Sétif et une répression menée par les civils dans la région de Guelma. Dans le film, j'ai mis en avant le récit des témoins, à l'époque ils avaient 20 ans. Ils nous guident sur ce qui s'est réellement passé dans toute la région du Constantinois. Je suis allée à la rencontre de ces hommes et ces femmes qui ont vécu et subi cette répression. J'ai donné la parole aux témoins français, algériens, ainsi qu'au premier reporter arrivé sur les lieux.

Le titre de votre film laisse entendre que cet Autre 8 mai 1945 est aux origines de la guerre d'Algérie ?

Le film montre à quel point, le 8 mai 1945 constitue un point de non retour, une blessure irréparable, qui débouchera, 9 ans plus tard sur la guerre d'Algérie. À la fin de la répression, le Général Duval, responsable du département de Constantine écrivait au Général Henri Martin : "Je vous ai donné la paix pour dix ans. Si la France ne fait rien, tout recommencera en pire et probablement de façon irrémédiable". Suite à la répression du printemps 1945, les Algériens rejoindront massivement les partis nationalistes.

Propos recueillis par
Mohamed Bensalah

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