AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 002 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Entretien avec Papa Wemba, acteur, chanteur
"Là où il y a de l'argent, il y a des projets"
critique
rédigé par Simon Mbaki Mazakala
publié le 14/05/2009
Simon MBAKI MAZAKALA
Simon MBAKI MAZAKALA
Papa Wemba dans le documentaire musical de Jimmy Glasberg, Papa Wemba Chance eloko pamba, 1996.
Papa Wemba dans le documentaire musical de Jimmy Glasberg, Papa Wemba Chance eloko pamba, 1996.
Mwézé Dieudonné Ngangura (Festival Ecrans Noirs 2008, Yaoundé)
Mwézé Dieudonné Ngangura (Festival Ecrans Noirs 2008, Yaoundé)
Ngangura Mweze
Ngangura Mweze
La vie est belle, de Mweze de Ngangura
La vie est belle, de Mweze de Ngangura

Artiste musicien, auteur compositeur, créateur de l'orchestre VIVA LA MUSICA depuis les années 77, Papa Wemba est apparu dans plusieurs films de fiction et documentaires.Le cinéaste congolais Ngangura Mweze a fait appel à lui pour La vie est belle et Les habits neufs du Gouverneur.

Étant musicien, vous avez été approché par Ngangura pour jouer un rôle dans son film La vie est belle. Comment s'est fait le rapprochement ?
Dieudonné Ngangura était encore étudiant, et il fréquentait le village Molokaï. Je l'intéressais en tant que chanteur ; il venait partager de temps à temps ma vie de tous les jours. À chaque fois, il répétait une phrase : "papa, je suis en train d'écrire un scénario, pour que tu joues dans mon film. Je sais que le scénario va te convenir." Il était constamment confronté aux problèmes financiers. Heureusement pour lui, il a croisé Benoît Lamy, un réalisateur belge. Par la suite, ils ont obtenu un financement. Je n'avais pas encore lu le scénario. Après l'avoir parcouru, je n'ai pas dit non. Pendant le tournage, la personne qui m'a vraiment aidé dans le travail, c'était Benoît Lamy ; un grand réalisateur. Il m'a donné des directives précises. Vous savez, dans le cinéma, pour jouer une scène, on peut répéter plusieurs fois. D'autre part dans le scénario, il y a des scènes de la musique ; je me suis retrouvé sans peine.

Vous avez aimé ce que vous avez pu faire ?
Ah oui. Du fond du cœur, j'ai aimé mon rôle, sinon je n'allais pas jouer.

Vous avez joué dans plusieurs films sans pour autant chercher à faire une carrière dans le cinéma. Pourquoi ?
Je suis beaucoup plus chanteur qu'acteur de cinéma. J'aime bien chanter. Et puis je ne me suis pas arrêté aux trois films de Ngangura.
J'en ai fait aussi un autre avec Benoît Lamy intitulé Le combat des fauves où j'ai joué le troisième rôle. Le premier était tenu par un acteur français Richard Bohringer, le second par une Allemande Ute Lemper. Malheureusement, ça n'a tourné qu'en Europe, ça n'a pas récolté du succès comme La vie est belle. D'autre part, j' ai joué dans Macadam tribu et des documentaires. Je n'ai pas eu plus de demandes pour les fictions. Les gens voient à travers moi plutôt un chanteur, mais pas un acteur de cinéma.

Ngangura qui vous aime beaucoup doit penser autrement, non ?
Il vient d'écrire un autre scénario et je dois jouer là dedans. Le titre c'est La vie est ici, en projet. Il attend toujours des financements.

