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Après l'océan
L'Europe comme rite de passage
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 02/07/2009
Michel Amarger
Michel Amarger
Eliane de Latour
Eliane de Latour
Bronx Barbès, 2000
Bronx Barbès, 2000
Eliane De Latour dirigeant un acteur de Bronx-Barbès
Eliane De Latour dirigeant un acteur de Bronx-Barbès
Frazer James (Shad), Après l'océan
Frazer James (Shad), Après l'océan
Djédjé Apali (Otho), dans Après l'océan
Djédjé Apali (Otho), dans Après l'océan
Sara Martins (Olga) dans Après l'océan ©Toma Baqueni
Sara Martins (Olga) dans Après l'océan ©Toma Baqueni
Fakoly Tiken Jah
Fakoly Tiken Jah
Après l'océan
Après l'océan
Après l'océan
Après l'océan
Tella Kpomahou (Pélagie) dans Après l'océan
Tella Kpomahou (Pélagie) dans Après l'océan
Malik Zidi (Bruno) et Kad Mérad (Oncle Tango) dans Après l'océan ©Toma Baqueni
Malik Zidi (Bruno) et Kad Mérad (Oncle Tango) dans Après l'océan ©Toma Baqueni
Lucien Jean-Baptiste (Tétanos), Sara Martins (Olga) et Frazer James (Shad), dans Après l'océan © Toma Baqueni
Lucien Jean-Baptiste (Tétanos), Sara Martins (Olga) et Frazer James (Shad), dans Après l'océan © Toma Baqueni
Fraser JAMES
Fraser JAMES
Djédjé Apali
Djédjé Apali

LM Fiction, Eliane de Latour, France / Côte d'Ivoire / Angleterre, 2008
Sortie France : 8 juillet 2009

Les flux migratoires s'accentuent en Europe, suscitant des lois restrictives. "Les politiques anti-immigrés sont d'abord des réponses à la peur engendrée par l'idée d'une installation du Tiers Monde à nos portes", estime la réalisatrice française Eliane de Latour, à l'écoute des sociétés. Ce qui la conduit à envisager les immigrés comme des passeurs, en indiquant : "Cela nourrirait de nouvelles dynamiques en Afrique, intéressantes, car portées par ceux qui bougent et qui créent des ponts entre les deux rives de l'océan." L'analyse, inspirée de sa formation d'ethnologue, fonde sa démarche de cinéaste. Eliane de Latour éclate dans la fiction avec Bronx-Barbès, 2000, qui signale son attachement pulsionnel à la Cote d'Ivoire. Jouant des va-et-vient entre continents, des heurts qui scellent des destins, elle signe Après l'océan, une histoire d'amitié africaine qui prend sens autour du passage en Europe.

Shad et Otto viennent d'Abidjan cultiver leur amitié en Espagne. L'un se voit comme un guerrier conquérant, épris d'une reconnaissance sociale, fondée sur la dette qu'on doit aux ancêtres. L'autre se voudrait émancipé d'un système occidental qui prône le libéralisme monétaire comme alternance à une fraternité africaine idéalisée. Séparés par une descente de police musclée en Espagne, les deux sans-papiers se retrouvent chacun d'un côté de l'océan. Shad transite en Angleterre pour arracher des petits boulots, essayant d'éviter les magouilles pour s'acheter une respectabilité et envoyer de l'argent à Pélagie, la sœur de Otto, qui l'attend à Abidjan. Otto expulsé, revient à la case départ démuni, s'attirant le mépris de l'entourage. Ce qui le pousse à détourner les devises envoyées par Shad pour essayer de repartir.

Ce dernier gagne la France avec Tango, une fille en rupture, connue par hasard. Plus attirée par les femmes, elle lui propose un mariage blanc. Un projet miné par l'insécurité ambiante. Shad a des démêlées avec ses compagnons noirs, des ennuis avec le prétendant de Tango. Il se résigne à un coup malhonnête qui lui rapporte l'argent inaccessible légalement. Son retour à Abidjan pour épouser la soeur de Otto, est l'occasion d'une confrontation entre les deux amis, séparés par leurs trajectoires, réunis dans leur volonté d'être des guerriers intrépides. Et l'action épouse la quête des deux Ivoiriens qui traversent l'Europe comme un rite de passage.

"L'Europe, où se fabrique la légende, est contrastée, flamboyante. Le choix de la mise en scène répond aux états d'âme de Shad, à ses rêves, bien plus qu'aux conditions objectives dans lesquelles il évolue", commente Eliane de Latour. "Ciels bleus et verts cocotiers ont sciemment été évacués en Côte d'Ivoire. Je voulais éviter tout exotisme dans un univers qui doit renvoyer à la posture figée, étouffée d'Otto." L'attention pour les personnages guide sa caméra mobile. Alternant les scènes découpées qui foisonnent de figures bien trempées, les gros plans capables de saisir l'émotion, la réalisatrice compose un spectacle rythmé, en phase avec les réalités qu'elle aborde. Le franc-parler d'Abidjan, la verve inventive des réfugiés font mouche. La musique, due aux artistes éclectiques d'Abidjan, apporte sa touche fiévreuse ou mélancolique.

Après l'océan passe de l'Espagne à l'Angleterre, de la France à la Côte d'Ivoire en y puisant des acteurs expressifs. Autour des deux héros, Fraser James et Djédjé Apali, apparaissent des vedettes ivoiriennes (Gabriel Zahon), françaises (Kad Merad, Malik Zidi) et une pleïade de comédiens vagabonds (Tella Kpomahou, Lucien Jean-Baptiste) dans des seconds rôles énergiques. Leur tension est branchée sur la course des immigrés africains. "Ce sont des épopées qui relèvent de l'ambition, de l'utopie, des mythologies, de la foi", estime Eliane de Latour. "A travers elles, c'est une autre figure de l'immigré qui émerge. Non pas celle d'un "déshérité" qui échappe à sa condition par la violence ou par la fuite, mais celle d'un acteur qui part à la conquête de son destin."

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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