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Casanegra
Les ombres vives d'une ville marocaine
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 15/10/2009
Michel Amarger
Michel Amarger
Casanegra
Casanegra
Nour-Eddine Lakhmari, 2008
Nour-Eddine Lakhmari, 2008
Casanegra, Storyboard de Naoufal Lhafi
Casanegra, Storyboard de Naoufal Lhafi
Le regard (Blikett) (2004), de Lakhmari
Le regard (Blikett) (2004), de Lakhmari
Casanegra, Storyboard de Naoufal Lhafi
Casanegra, Storyboard de Naoufal Lhafi
Casanegra, Storyboard de Naoufal Lhafi
Casanegra, Storyboard de Naoufal Lhafi
Casanegra, Storyboard de Naoufal Lhafi
Casanegra, Storyboard de Naoufal Lhafi
Casanegra
Casanegra
Dubaï 2008 : le film "Casanegra" reçoit le prix de la meilleure image (compétition longs métrages arabes), et ses acteurs Anas Elbaz et Omar Lofti le prix de la meilleure interprétation masculine
Dubaï 2008 : le film "Casanegra" reçoit le prix de la meilleure image (compétition longs métrages arabes), et ses acteurs Anas Elbaz et Omar Lofti le prix de la meilleure interprétation masculine
Nour-Eddine Lakhmari, 2006
Nour-Eddine Lakhmari, 2006
Omar Lotfi
Omar Lotfi
Omar Lotfi (Adil)
Omar Lotfi (Adil)
Anas El Baz
Anas El Baz

LM Fiction de Nour-Eddine Lakhmari, Maroc, 2008
Sortie France : 21 octobre 2009

Lors de sa sortie au Maroc, en 2008, Casanegra de Nour-Eddine Lakhmari a divisé. Certains y ont vu un tournant audacieux de la cinématographie nationale, d'autres un film excessif au ton clinquant. Les débats ont presque occulté l'intérêt du film, parti pour captiver le public populaire en concurrençant les productions étrangères envahissantes. Le défi est relevé par un réalisateur devenu l'un des emblèmes prometteurs de la nouvelle génération. Après des études de cinéma à Paris et Oslo où il a débuté sa carrière, Nour-Eddine Lakhmari s'est recentré vers le Maroc. Il s'y fait remarquer dès 1995, lorsque le Festival National s'ouvre aux auteurs issus de l'émigration. Rodé aux produits de commande en Norvège, le cinéaste est apprécié pour ses courts-métrages. Son premier long, Le regard, 2005, qui traite de la mémoire marocaine, s'inscrit moins souplement dans la production thématique de l'époque. Mais après avoir tourné quatre épisodes de la série télé El Kadia, Nour-Eddine Lakhmari s'impose avec Casanegra.

Amorcé par un prologue où des hommes courent, le récit remonte le temps de trois jours. Il colle à la fuite en avant de deux jeunes des quartiers pauvres de Casablanca. Adil vit avec sa mère et son beau-père qui la bat. Il échappe à la tension familiale en cherchant des combines pour obtenir un visa et partir dans une ville de Norvège s'y faire une vie de rêve. Son copain Karim tente d'aider son père retraité, abîmé par une vie de travail ingrat dans une poissonnerie. Karim défie la pauvreté en exhibant un costume élégant et une certaine arrogance. À cause d'elle, il ne peut supporter un emploi recommandé chez l'ancien patron de son père. Adil fréquente un mafieux redouté qui manie une perceuse pour racketter ses clients, et Karim est embarqué dans leurs affaires. Pris dans l'engrenage des embrouilles, les deux Casablancais parcourent la ville en tous sens pour essayer de s'en sortir. Truffée de rencontres pittoresques, de coups du sort, de contrastes sociaux, Casablanca fait palpiter la course en éblouissant de ses mirages urbains.

Rayonnante de mille feux la nuit, désenchantée et sans issue le jour, Casablanca s'imprime comme un faisceau de signes qui font vibrer les sens. La vision dramatique de Nour-Eddine Lakhmari renvoie à l'image mythique de la ville, véhiculée par la première génération de cinéastes marocains. Symbole d'une modernité impitoyable, lieu des désillusions et de la violence, Casablanca est ici le décor dynamique de péripéties que les héros cherchent désespérément à esquiver. Adil vise un exil géographique, à l'étranger, Karim aspire à un ailleurs sentimental, en s'enivrant avec une femme antiquaire, d'un autre milieu. Mais chacun est rappelé à sa condition par les contingences de l'entourage. Casablanca s'affirme comme un espace où les rêves tournent en rond, où la tension s'aiguise dans des rixes, des accrochages, des injures lâchées par-dessus l'épaule.

Vif comme ses interprètes, Omar Lotfi (Adil) et Anas El-Baz (Karim), le film fait la part belle aux seconds rôles forts avec Mohamed Ben Brahim (Zrereg). Leur verve nourrit des échanges crus où les insultes pleuvent, où les mots d'argot fusent comme des trouvailles. Alternant plongée et contre-plongée, monté avec fougue, Casanegra repose sur la maîtrise des pubs et des images modes de Nour-Eddine Lakhmari. Avec son rythme nerveux, il épouse les soubresauts de la ville pour en pointer la dureté, faisant de Casablanca un espace expressionniste. En cherchant une place dans cette société comprimée, les héros évoluent dans des strates de milieux, famille, quartier, réseau, qui soulignent leur solitude. Vrais révoltés et faux rebelles, vrais romantiques et faux voyous, les personnages saisis par Nour-Eddine Lakhmari se brûlent aux lumières. Leur vérité s'inscrit en négatif dans l'ombre palpitante de Casablanca.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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