Dans votre vie de musicien, vous dites que vous êtes le Chef Coutumier du Village Molokaï. Tous ceux qui ont vécu à Kinshasa vers 1950 -1960 savent que Molokaï veut dire autre chose. Pourquoi avoir choisi d'appeler "Molokaï" votre quartier "Matonge" ?
Moi, c'est mon rétroviseur que je regardais. En regardant ce rétroviseur, vers 1955, 56, 57, il y avait un Abbé (André Cornil) qui circulait dans les quartiers de Léopoldville à l'époque et il projetait des films à ciel ouvert. Il était venu dans mon quartier "Camp Renkin" aujourd'hui Matonge et il a projeté un film d'un évangéliste qui avait pour rôle de guérir les lépreux dans l'île Molokaï. Le lendemain de la projection, les aînés de mon quartier l'ont surnommé Molokaï. Devenu vedette de la chanson, j'ai appelé chez nous la République de Molokaï. Mais à l'époque, ç'allait être une république dans une république. Je risquais d'avoir des problèmes avec Mobutu.
En plus, il y avait le recours à l'authenticité (entre recours et retour, j'ai beaucoup préféré le retour). Je suis villageois et je suis d'une famille de chef. Mon père ne voulait plus retourner au village prendre le trône. En tant que fils de chef, j'ai eu envie d'assumer ce rôle de chef.

À Kinshasa et en RDC, il n'y a pratiquement plus de salle de cinéma, seulement des ciné-vidéo. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Moi, Mon père nous mettait à vélo avec mon jeune frère pour aller au cinéma, au ciné Siluvangi commune de Kinshasa, quand il y avait un bon film. On a grandi comme ça, on allait dans les salles de cinéma. Dans chaque quartier, il y avait au moins une salle de cinéma. Mais aujourd'hui, avec la technologie tout a changé. Peut-être dans d'autres pays comme au Burkina Faso ou à Nairobi au Kenya, les gens font la queue pour regarder un film qui vient de sortir. Nous ici, le cinéma congolais n'existe même pas. Pourquoi avoir des salles quand le cinéma n'existe pas ? C'est difficile. Roger Kwami est décédé sans pour autant avoir fait un grand film. Dieudonné Ngangura a un peu de chance. Il y a aussi un cinéaste qui fait de films courts, j'ai cité Balufu [il vient de signer son premier long métrage, Juju factory, ndrl]. C'est un gars très brillant. Jusque là pas de grand film.

Vous déplorez cette situation ?
Je le déplore parce qu'on ne met pas beaucoup d'accent sur le cinéma. Or le cinéma est un grand investissement. Ça peut nous rapporter beaucoup, notamment en terme de revenus financiers. Il faudra aussi revenir à des habitudes anciennes. S'il y a un bon film, il faut aller dans une salle de cinéma. À la télévision, on peut voir mais pas suivre.

Justement à la télé, on nous montre beaucoup de théâtre filmé. Si on vous proposait un rôle quelconque qu'allez-vous faire ?
D'emblée, je ne peux pas dire non. Je verrais le rôle qu'on me propose, surtout un rôle d'éducateur. Si le rôle me convient, je peux accepter. Comme il n'y a plus de cinéma, on se contente du théâtre filmé.

À la télé toujours, le cinéma nigérian a pris une place grandissante ; avez-vous un commentaire ?
Nous, on était les premiers avec La vie est belle et tout. Même à l'époque coloniale, il y avait les films avec le feu Général Bumba. Il y avait aussi PiliPili et MataMata. On aurait dû continuer. Nous avons l'ICA (Institut congolais de l'audiovisuel), c'est pour former les gens qui font du cinéma. En RDC, il y a des compétences. Les films nigérians, c'est malgré nous et c'est à la portée de tous. On ne paie rien. C'est la télé qui nous diffuse cela.

Qu'est ce qu'il faut faire pour permettre l'existence du cinéma congolais ?
Il faut mettre de l'argent. Là où il y a de l'argent, il y a des projets.
Nous avons des gens qui sont compétents. C'est un travail de toute la communauté d'envisager un avenir pour le cinéma en RDC.

MBAKI MAZAKALA Simon
Association Congolaise des Critiques Cinématographiques
Kinshasa, le 14 Mai 2009

Films liés
Artistes liés
Structures liées