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Festival de Cannes 2009
Amour et trahison
critique
rédigé par Azzedine Mabrouki
publié le 21/05/2009

Le site imprenable de la croisette de Cannes a vécu des journées historiques. Il y a eu une affiche de hyper stars, des moments délibérément forts sur la montée des marches comme de voir la très belle Rachida Brakni aux bras de son mari Eric Cantona. Ce qui prouve bien que le festival de Cannes demeure le premier évènement cinématographique et médiatique au monde.

À noter à ce propos l'extrême cohérence de certains jours de la sélection, comme ce Mardi 19 mai inoubliable où pas moins de trois très grands oeuvres ont défilé sur l'écran de la salle Lumière : Étreintes brisées de Pédro Almodovar, Les Herbes folles d'Alain Resnais et Vincere (Vaincre) de Marco Bellocchio. Des oeuvres qui atteignent le sommet de l'art.

Ceci pourtant ne nous fait pas oublier que le lendemain on a essayé de voir jusqu'au bout l'exécrable opus de Quentin Tarantino : Inglorious Basterds, une chose qui n'a absolument aucun intérêt cinématographique et qui laisse une impression très mitigée. On est gêné à se demander pourquoi le festival de Cannes depuis quelques années tente de mettre en selle la machine Tarantino très proche du degré zéro de la culture et de l'art ?
Ce dernier opus sur la deuxième guerre mondiale est faux et malhonnête : dés la première séquence on voit un petit paysan français qui trahit en révélant à un colonel SS allemand où se cachent les juifs du village. Terrible ignorance de l'histoire : car où serait aujourd'hui Madame Simone Weil si des paysans français de l'arrière pays de Nice ne l'avaient pas cachée et protégée contre les rafles nazis ? Et ceci n'est qu'un exemple parmi des milliers du comportement héroïque des paysans de France et que Rachid Bouchareb a évoqué avec talent dans Indigènes. La thèse de Tarantino c'est qu'il n'y avait qu'un commando de soldats juifs américains pour défendre les Juifs français... Quelle blague !
Et son film est truffé d'une violence abjecte, insupportable à regarder sur l'écran. À fuir !

Mais qui se plaindra que la même sélection a aussi montré l'autre machine mille fois plus sympathique de Pédro Almodovar qui, dans Étreintes brisées, mélo moderne et très brillant, raconte le passé et le présent d'un cinéaste aveugle suite à un accident où il a perdu son amante et actrice. Pénélope Cruz trouve encore là un rôle à sa mesure.
Inutile de dire que son film a raflé à Cannes l'adhésion massive du public et des journalistes, toujours ses ardents défenseurs.

Heureuse sélection qui a permis le retour après tant d'années de Alain Resnais : Les Herbes folles est une comédie délirante avec de magnifiques acteurs : Sabine Azéma et André Dussolier.
Mais ce jour-là, ce mardi béni où on n'a pas quitté la salle, l'émotion la plus grande est venue de Vincere du grand cinéaste italien Marco Bellocchio. Là aussi on est aux antipodes du fâcheux cirque de Tarantino. Vincere c'est la tragique histoire d'amour et de trahison d'Ida Dalser, la première épouse de Bénito Mussolini quand il n'était qu'un militant socialiste obscur. De cette union est né un fils nommé Albino.
Marco Bellocchio nous montre d'abord comment Ida, jeune et belle Milanaise très éduquée, qui a fait des études de médecine à Paris, propriétaire d'un Institut de beauté dans le chic Milan du début du siècle dernier, a rencontré par hasard Mussolini lors d'un meeting où il haranguait déjà la foule. La suite est dramatique. Ida tombe amoureuse du futur dirigeant fasciste et elle vend tous ses biens pour lui permettre de financer son journal Popolo d'Italia.
Mais devenu Il Duce et arrivé à la tête de l'État, Mussolini abandonne Ida et se marie avec Rachèle, une serveuse de restaurant fruste, analphabète ; l'image qui correspond pour lui à la femme italienne dans la nouvelle société. C'est la descente aux enfers pour Ida et son fils. Elle se retrouve dans un asile psychiatrique et son fils lui est confisqué pour se retrouver dans un orphelinat.
Il va sans dire que leur tragédie ira à son terme.
Composée telle une tragédie grecque (Antigone peut-être) et mise en scène comme un drame lyrique (l'opéra Aïda), alors que la musique transporte le spectateur au plus fort de l'émotion et que les éléments naturels : le vent, l'orage, la foudre, le tonnerre, la pluie, la neige participent à la dramaturgie, cette oeuvre éblouissante est aussi portée par de grands interprètes. Giovanna Mezzogiorno joue Ida et mériterait le grand prix d'interprétation et Filippo Timi est un Mussolini impressionnant.
Un Mussolini à qui Ida écrit un jour : " Ah ! Mourir sans pouvoir à nouveau serrer mon fils dans mes bras ! Va donc, Duce ! Tu n'es qu'un misérable ! ".

Azzedine Mabrouki

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